Une quinzaine de collégiens du Triolet SSS scrutent les moindres contours de l’hémicycle. C’est la première fois qu’ils mettent les pieds au Parlement. L’un des policiers affectés à l’Assemblée nationale leur parle du lieu. En leur indiquant qui s’assied où et comment fonctionnent les caméras retransmettant les travaux. De la galerie publique, où se tiennent les collégiens, ils voient les députés arriver un à un.
Le ministre de la Fonction publique est l’un des premiers à entrer et remarque aussitôt la température particulièrement basse de l’hémicycle. Il dit bonjour aux journalistes de la galerie de la presse puis file voir un des préposés de l’Assemblée nationale pour lui demander de monter la climatisation de quelques degrés.
La température n’est pas encore retournée à un niveau plus confortable quand Malini Sewocksing arrive, précédé d’Adrien Duval. La députée de Curepipe se plaint également du froid. Le Premier ministre, lui, n’a rien remarqué. Il est à sa place, plongé dans ses notes, pendant que la bande dissipée du PMSD converse bruyamment.
Vishnu Lutchmeenaraidoo file en direction de son leader, son portable à la main. Visiblement pour lui montrer quelque chose. Mais voyant le Premier ministre plongé dans ses notes, il se rebiffe et ne fait que lui serrer la main. Finalement, c’est à Ivan Collendavelloo qu’il montre son écran de téléphone. Les deux hommes discutent brièvement.
La session du jour débute. Lancée par la Speaker Maya Hanoomanjee qui donne son ruling : des documents non authentifiés, par exemple par une signature, ne sont pas acceptables au Parlement. Adrien Duval ne l’entend pas de cette oreille. Il se lève pour demander des clarifications à la Speaker.
Le député de Curepipe/Midlands (no 17) est stoppé net dans son élan par Maya Hanoomanjee, qui lui rappelle que ses rulings ne sont pas sujets à discussion. Elle le répétera en quelques occasions, sous les injonctions d’Etienne Sinatambou, Mahen Jhugroo et Pradeep Roopun, ordonnant à Adrien Duval de s’asseoir.
La Speaker a beau invité les protestataires à venir la voir dans son bureau pour discuter de la question, mais les députés bleus ne semblent pas s’en satisfaire. «Cover up government!» accuse Shakeel Mohamed. «Etienne, al fer konferans depres pou souye», lance-t-il au ministre de la Sécurité sociale. D’autres députés de l’opposition prennent le relais : «La honte !» scandent-ils.
«This is a cover-up governement», lâche Xavier Duval avant de lire sa Private Notice question du jour. Agacé par l’échange précédent, le leader de l’opposition le fait sur un ton irrité. Deux rangées plus loin, son fils n’a pas lâché prise. Il montre des documents déposés au Parlement à sa colistière Malini Sewocksingh. « E! ena dokiman ki pa signe ladan», proteste-t-il. Entre-temps, Pravind Jugnauth a débuté sa réponse.
La place à côté du Premier ministre est libre. Ivan Collendavelloo est bien présent. Toutefois, il est allé s’asseoir à la place de sir Anerood Jugnauth, un siège plus loin. Ses dossiers répandus sur le pupitre installé spécialement pour le ministre mentor, actuellement en déplacement aux Nations unies, à New York. D’autres membres de la majorité ont changé temporairement de place à la faveur de quelques absences. C’est le cas de Roubina Jadoo Jaunboccus, qui s’est temporairement installée à la place du ministre du Travail Soodesh Callichurn.
A la première question supplémentaire du leader du PMSD, Pravind Jugnauth lui suggère de déposer le document dont il parle à l’Assemblée nationale. «Inn signe sa ?» plaisante Collendavelloo. La remarque fuse des travées de l’opposition : «Chihuahua, res trankil.» Les députés du PMSD s’agitent, notamment Salim Abbas Mamode qui est illico repris par le Deputy Prime minister : «Eta! to pa konpran nanye!» La remarque est accueillie par des «dormi, dormi, dormi!» des rangs de l’opposition.
Duval continue à questionner le Premier ministre, pour notamment savoir s’il est en possession du rapport intérimaire de la commission d’enquête sur les courses hippiques. Celui-ci explique avoir effectué une demande par lettre dans ce sens. Mais le leader de l’opposition affirme que cette demande n’est pas arrivée aux membres étrangers de la commission d’enquête.
«Inn avoy let par bato», raille Rajesh Bhagwan. La remarque fait sortir le Premier ministre de ses gonds. «To bato inn kraze», accuse-t-il en regardant en direction de Xavier Duval. Ce qui déclenche un brouhaha généralisé dans l’hémicycle. Paul Bérenger s’en prend à la Speaker. «You are supposed to call him to order!» Conciliante, Maya Hanoomanjee demande au chef des mauves de se tenir. «Do your job!» réplique-t-il avec de grands mouvements d’épaule.
