Lundi, il avait promis de revenir avec des documents. Raouf Gulbul l’a fait ce jeudi 9 novembre. Au début de sa 4e audition par la commission d’enquête sur les drogues, l’avocat remet des documents. Notamment ceux relatif aux permis d’opération accordés à des maisons de jeux par la Gambling Regulatory Authority.

Mais bien vite, Paul Lam Shang Leen s’intéresse à nouveau à la rencontre entre l’ancien candidat du MSM et un imam à St Pierre, en pleine campagne électorale de 2014. Gulbul assure avoir tenté de joindre Mamade Bocus, celui qui l’a mis en relation avec l’homme religieux. Mais n’ayant pu le joindre, il affirme ne pas pouvoir dire le nom du maulana à la commission. L’avocat assure toutefois que durant sa réunion, seules des questions politiques et «les aspirations de la communauté musulmane» ont été discutées.

Gulbul a à peine le temps d’expliquer pourquoi son campaign manager Samad Golamaully ne participait pas aux discussions que l’ancien juge l’interroge sur une réunion avec celui-ci et Noor Hussenee, il y a un mois à Ebène. L’avocat nie. Lam Shang Leen propose immédiatement de l’aider en lui donnant des détails supplémentaires sur l’heure de la rencontre et le lieu. «I don’t remember», persiste le témoin. Le président de la commission se fait soudain plus direct. «Avez-vous persuadé Golamaully et Hussenee de fournir une version similaire à la vôtre ?» «Never», proteste le juriste.

Le président de la commission reprend à nouveau des éléments discutés ce lundi 6 novembre, notamment le paquet qui aurait été placé dans le coffre de la voiture à bord de laquelle voyageait Gulbul. Il n’y en avait pas, persiste ce dernier. «This is your version. You are under oath», renchérit le président de la commission.

Lancé sur la question du financement, Lam Shang Leen confronte Gulbul à l’affirmation du trafiquant de drogue Peroomal Veeren à l’effet qu’il a remis Rs 25 millions à Rs 30 millions à un seul parti politique durant les législatives de 2014. «Ce n’est pas vrai, parce que le MSM n’a pas pris cette somme de Veeren», se défend l’ancien candidat du parti soleil.

Le président de la commission reprend la balle au bond : «So what was the amount ?» Gulbul se corrrige, Veeren n’a rien contribué à la campagne. «Money was from lawful sources only», jure l’homme de loi. Lam Shang Leen ne lâche toujours pas : «So your client is a liar?» Gulbul tâtonne. Pendant que l’ancien juge s’étonne de la capacité de Gulbul de pouvoir traiter avec des trafiquants de drogue notoires comme Peroomal Veeren, Sada Curpen ou Siddick Islam. «I acted in my professionnal capacity, never beyond», assure à nouveau le témoin.

C’est au leader de Gulbul que la commission s’intéresse désormais. Lam Shang Leen évoque les accusations fracassantes de Veeren à l’égard du Premier ministre. L’accusant d’être un bailleur de fonds du trafic de drogue à Maurice. «This is a gross lie», s’emporte le témoin. Il dit bien connaître le Premier ministre et son opinion sur le durcissement du combat contre le fléau. L’ancien juge prend à nouveau son interlocuteur à contre-pied. «We have information, but it is not verified, that you instigated Peroomal to implicate the PM.» Gulbul montre son mécontentement. «This is wrong. I will never do such a thing», explique-t-il en remarquant qu’il n’avait aucun moyen de communiquer avec le trafiquant de drogue.

Puisqu’on parle de communication, le président de la commission demande à Raouf Gulbul de lui remettre le numéro de son épouse, juge de la Cour suprême. Gulbul obtempère en précisant que le numéro qu’il donne est le seul qu’utilise celle-ci. Lam Shang Leen donne un autre numéro à Gulbul, qui confirme que c’est le numéro Emtel qu’il utilise et qui est enregistré à son nom.

