Son audition par la commission d’enquête sur les drogues n’a pas été de tout repos. Pressé de questions sur ses sources de revenus, Sada Curpen est apparu évasif. Opposant souvent des «mo pa rapel» aux interrogations de Paul Lam Shang Leen et de ses assesseurs. Et contrairement à ce que suggèrent les messages WhatsApp déposés par Tisha Shamloll, il n’a pas financé la campagne électorale de Raouf Gulbul en 2014, a assuré Curpen.
Le nom de Sada Curpen a été plusieurs fois devant la commission Lam Shang Leen, notamment concernant Raouf Gulbul, qui l’avait défendu.
D’où vient son argent ? a été l’une des principales interrogations de la commission, ce mercredi 7 mars. Sada Curpen dit travailler à son compte. Sa compagnie se charge de la mise en location d’un appartement à Grand-Gaube. L’entreprise, assure son fondateur et unique actionnaire, soumet des déclarations d’impôts tous les ans. Une affirmation que contredit l’ex-juge : pas de ‘tax returns’ pour Erchwon «mais de l’argent atterrit sur votre compte personnel». Emprunte-t-il à sa compagnie ? Oui, «me mo mem konpagni», insiste Curpen. Qui explique que certaines sommes cash proviennent des courses hippiques.
Doit-il Rs 4 millions au fisc ? veut savoir Lam Shang Leen. C’est déjà réglé, soutient Curpen. Si le chiffre d’affaires varie, ce dernier concède cependant n’avoir aucun permis de la Tourism Authority : «Aster pou al fer aplikasion.» Comment a-t-il acheté l’appartement ? «Ma mère m’a aidé.» Une excuse «facile», interjette Lam Shang Leen : «Li’nn avoy dan valiz?» Il avait en emploi du temps où il était en France, indique Curpen. Qui ajoutera, plus tard, que sa mère a reçu un héritage en France. «Mo inpe zanfan gate, kan mo demann li, li donn mwa», poursuit Curpen.
Mais se fait-il de l’argent avec sa compagnie ? Quand la location se fait à long terme, dit Curpen : «La compagnie, c’est moi.» Lam Shang Leen n’est pas d’accord : «Vous empochez l’argent de la compagnie ?» Oui, mais il y injecte aussi ses fonds personnels, intervient Curpen.
Lam Shang Leen insiste : combien l’appartement lui rapporte-t-il depuis 2014 ? «Mo pa rapel», répond Curpen. «Mo zwe lekours ousi.» Lam Shang Leen se fait insistant : qui pariait pour lui de la prison ? qui déposait du cash, de fortes sommes sur son compte ? La réponse est la même : «Mo pa rapel.» Curpen précise cependant avoir eu des frais dont il devait s’acquitter.
Paris et prison
L’audition s’intéresse également à Parvin Appadoo, qui avait été entendu début février. Curpen a du mal à le placer, «celui qui vend des bateaux», précise Lam Shang Leen. Ils se rencontraient à propos de courses hippiques, affirme le témoin. «Ouswa li ou lame drwat?» insiste Lam Shang Leen. «Je n’ai qu’une main droite», répond Curpen du tac-au-tac, déclenchant le rire dans la salle mais pas chez Lam Shang Leen.
Appadoo plaçait-il des paris sur les courses hippiques pour Curpen ? Car selon les informations de la commission, ce dernier pariait bien que derrière les barreaux. Le témoin dément, il ne jouait pas. Il avait, en revanche, été associé à Parvin Appadoo dans une compagnie de t-shirts, qui a fermé depuis. Le nom ? «Mo’nn inpe bliye.» Mais il a reçu une certaine somme d’Appadoo, des arriérages de loyer.
Est-il un «zougader» ? veut encore savoir l’ex-juge. «Kan ena, mo zwe», rétorque le témoin. Et en prison ? Curpen pariait sur un «automatic system» mais ne détenait aucun compte, selon ses dires. «Peut-être que vous avez oublié», glisse Lam Shang Leen car il y a eu des dépôts d’argent au nom de Curpen. «Mo pa ti pe zwe», rectifie Curpen qui veut cependant connaître les dates. «Ou’nn bliye?» ironise le président de la commission. Qui s’énerve un peu, citant les dépenses importantes de Curpen au casino. Et insiste pour connaître ses sources de revenus.
