L’audition d’Álvaro Sobrinho par la commission anticorruption ; le passage express de Youshreen Choomka à Réduit; les travaux de la commission d’enquête sur les agissements d’Ameenah Gurib-Fakim alors qu’elle était présidente. La semaine écoulée nous a fourni son lot de… non rebondissements. Ceux qui s’attendaient à des révélations fracassantes sont restés sur leur faim. Il y a des explications à cela.

Commençons par la commission Caunhye. Au final, qu’a-t-on appris jusqu’ici ? D’abord, qu’Ameenah Gurib-Fakim n’était décidément pas taillée pour le poste de chef de l’Etat. Celle qui a pris ses fonctions et a opéré sans «coaching» a accumulé les erreurs de jugements. Forcée à la démission ; conseillée par des juristes aux avis divergents ; aveuglée par son obsession à laver son honneur, Ameenah-Gurib Fakim a réussi la prouesse de ne pas convier tout son panel légal autour d’une table pour un brainstorming mais plutôt d’agir d’après l’avis qui l’arrangeait. Résultat : son honneur n’a certainement pas été lavé et l’ancienne présidente ne renvoie pas l’image d’une innocente victime.

Un jugement sévère, Yousuf Mohamed le mérite aussi. Occupé à transférer tout le blâme sur une Gurib-Fakim aussi inexpérimentée que bornée, le vieux routier du barreau et de la politique fait preuve d’une étonnante désinvolture. Oublions les petites contradictions entre sa version des faits et celles de Gilbert Noël et Nadeem Hyderkhan pour ne parler que de l’évidence qui a semblé avoir échappé à Yousuf Mohamed.

Comment un vieux roublard comme lui a-t-il donc pu ignorer le fait que le gouvernement avait esseulé Gurib-Fakim ? En ne lui offrant que la porte de sortie comme issue. Pourquoi l’avocat s’est-il autorisé à croire que les terms of reference (TOR) «suggérés et non imposés» par la présidente d’alors auraient été acceptés de gaieté de cœur par le Premier ministre ? Pourquoi avoir perdu son temps et celui de son junior, Hyderkhan, dans la rédaction de TOR d’une commission d’enquête qui semblait vouée à finir à la poubelle du gouvernement ?

Par contre, tous les espoirs étaient permis avec l’annonce de l’audition du milliardaire angolais par l’Independent Commission against Corruption (ICAC). Les plus imaginatifs allant jusqu’à supputer que la venue de l’homme d’affaires controversé à Maurice – pile au moment où la commission Caunhye entend ses témoins – n’était pas une coïncidence. Mais six jours d’audition plus tard, Sobrinho ne semble pas avoir permis aux enquêteurs de la commission anticorruption d’avoir une épiphanie.

Bien au contraire, leur patron, Navin Beekarry, donne presque l’impression que l’enquête Sobrinho est une de celles dont on entend parler pendant longtemps sans toutefois en connaître la conclusion. Rôtir du milliardaire angolais prend du temps. Rien à voir avec la préparation de gato pima, a prévenu le directeur général de l’ICAC.

Cuisiner de la Youshreen Choomka semble aussi prendre du temps. Si le recrutement de l’ancienne directrice générale de l’Independent Broadcasting Authority fait l’objet d’une enquête depuis avril 2016, son rôle d’intermédiaire auprès d’investisseurs étrangers, alors qu’elle travaillait pour l’IBA, a été étudié par un Fact Finding Committee (FFC) dont le rapport a été rendu au gouvernement depuis 10 mois. Or, ce n’est que cette semaine que l’avocate et membre du MSM a été convoquée par l’ICAC.

Si on peut malgré tout penser que les Mauriciens ont eu droit à de petits déballages sur ces trois dossiers, il y en a un autre qui est conditionné sous vide depuis des mois. Allons dire qu’il y a prescription. Précisons donc – hormis la réaction du Premier ministre – que les conclusions du FFC sur Vijaya Sumputh que nous avons précédemment décrites ici sont purement factuelles. Ce qui fait que ce dossier doit être considéré comme un open-and-shut case. Vu le volume de faits et de témoignages compilés dans ce dossier prémâché pour la commission anticorruption. Or rien, du moins en apparence, n’a été fait jusqu’ici.

A croire que quelque part, quelqu’un est gêné à l’idée qu’une fois ouverte, cette enquête ne pourra aller que dans une direction : avec au moins deux victimes notables sur son passage. On ne semble toutefois pas prêt de le savoir. Ce qu’on sait toutefois, c’est que Pravind Jugnauth et Navin Ramgoolam partagent peut-être un trait en commun. Celui de se laver les mains des rapports encombrants en les transférant à des cuistots incapables de faire frire deux gato pima !

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