«Are you sure it is registered under your name?» questionne Lam Shang Leen. Selon les éléments recueillis par la commission, ce numéro, activé depuis janvier 2006, est plutôt enregistré au nom de son épouse. Gulbul laisse passer. Le président de la commission poursuit en demandant s’il a des amis en Colombie. «I don’t think so», répond le témoin. «Alors pourquoi ce numéro reçoit des SMS de Colombie ?» demande l’ancien juge. «I don’t recall», répond son interlocuteur.

Lam Shang Leen révèle certaines communications effectuées par ce numéro colombien notamment avec Peroomal Veeren et la prison à Maurice. L’ancien juge cherche à comprendre pourquoi un numéro en Colombie était en contact avec Maurice. Gulbul est expédif : il faudrait demander cela à la personne qui utilise le numéro colombien, pas à lui.

Le président revient sur le numéro officiellement enregistré au nom de sa femme. Ce numéro est en communication avec des trafiquants de drogue, avance Lam Shang Leen. Qui explique qu’Emtel a aussi confirmé que ce numéro a reçu un sms de Colombie et aussi communiqué avec Veeren et la prison. Il y a eu des messages des Comores également, renchérit l’ancien juge. Gulbul se montre coopératif et propose qu’on examine les données de la carte sim de ce numéro. Lam Shang Leen accepte sur le champ, demandant à l’avocat de remettre son téléphone d’ici ce vendredi.

C’est au tour de Sam Lauthan d’interroger le témoin sur les contributions éventuelles de Veeren au MSM. «De tous les membres du MSM, vous êtes le plus proche de Veeren», constate l’ancien ministre. «I am not!» nie Gulbul qui explique, dans la foulée, que même s’il était proche du trafiquant, il n’aurait jamais accepté son argent.

Lauthan change d’angle, cherchant à savoir si le témoin a déjà demandé que la commission d’enquête sur les drogues soit démantelée. «This was never mentioned», s’agace son interlocuteur qui explique que lui et Sanjeev Teeluckdharry ont toutefois porté plainte contre un titre de presse pour avoir mal rapporté des faits. Oui, admet l’assesseur de la commission, mais auditionné, Teeluckdharry a dit que tout cela est un «mudslinging exercise», remarque-t-il. Gulbul s’exonère : il assume la responsabilité de ses propos.

Lam Shang Leen reprend la main et bifurque sur les repas consommés par Gulbul et son équipe de campagne en 2014. Shahebzada Azaree, le patron de Gloria Fast Food, les fournissait, confirme Gulbul. «L’avez-vous payé ?» cherche à savoir Lam Shang Leen. «No, I didn’t pay», avoue l’avocat.

L’audition se termine avec une salve de questions du président de la commission sur la relation de Gulbul avec Tisha Shamloll. Sur un ton badin, Lam Shang Leen questionne le témoin sur ses appels «at odd hours and for long hours» à l’avocate. Il nie. L’ancien juge persiste. «I never did that!» proteste-t-il. Le président de la commission se rabat sur leurs échanges WhatsApp. Ce qui agace Gulbul au point de défier Shamloll de produire la version intégrale de la capture d’écran d’un message publié dans la presse.

Lam Shang Leen ne le lâche pas. Et demande à Gulbul de confirmer s’il a appelé, en vain, Shamloll à 00h03 le 1er janvier. L’avocat propose qu’on demande à un expert de s’en assurer.

L’audition se termine par une pointe de sarcasme de l’ancien juge. «Where there is a case of ‘devir lanket’, you are always here», conclut-il. Avant d’ordonner au témoin de produire les documents manquants car les relevés bancaires, les propriétés et les déclarations fiscales du témoin ne concordent pas, selon Lam Shang Leen.

La séance est levée. L’ancien juge se redresse pour partir. Fait un pas puis revient s’asseoir. «I have forgotten something.» Tout le monde retient son souffle. «No, it’s o.k.», rassure-t-il, avant de sortir de la salle.

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