[3e et dernière partie du compte rendu de l’audition de Yousuf Mohamed]

«I had not sollicited Yousuf Mohamed, l’offre est venue de lui à travers la presse.» Le juge Asraf Caunhye confronte le Senior Counsel à cette affirmation d’Ameenah Gurib-Fakim devant la commission d’enquête, il y a quelques jours. «J’avais dit à la présidente que je pourrais la représenter devant un tribunal», explique Mohamed, ce 23 août. «Ce que je dis est la vérité et l’entière vérité !» s’exclame-t-il.

Ameenah Gurib-Fakim lui avait-elle dit qu’elle demanderait l’aval du Conseil des ministres ? veut encore savoir Asraf Caunhye. «Je lui ai dit qu’elle devait demander l’aval du Cabinet quand nous avons parlé seul à seul», réitère Yousuf Mohamed. «Mais elle ne m’a pas donné l’impression qu’elle le ferait.»

«Ce fut un choc pour moi», affirme le Senior Counsel, d’apprendre que «she was proceeding on her own».

Le 17 mars, Nadeem Hyderkhan l’informe que la présidente de la République veut de nouveau les voir. Mohamed se rend au château du Réduit. Outre Hyderkhan, l’avoué Gilbert Noël et les deux secrétaires de Gurib-Fakim sont aussi présents. Celle-ci veut savoir : «What now ?»

Yousuf Mohamed la confronte : «Madame, vous avez violé la loi. Vous n’auriez pas dû le faire.» Car il y a des conséquences, lui fait-il comprendre. «If there were to be a special tribunal, you will be grilled.» L’homme de loi est sans équivoque : «Par égard pour votre famille, vos enfants, votre époux, votre père, vous devez démissionner. Ce pays ne peut se permettre de voir deux ‘top people’ en conflit.»

Ameenah Gurib-Fakim lui demande alors un temps de réflexion, et d’attendre juqsu’à 17 heures. Elle l’appelle finalement à 14h15 pour le mander de nouveau au Réduit. Lorsque Yousuf Mohamed y débarque, Nadeem Hyderkhan est déjà sur place de même que l’avoué Gilbert Noël.

«All the time she had been saying :’I want to clear my name’», se remémore Mohamed. Un souhait qu’elle répète de nouveau ce 17 mars 2018. «Il y a d’autres moyens», lui enjoint le Senior Counsel, à l’instar d’une plainte, d’une conférence de presse ou d’une mise au point. Gurib-Fakim l’informe alors de sa discussion avec son époux lui disant qu’elle démissionnerait. «Elle m’a demandé d’aider à rédiger la lettre de démission», précise le Senior Counsel. Yousuf Mohamed s’exécute et dicte «toute la lettre» à la secrétaire. En ajoutant, selon les instructions de sa cliente, qu’elle quitterait son poste dans une semaine. Ameenah Gurib-Fakim la signe en leur présence.

Yousuf Mohamed appelle ensuite l’Attorney General Maneesh Gobin pour lui dire d’informer le Premier ministre de la démission de Gurib-Fakim. La lettre devait être déposée chez la Speaker, à Flic-en-Flac.

Durant le délai d’une semaine qu’a demandé Gurib-Fakim, elle envoie au Senior Counsel des documents, qu’il a remis à la commission Caunhye ce jeudi 23 août. A quoi se rapportent-ils ? «Nous avions discuté de ses voyages, etc. She was not the only president whose trips were paid by others», souligne Mohamed. Gurib-Fakim lui remet donc des documents concernant trois de ses prédécesseurs «qui avaient fait la même chose». Mais aussi des éléments «qui n’étaient pas requis» à l’instar d’une demande de paiement pour les frais médicaux d’un ancien locataire du Réduit.

Yousuf Mohamed fait aussi référence à une lettre de Hervé Duval sur la possibilité pour le chef de l’Etat de mettre sur pied une commission d’enquête seul du temps ou Kailash Purryag occupait ce poste. «La présidente voulait m’utiliser pour attaquer d’anciens présidents sur leur propension aux voyages», déclare l’homme de loi aux juges Caunhye, Devat et Jugessur-Manna.

L’audition de Yousuf Mohamed n’est pas pour autant terminée. Hervé Duval Jr, qui représente Ameenah Gurib-Fakim, veut avoir quelques éclaircissements. Car dans un article de presse, Mohamed a déclaré avoir appris que Gurib-Fakim voulait mettre sur pied une commission d’enquête alors qu’il était dans son bureau. Alors que sous serment, aujourd’hui, il soutient que la présidente d’alors lui en a parlé le mars.

Yousuf Mohamed lit l’article de l’express qui lui est présenté et confirme ses propos, il n’y a pas d’indication de la date.

L’avis donné le 15 mars, relève encore Hervé Duval Jr, était «équivoque». La procédure permet-elle à la présidence de la République de «suggérer des ‘terms of reference’» ? «de les drafter et de les imposer au Cabinet» ? poursuit l’homme de loi. Yousuf Mohamed était-il «as clear and adamant» qu’elle pourrait «imposer les terms of reference on Cabinet» ? Et était-il à l’aise que son «junior» les rédige ?

«My word was to suggest and not impose», contre Yousuf Mohamed. Et d’ajouter : «There is nothing wrong for a president to suggest terms of reference.» Hervé Duval Jr revient à la charge: Yousuf Mohamed était-il pour autant autoriser à faire des déclarations publiques à propose de ce que Gurib-Fakim lui aurait dit ou non ? «Mon ami pensait-il qu’il lui était ‘permissible’ de révéler à la presse l’avis qu’il avait donné ?»

«La presse m’a demandé si la mise sur pied de cette commission d’enquête était légale. Et j’ai dit non. J’étais le premier à le dire», 

insiste Yousuf Mohamed. «In fact I was protecting her till the very last moment.»

Pourtant, selon son témoignage plus tôt, Mohamed a déclaré avoir affirmé à la rédactrice en chef de Weekly, qui l’interviewait quand Gurib-Fakim l’avait appelé, que la présidente avait fait une bêtise. «I was not bound by confidentiality at this moment», réplique le Senior Counsel.

Il évoque un échange de mails entre celle qui était encore présidente de la République et le Deputy Prime minister Ivan Collendavelloo. «We can see she’s very resolute and determined.» Car, ajoute Mohamed, Ameenah Gurib-Fakim écrit : «I’ll do it my way.»

«We can see that she’s not an innocent lady, not totally someone innocent», commente Mohamed. Qui lit des échanges entre Gurib-Fakim et Collendavelloo. Elle a dit «I’ll do it my way», réitère Yousuf Mohamed. «Quand madame Ameenah Gurib-Fakim a déposé, j’ai dit que le privilège [avocat-client] n’existait plus.»

La commission d’enquête reprendra ce lundi 27 août. Les auditions de l’avocat Nadeem Hyderkhan et de l’avoué Gilbert Noël sont attendues.

Le représentant de la Barclays, Jugdish Nundoosing, doit aussi déposer les détails des comptes bancaires d’Ameenah Gurib-Fakim liés à Planet Earth Institute.

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