La tension remonte d’un cran quand Duval affirme qu’un exemplaire du rapport intérimaire a été remis à Dev Beekharry, alors conseiller special du Premier ministre sir Anerood Jugnauth. Et se demande si une enquête ne doit pas être diligentée pour comprendre comment ce document a disparu du Prime minister’s Office, alors qu’il était en possession d’un de ses senior staff. Pravind Jugnauth retourne l’accusation. Laissant entendre que l’un des exemplaires disparus s’est retrouvé en la possession de Duval. Sous les encouragements de ses députés. L’allusion n’amuse, toutefois, pas du tout le leader de l’opposition.
A peine Duval rassis, c’est le député MMM de Beau-Bassin/Petite-Rivière (no 20) qui se met de la partie. Il parle vite d’une «mafia» avec laquelle le gouvernement entretient des liens étroits.
La remarque met Pravind Jugnauth dans une colère noire. «Financé par bookmaker!… mafia!» renchérit Bérenger. Ce qui irrite encore plus le Premier ministre. «Asize do mafia!», s’égosille le chef du MMM. Devant l’agitation, Ivan Collendavelloo s’empresse de regagner sa place à côté du chef du gouvernement. «Collendavelloo pe vinn donn sipor laba la», se moque Bhagwan. Entre-temps, Jugnauth et Bérenger se lancent des accusations. Notamment celle d’être financé par des bookmakers controversés. La PNQ se termine assez vite, dans un calme relatif.
Mais le statement d’Aadil Ameer Meea remet le feu aux poudres. Le député a remarqué que la réponse du ministre Mahen Jhugroo sur Agaléga a fait l’objet de deux versions dans le Hansard. La phrase «I will do the needful» disparaissant d’une version à l’autre. La Speaker confirme que cela constitue un fait grave nécessitant une enquête. Arborant un air bougon jusqu’ici, Mahen Jhugroo donne de la voix. «Wi, bizin fer, mo pena nanye pou kasiet mwa», acquiesce le ministre des Collectivités locales.
Le début de la tranche des questions au Premier ministre se déroule dans le calme. Le portable d’Eddy Boissezon est l’attraction de sa travée. Tour à tour, Sudhir Sesungkur, Sharvanand Ramkaun, Rajcoomar Rampertab et Roubina Jadoo-Jaunboccus s’amusent de ce qu’ils voient à l’écran.
Mais les visages se crispent à nouveau avec la question de Shakeel Mohamed sur une soirée privée organisée par sir Anerood Jugnauth, alors Premier ministre, à sa résidence officielle de Clarisse House. La réponse laconique de Pravind Jugnauth prend de court Shakeel Mohamed. Qui a à peine le temps d’ajuster sa prochaine question. Le Premier ministre est à l’attaque, rétorquant que du temps de Navin Ramgoolam, de nombreuses soirées privées ont été organisées à la résidence officielle du chef du gouvernement. Il va même jusqu’à s’interroger à haute voix s’il ne va pas déposer la liste des fêtes au Parlement. Avant d’affirmer qu’il ne le fera pas. «Ti pe amenn 35 laba!» harangue Mahen Jhugroo. «Tous sali», reprend-il quelques instants plus tard. Ce commentaire est interrompu par un «last warning» sévère de Maya Hanoomanjee à son égard.
Pravind Jugnauth, lui, ne s’est pas calmé, il parle désormais d’orgies passées à Clarisse House. Il demande à Shakeel Mohamed s’il a déjà assisté aux soirées privées à Clarisse House du temps de Navin Ramgoolam. «Non», lui répond le député travailliste. Ramgoolam ne voulait pas l’avoir pour témoin, rétorque le leader of the House.
C’est déjà l’heure de la question suivante, sur la publication G News financée par le gouvernement. Roshi Bhadain souffle quelques idées de questions à Shakeel Mohamed, l’auteur de la question, mais l’échange demeure bon enfant.
Maya Hanoomanjee se lève et demande au Deputy Speaker Sanjeev Teeluckdharry de la remplacer à la présidence. La raison est simple : la prochaine question concerne sa fille Naila Hanoomanjee. Si c’est Aadil Ameer Meea qui pose la question, c’est à Shakeel Mohamed que le Deputy Speaker permet de poser la première question supplémentaire. «Hey! I have a supplementary question», lance interloqué, le député du MMM. Teeluckdharry, se rendant compte de sa bévue, se corrige : «You should raise your hand.»
Mohamed finit par poser sa question. Puis arrive le tour de Ravi Rutnah. Le député Muvman Liberater veut connaître les qualifications de Naila Hanoomanjee. Le Premier ministre fait mine de chercher dans ses notes puis communique la longue liste de qualifications de la fille de la Speaker. «Ti panse li vann kotomili !?» se félicite Mahen Jhugroo. Pendant qu’Aadil Ameer Meea taquine Teeluckdharry: «E! mo ena enn dernye kestion la, hein…»