S’il ne s’en souvient pas, c’est que c’est de l’argent non déclaré, avance Lam Shang Leen. Si Curpen ne s’explique pas à la commission, c’est à l’Independent Commission against Corruption qu’il le fera, prévient le président. Qui reprend ses questions sur le compte bancaire du témoin. Certaines sommes citées proviennent des gains aux courses hippiques, dit Curpen. «Que vous ne déclarez pas», contre Lam Shang Leen, qui égrène les sommes engrangées par Curpen derrière les barreaux. «Mo ti fer mama avoye», rétorque Curpen. Lam Shang Leen souligne, une fois encore, les nombreux dépôts en argent sur son compte, et les fortes sommes pariées alors qu’il est en prison : de 2013 à 2015, entre Rs 800 000 et Rs 1 million chaque année, environ un demi-million en 2016.
Mi-2012, toujours en détention, Sada Curpen a également vendu une BMW. «Kouma ou resi vann loto dan prizon?» l’interroge Lam Shang Leen. Il en a obtenu l’autorisation, indique Curpen. Mais, s’étonne le président de la commission, la liste des différents propriétaires de la voiture ne comprend pas le nom de Sada Curpen. «Kouma ou kapav vann enn loto ek pena okenn tras?» lance l’ex-juge.
La mémoire courte
Lam Shang Leen rappelle à Curpen qu’il fait face à un autre procès. Ce qui l’intrigue : les sommes mais aussi les documents saisis en 2010, dont des photos de témoins, suivant son arrestation. Tout cela est lié à son procès, déclare Curpen. Même le CV d’un garde-chiourme ? Ce dernier cherchait du travail : «Mo’nn fer li plezir, mo’nn gard li dan kwin», réplique le témoin.
Est-il en relation avec Siddick Islam ? Peroomal Veeren ? «Non», répond Curpen. Un numéro de Veeren a pourtant été en contact avec lui durant deux mois, «et vous niez ?» lâche Lam Shang Leen. «Ou kone, dan prizon, enn telefonn plizier dimounn servi», s’explique Curpen.
Il l’a rencontré à la prison : «Koumansman, ti pe gagn kontak. Apre mo’nn koup kontak.» C’était l’année dernière, réagit Lam Shang Leen. Le témoin brandit de nouveau un «mo pa rapel». Le président de la commission se fait sarcastique : «Ou memwar kourt?» Sada Curpen répond sérieusement : «Mo memwar inpe afekte, inn pas par boukou katastrof.»
«Le grand bluff» ?
Raouf Gulbul l’a défendu, confirme Curpen, mais pas Tisha Shamloll «qui donnait un coup de main». Cette dernière a affirmé à la commission que Curpen avait remis de l’argent qui devait être déposé sur le compte d’un co-détenu. Le témoin dément fermement. «C’est votre parole contre celle de Shamloll», souligne Lam Shang Leen.
Curpen a-t-il envoyé des messages à l’avocate ? Oui. Mais il n’a pas financé la campagne de Gulbul. «Zame mo’nn donn kas, zame mo’nn donn enn politisien kas», affirme le témoin. Ce n’est pourtant pas ce que laissent comprendre les messages WhatsApp que Me Shamloll a remis à la commission. «Li’nn donn mesaz se ki dan so lintere», des extraits au lieu de l’ensemble des échanges, assène Curpen. Rappelant qu’il est sous serment. Les documents remis, tance Lam Shang Leen, ont «plus de valeur que votre serment. A moins que ce ne soit un grand bluff».
«Nous avons de nombreuses raisons de penser que votre argent provient de sources illégales», assène Ravin Domah. Curpen est «sélectif» sur ce dont il se souvient, ironise Sam Lauthan, le second assesseur de la commission. Qui souligne la «grande influence» du témoin en prison. Le garde-chiourme cité plus tôt a été transféré grâce aux bons soins du témoin, affirme Lauthan : «C’est l’emprise que vous avez sur un système, un système censé protégé la société contre la drogue.»
«Je suis un homme simple», rétorque Curpen, pour qui les médias sont en cause pour sa réputation.
A-t-il des pressions sur Cindy Legallant pour qu’elle change de version ? lui demande encore Sam Lauthan. Il faudra lui demander, réplique Curpen. Et les documents égarés dans des postes de police ? Le témoin le renvoie à la police.
Curpen a quinze jours pour justifier la source de ses revenus.
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