En élève studieux, Raouf Gulbul est arrivé avec les pièces justificatives que Paul Lam Shang Leen lui avait demandées lundi dernier. Soumettant tour à tour les justificatifs au sujet de ses voyages, ses propriétés ou encore ses dépenses.

Mais bien vite c’est au président de la Gambling Regulatory Authority (GRA) que l’ancien juge s’adresse. Quelle est sa relation avec le bookmaker Jean Michel Lee Shim? Il n’y en a aucune, clame Gulbul. Il ne convainc pas le président de la commission qui enchaîne en lui demandant si le patron de SMS Pariaz n’était pas son client. «It was a long time back», minimise le témoin. Quand? En 2014? insiste Lam Shang Leen. L’avocat continue à invoquer le passage du temps.

Le président de la commission s’y prend autrement. Demandant à Gulbul s’il sait si Lee Shim est le propriétaire de SMS Pariaz. Non, répond-t-il à un Lam Shang Leen presque décontenancé. Mais les minutes et l’échange entre lui et le président de la commission aidant, le témoin retrouve la mémoire. Oui, en 2013, il a bien défendu les intérêts du bookmaker un temps exilé en Grande Bretagne.  «That’s it», dit le président de la commission d’un ton encourageant.

Illico, il interroge le témoin sur le propriétaire de SMS Pariaz, sait-il de qui il s’agit ? Gulbul plaide à nouveau l’ignorance. Sarcastique, Lam Shang Leen rappelle à l’avocat qu’il est quand même étonnant que le président de la GRA ne sache pas grand-chose des opérateurs qu’il est sensé réguler.

Gulbul digresse, faisant l’historique de sa nomination à la présidence de la GRA. Expliquant ensuite qu’il ne traite pas personnellement les demandes des opérateurs, la tâche étant confiée au board de l’institution. Lam Shang Leen le reprend au bond : «Then tell us». Mais l’avocat dit ne pas avoir les dossiers sous la main.

Et Play On Line? « Qui est le propriétaire ?», reprend le président de la commission d’enquête. Le membre du MSM dit une nouvelle fois son ignorance. La réponse contrarie Lam Shang Leen. «OK ! I stop you there ! It’s Mr Paul Foo Kune». Yes, confirme Gulbul. « Oh, now you know !?», se moque l’ancien juge . Il évoque, dans la foulée, des bruits de couloir qui sont parvenus à lui. Gulbul favoriserait Lee Shim, son ancien client. «Faux !», proteste le témoin.

Lam Shang Leen change son fusil d’épaule et s’étonne du nombre de trafiquants de drogue qui produisent des tickets de paris sur le football pour justifier leurs rentrées d’argent. Il cite Sada Curpen qui a également produit des tickets de paris sur le foot. L’ancien juge demande au président de la GRA s’il est au courant de telles pratiques.

Gulbul reste évasif. Assurant que le gouvernement prend des mesures pour combattre les paris illégaux et douteux. Notamment en empêchant des paris en liquide supérieurs à Rs 2000. Mais quelques minutes plus tard, Gulbul confirme: il savait que Curpen, un temps son client, a tenté de justifier ses rentrées d’argent en invoquant des paris heureux sur le foot.

C’est désormais les honoraires de Gulbul qui intéressent la commission. Que réclame l’avocat quand il «assiste» ses clients. Le montant se compte-t-il en 5, 6 ou 7 chiffres, interroge l’ancien juge. Gulbul hésite, sourire aux lèvres, il pèse ses mots et confie innocemment : « It cannot be 7 figures. At times it can be Rs 100 000. It depends on the case ». Lam Shang Leen le recadre : on parle d’affaires de drogue. Rs 100 000 à Rs 200 000, confirme le témoin. «But never seven figures ?», insiste le président de la commission. L’avocat maintient ses chiffres.

Et pourtant, l’ancien juge affirme que Siddick Islam, un des clients de Gulbul, a affirmé que celui-ci lui a réclamé des honoraires à 7 chiffres pour faire rouvrir son affaire. «I did not charge him anything», se défend le témoin. Face à ces deux versions contradictoires, Lam Shang Leen explique la pertinence des VAT invoices, qui auraient servi à étayer les dires des uns et des autres. «Islam did not pay me», insiste Gulbul une nouvelle fois.

