La tentative de Sanjeev Teeluckdharry de solliciter l’intervention de la Cour suprême pour obtenir une série de documents de la Commission d’enquête sur la drogue n’a pas porté ses fruits. Face à l’avocat, Paul Lam Shang Leen a été catégorique : rien n’empêchera ses assesseurs et lui de le questionner dès cette audition. Mais Teeluckdharry insiste : il a besoin de prendre connaissance de l’ensemble du dossier afin de fournir des réponses précises et pertinentes. Peine perdu, le président de la commission embraye.

L’ancien juge bombarde Teeluckdharry de questions. S’attendant à des réponses brèves et précises. Mais l’avocat élabore ses réponses et se perd même dans de longues digressions parfois. Ce que n’apprécie que moyennement Paul Lam Shang Leen. Voyant cela, Rama Valayden, le conseiller légal de Teeluckdharry, tente d’intervenir à plusieurs reprises pour amener son client à rester bref. Il n’a que peu de succès.

«I am asking you to explain. That’s all», précise l’ancien juge. Avant d’informer le Deputy Speaker que ses appels ont été retracés. «That’s why you are here. I will question you concerning your communications and your visits to prisoners», cadre Lam Shang Leen. Il demande illico à l’avocat de donner les différents numéros de téléphone qu’il utilise. Teeluckdharry affirme n’en utiliser qu’un.

Cette version ne convainc pas le président de la commission. Il informe l’élu du MSM que les analyses effectuées par la commission révèlent que celui-ci utilise un autre numéro. Lam Shang Leen communique le numéro à Teeluckdharry puis lui donne la date des 8 appels passés à partir de ce numéro. Six d’entre eux ont été effectués vers Rudolphe Jean Jacques, plus connu sous son sobriquet de Gro Derek.

Le numéro a aussi été utilisé pour appeler deux autres prisonniers, non identifiés, complète l’ancien juge. Teeluckdharry note le numéro de téléphone, puis informe le président de la commission qu’il vérifiera. Lam Shang Leen poursuit. Le 14 avril 2016, un prisonnier a appelé Teeluckdharry, affirme-t-il. «C’est long» estime-t-il en évoquant les 4 minutes de discussion.

Quelques minutes plus tard, le président de la commission énumère le nom de plusieurs prisonniers, dont Veeren Peroomal, et demande à l’avocat s’il lui a rendu visite en prison.

Oui, confirme Teeluckdharry. Il l’a représenté jusqu’à ce que le trafiquant de drogue ne change d’homme de loi. Il précise le but de sa rencontre, notamment la préparation d’un plaidoyer pour une réduction de la peine d’emprisonnement de Veeren.

L’exhaustivité des réponses de l’avocat indispose à nouveau Lam Shang Leen qui lui redemande de fournir des réponses concises et précises. Teeluckdharry fait fi de la suggestion. Mais un nouveau rappel de l’ancien juge le met hors de lui. «This commission has been a mudslinging exercise», s’emporte le Deputy Speaker. L’échange vire à l’altercation quand le président de la commission tente de le rappeler à l’ordre. «Allow me to answer!» tonne Teeluckdharry.

Le coup de sang de député n’a pas vraiment d’effet sur l’ancien juge qui réitère son appel à la concision. «I have a list of prisoners», poursuit-il. Teeluckdharry le coupe illico. «That’s why I have applied for particulars.» Son avocat prend le relais pour demander si la liste peut leur être remis. «I asked for particulars so that I can answer in an effective manner», plaide le membre du MSM.

Mais le dialogue de sourds se poursuit. «If you want, you can go on. But you will have to come again», tance Lam Shang Leen. La remarque irrite Teeluckdharry, il ne le cache pas. «Please be cool. You are wasting time», attaque à nouveau l’ancien juge. Avant de suggérer une pause, afin qu’il se calme.

La proposition ne convainc pas l’avocat. Lam Shang Leen poursuit donc en constatant que Teeluckdharry a cessé de visité des prisonniers depuis les élections. Ce dernier corrige illico : «I still go.» Avant de se raviser au sujet de la pause, qu’il dit désormais vouloir accepter.

Après les 10 minutes de pause, c’est un Teeluckdharry plus pausé et détendu qui se rassied devant la commission d’enquête. Les questions fusent à nouveau. Si c’est à la requête de l’administration pénitentiaire qu’il visite des prisonniers, «there is no problem», juge Lam Shang Leen. Mais il poursuit : selon l’administration pénitentiaire, Teeluckdharry est allé visiter des prisonniers sans que ceux-ci ne le sollicite.

On parle désormais de communication. «Do you know the meaning of black phone?» interroge-t-il. C’est un téléphone enregistré au nom d’un étranger ou d’une personne décédée, ce qui est très grave, poursuit l’ancien juge. «Si vous en avez utilisé, dites-le nous.» Teeluckdharry ne bronche pas.

S’ensuit une nouvelle salve de questions. Teeluckdharry donne sa version des faits par moments. Dans d’autres cas, il explique qu’il fournira ses réponses dans 21 jours, lors de sa prochaine audition. Lam Shang Leen s’intéresse désormais aux honoraires perçus par l’avocat. «If the money has come from traffickers, you are in trouble», prévient le président de la commission.

Teeluckdharry se défend. Quand il a eu des doutes sur la provenance de ses honoraires, il est allé rapporter la situation au quartier général de la police. Il faudra vérifier les comptes bancaires de l’avocat, renchérit le président de la commission. Il lui faudra aussi fournir les preuves de paiement mais aussi de ses facturations avec les VAT invoices.

C’est désormais au tour de Sam Lauthan de prendre la parole. L’assesseur de Lam Shang Leen est direct au sujet de l’allusion de «mudslinging» de Teeluckdharry. «I take it as an insult and disrespect of the chairman. This commission has been set up only by your government. I’m not asking you to apologise. But if you are a gentleman, you can», le rabroue Lauthan. Teeluckdharry se défend tant bien que mal : «J’ai dit ca parce que je lis des allégations dans les journaux.» Celles-ci, se désole-t-il, lui ont causé des «substantial damages».

Sam Lauthan enchaîne. En communiquant trois numéros de téléphone à l’avocat. Il reconnaît deux d’entre eux, mais pas le troisième. L’un appartient à son frère, l’autre à sa mère. L’assesseur assène : pouvez-vous expliquer pourquoi ces numéros ont été utilisés pour appeler des prisonniers ? En face, Teeluckdharry se montre incrédule. Lauthan poursuit en affirmant que Teeluckdharry a visité des prisonnier 89 fois, sans que ceux-ci n’aient demandé à le voir.

Les quelques dernières questions mènent à une fin de séance plus sereine. «I am comfortable now», confie Teeluckdharry. «You see!» se félicite Lam Shang Leen. Mais c’est vers Sam Lauthan que Teeluckdharry se tourne en quittant la salle. «I am sorry», dit-il sur un ton conciliant.

 

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