Un peu moins de 10 minutes avant le début de la séance parlementaire, Leela Devi Dookun-Luchoomun arrive avec ses dossiers sous le bras. La Private Notice Question (PNQ) du jour, portant sur l’université de Technologie (UTM), lui est adressée. Elle relit sa réponse, apporte quelques modifications. Puis va discuter avec quatre de ses fonctionnaires, peaufinant ce qu’elle aura à dire au leader de l’opposition.

Pendant que la ministre de l’Education se concentre sur son travail, Roshi Bhadain interpelle bruyamment Alan Ganoo dès qu’il voit celui-ci pointer son nez dans l’hémicycle. «Sa kantite monn telefon twa la yer ek avan yer», reproche-t-il au député de Savanne/Rivière-Noire avec le sourire. Celui-ci va illico à sa rencontre pour discuter.

En face, semaine après semaine, Anwar Husnoo et Anil Gayan ne changent pas d’attitude. Les deux ministres et membres du Muvman Liberater se regardent en chiens de faïence. Pas de poignée de main. Pas de mots échangés. Même pas un sourire.

Le début de la séance est marqué par un rappel à l’ordre de Maya Hanoomanjee à l’égard du Premier ministre. Elle dit avoir écouté les enregistrements et consulté le Hansard et n’a pas de doute. Le Premier ministre, accuse la Speaker, a bien prononcé des mots «unparliamentary» lors d’une altercation avec Roshi Bhadain le 25 avril et doit donc les retirer. Pravind Jugnauth s’exécute dans le calme, aussi bien chez l’opposition que le gouvernement.

La PNQ débute. La ministre de l’Education est combative. Prête à bondir de son fauteuil pour répondre à Xavier Duval avant même qu’il ne termine l’énoncé de sa question supplémentaire. Ce n’est pas sur le fond mais sur la forme que l’opposition taquine du coup Leela Devi Dookun-Luchoomun. Se moquant gentiment d’elle quand elle confond Wi-Fi et hi-fi, par exemple.

Roshi Bhadain, comme d’habitude, tente d’attirer le regard de la Speaker afin de poser une question supplémentaire. Mais seuls les journalistes de la galerie de la presse le regardent. C’est donc à eux qu’il parle. «Mo pou vir ledo mo pou poz kestion la hein !» menace-t-il sur le ton de la plaisanterie.

Roubina Jadoo-Jaunbocus a, elle, un tout autre problème. Curieuse de voir les images du Parlement diffusées en live, elle se connecte sur la chaîne parlementaire. Mais oublie de couper le son. C’est donc en quatrième vitesse qu’elle cherche à arrêter la vidéo, son collègue Parliamentary Private Secretary, Sharvanand Ramkaun, l’aide tant bien que mal.

Entre-temps, la présidente de l’Assemblée nationale signale la fin de la PNQ. Avant même que la séance des questions au Premier ministre ne débute, Rajesh Bhagwan demande à prendre la parole au sujet de sa question sur Youshreen Choomka, la directrice de l’Independent Broadcasting Authority qui a soumis sa démission ce mardi matin.

L’attitude du gouvernement contrarie fortement le député MMM de Beau-Bassin/Petite Rivière (no 20) tandis que Shakeel Mohamed demande à invoquer un point of order. Ce que lui refuse Hanoomanjee. Le député travailliste persiste, ce qui a le don d’agacer son interlocutrice. Elle s’emporte, répétant qu’elle est «[on her] feets (sic)» tout en lançant des «Silent!» aux députés des deux côtés de l’hémicycle. Mohamed pourra invoquer son point of order plus tard, tranche la Speaker. «Laisse tomber», rouspète l’élu de Port-Louis Maritime/Est (n3).

Le calme ne revient toujours pas parmi les députés et la question de Rajesh Bhagwan sur la Mauritius Broadcasting Corporation n’arrange en rien les choses. «MBC has become Pravind Broadcasting Corporation», accuse-t-il pendant que le front bench du gouvernement s’en prend à lui.

Pravind Jugnauth en profite pour lancer une pique en direction du MMM. «Ce n’est pas de la faute de la MBC», ironise le Premier ministre, si les mauves n’ont pas réussi leur rassemblement du 1er-Mai à Rose-Hill. La boutade provoque l’ire de Reza Uteem, Veda Baloomoody et Rajesh Bhagwan. Tandis que Paul Bérenger semble se contenir.

Pas pour longtemps. «Any provocation, you allow», reproche Bérenger, rouge de colère, à la Speaker en déplorant son laxisme face aux commentaires fusant des travées de la majorité. «There is no chair. Shameful!» assène-t-il. La Speaker réplique illico : «You are shameful!»

Le désordre dans l’hémicycle dure pendant de longues minutes. Dans la cohue, Bérenger, excédé, tient un langage très «épicé» : « Mo p**** lor li, f********* la. So latet pe ale, sa fam-la.» Commentaire qui passe inaperçu dans le brouhaha généralisé.

Le calme revenant, Adrien Duval demande à poser une question supplémentaire. Ce que lui refuse Maya Hanoomanjee. L’ancien adjoint du Speaker proteste et évoque la pratique selon laquelle l’auteur d’une question a le droit de poser la dernière question supplémentaire. Cela n’existe pas, protestent Pravind Jugnauth et Ivan Collendavelloo.

«Rughoobur time», ironise Aurore Perraud. Conduisant Adrien Duval à rappeler que le député de la majorité a pu poser plus d’une douzaine de questions supplémentaires au Premier ministre lors de la rentrée parlementaire du 28mars dernier. C’est ce qu’il veut évoquer dans son point of order. Mais Hanoomanjee ne cède pas. «Speaker koum sa !?» grommelle, plus loin, le leader du MMM.

La Speaker a tranché, il n’y aura pas de question supplémentaire sur la MBC et demande à Dan Baboo de poser sa prochaine question. Le député du PMSD n’a pas le temps de s’exécuter. Shakeel Mohamed invoque un point of order. Et demande «par amitié» à la Speaker si elle souhaite prendre un «break» afin de «respirer» un peu. Le sarcasme du député travailliste fait bondir Hanoomanjee. «Honourable Mohamed, I order you out!». Celui-ci sourit, salue la Speaker de la tête et quitte hémicycle après un «thank you» à celle qui vient de l’expulser. «Dehors ! Dehors !» vocifèrent les députés du gouvernement.

Le calme revient dans l’hémicycle. Paul Bérenger en profite pour se retourner pour parler à Shakeel Mohamed. Trop absorbé par sa propre colère, le leader du MMM semble ne pas avoir remarqué que celui-ci s’est fait expulsé 30 secondes plus tôt. «Inn fou li deor?» demande-t-il à Ezra Jhuboo et Ritesh Ramful.

La Speaker est déjà passée à autre chose et redemande à Dan Baboo de poser sa question sur la fusion proposée du Registrar General’s Department et de la Mauritius Revenue Authority. Devant la tergiversation de Baboo, Hanoomanjee menace : qu’il pose sa question ou qu’il la laisse tomber. «Avoy fer fout!» tonne Xavier Duval. Ce qui conduit les autres députés de l’opposition dont Rajesh Bhagwan à refuse de poser leurs questions au Premier ministre.

Du coup, Maya Hanoomanjee signale la fin de la tranche de questions au chef du gouvernement.