C’est désormais le point de rencontre entre la politique, le métier d’avocat et le trafic de drogue qui suscite la curiosité de la commission d’enquête. L’ancien juge explique avoir posé la question à Noor Hussenee: est-il vrai que Raouf Gulbul était entouré de trafiquants de drogue lors de la campagne électorale de 2014? L’avocat, proche du candidat du MSM à Port Louis Maritime/Est (no 3), affirme que celui-ci était entouré de ses clients. Mais ne pouvait dire s’ils étaient des trafiquants.

Lam Shang Leen enfonce le clou, affirmant que les deux colistiers de Gulbul ne voulaient pas être vu en sa compagnie durant la campagne des législatives.  Interrogé à ce sujet, Hussennee aurait expliqué que chacun faisait son porte-à-porte séparément. Le membre du MSM prend Sam Lauthan, l’un des assesseurs de la commission, à témoin. Expliquant que c’est chose normale durant une campagne. «But I was not surrrounded by these people», assène sèchement le travailleur social.

Si Gulbul battait la campagne en 2014, c’était presque tout le temps en compagnie de l’avocat Athon Murday et dans la berline de celui-ci. Et quid d’un certain Sabeer? Qui aurait été dépêché par Lee Shim, alors à Londres, pour aider le candidat MSM. Celui-ci maintient qu’il effectuait ses déplacements principalement en compagnie de Murday. Mais aussi avec Samad Golamaully, son campaign manager. Occasionnellement aussi, avec son deputy campaign manager Ashley Hurhangee.

Ces précisions faites, Lam Shang Leen intéroge le témoin au sujet d’un autre avocat: Mamade Bocus. Gulbul fourni une longue explication au sujet de leur déplacement à St Pierre. L’avocat précise comment ils se sont rencontrés en novembre 2014, à la requête de Bocus dans une station essence de St Pierre.

Ils se sont ensuite rendus dans une maison, non loin, afin d’y rencontrer un Imam pour parler politique, relate le candidat malheureux du parti soleil. Gulbul affirme que Mamade Bocus peut fournir la même version des faits. «Mais qui est cet Imam ?», cherche à savoir Lam Shang Leen. Gulbul dit ne pas se souvenir de son nom mais propose à la commission d’appeler Bocus afin de se rafraîchir sa mémoire.

La proposition n’intéresse pas l’ancien juge. «We know the name», lâche-t-il avec détachement avant de préciser que le témoin s’y est rendu en compagnie de Murday, Hussenee, Golamaully et Hurhangee. Gulbul et Murday voyageant à bord de la voiture de ce dernier, et les trois autres avocats dans un autre véhicule.

Mais seuls Hussenee, Bocus et Gulbul sont allés à la rencontre de l’Imam dans une maison, confirme le témoin. «Yes !», dit Lam Shang Leen, encourageant Gulbul à lui en dire davantage. A une nouvelle question, Gulbul affirme qu’il a passé entre 30 à 45 minutes en compagnie de l’homme religieux.

L’ancien juge enchaîne les questions : «On vous a présenté à l’Imam, n’est-ce pas ? Vous devez donc connaître son nom. Puis, où habite le fameux Imam ?», lance Lam Shang Leen tout en échangeant un regard et un sourire complices avec Sam Lauthan. «I will find out», promet l’avocat. L’assesseur de la commission ajoute son grain de sel. «The whole community must know who was the Imam who was campaigning for the legal advisor of SMS Pariaz !»

Lam Shang Leen en vient à deux théories différentes sur l’objet de cette visite. Gulbul aurait effectué le déplacement pour récupérer un colis contenant des pamphlets pour l’élection. L’autre version: « Selon mes informations, reprend l’ancien juge, le colis contenait Rs 9,7 millions pour financer votre campagne». Gulbul proteste. «Not true», dit-il, en réponse aux deux théories. D’un geste de la main en direction de l’assistant surintendant Hector Tuyau, l’avocat se défend. «Let me have a copy of what the informant said».

La remarque déclenche une vive colère chez Paul Lam Shang Leen. Qui explique que c’est à la commission d’analyser ce que lui disent les informateurs et d’en évaluer la pertinence. «You are not going to show us the law of evidence», menace le président de la commission, hors de lui.

Il met fin à la seance, ordonnant à Gulbul de revenir devant la commission le mercredi 8 novembre. Mais en raison d’un engagement personnel, l’avocat sera finalement à nouveau entendu le jeudi 9.

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