Photo (Hindustan Times) : La répression policière a été violente à Jamia, New Delhi, vis-à-vis des manifestants.

 

Les manifestations réclamant l’abrogation de la nouvelle loi controversée sur la citoyenneté en Inde ne faiblissent pas. Heureusement, aucun Mauricien ne figure sur la liste des blessés ou des 27 personnes décédées dans les violents heurts opposant manifestants et forces de l’ordre depuis l’adoption de la Citizenship Amendment Act (CAA), le 11 décembre. Certains de nos compatriotes ont cependant été témoins des violences sur des jeunes comme eux. Récit.

Uttar Pradesh. Dans certains districts de cet Etat du nord de l’Inde, les autorités indiennes ont bloqué l’accès à l’Internet mobile et aux SMS ce vendredi 27 décembre. Une mesure qui intervient en prévision de nouvelles manifestations contre la loi sur la citoyenneté jugée discriminatoire envers les musulmans. Et trois jours seulement après que la data mobile a été rétablie sur les smartphones. Malini (prénom modifié), inscrite à l’université de Lucknow, raconte.

Durant ce black-out d’Internet, impossible de parler aux parents ou aux proches inquiets pour sa sécurité. «L’université avait également décidé de verrouiller notre auberge, ne nous autorisant pas à en sortir», indique cette étudiante en dernière année. A cours de vivres, les locataires du logement universitaire font alors pression sur la direction de l’institution publique afin de pouvoir s’acheter de quoi manger. «Nous n’avons été autorisées à sortir pendant 30 minutes seulement, les rues étaient vides.»

C’est que les protestations qui avaient démarré à New Delhi, le 13 décembre, se sont propagées à d’autres villes et universités du pays. Les actes de répression des forces de l’ordre, souvent violentes, également.

L’Uttar Pradesh compte 200 millions de musulmans. Cet Etat est aussi le théâtre des heurts les plus sanglants : 19 personnes sont mortes suivant de violents affrontements après la sortie des mosquées, le 20 décembre.

«J’avais très peur», relate notre interlocutrice. A tel point qu’elle active les démarches pour rentrer au pays natal au plus vite. Sauf que les trains et les vols sont retardés ou annulés. «Les routes aussi étaient dangereuses.» Malini s’est finalement résignée à passer le Nouvel an dans la Grande péninsule. D’autant plus qu’elle est actuellement en stage en entreprise.

A Varanasi, plus loin dans l’Uttar Pradesh, «l’atmosphère est tranquille», assure Ravish (prénom modifié). Hormis quelques altercations devant les portes de la Banaras Hindu University. La ville-circonscription a élu le Premier ministre Narendra Modi. La majorité des habitants et des étudiants soutiennent la Citizenship Amendment Act. Ils sont tout de même près de 80 étudiants en détention parce qu’ils ont protesté contre le texte de loi, à en croire des élus de formations opposées au parti au pouvoir, le Bharatiya Janata Party.

 

 

La ville de Prayagraj, situé à 125 kilomètres de Varanasi, a été épargnée par les violences, selon Adeel Hamza, qui a été vice-président du syndicat d’étudiants fréquentant l’université d’Allahabad. Le diplômé en droits explique que les étudiants se rangent du côté du gouvernement concernant la CAA.

Pour Rishi Varma, les manifestations monstres sont le résultat de «fausses nouvelles, de rumeurs et de mauvaises informations». Le diplômé en journalisme et communication de l’Indian Institute of Mass Communication ne fait pas partie de ceux qui croient qu’à cause de la CAA, une certaine catégorie de personnes sera exclue du National Registrar of Citizens.

Le 13 décembre. Les premières contestations éclatent à Jamia Militia Islamia, à New Delhi, au lendemain de la promulgation de la loi par le parlement indien. Celle-ci est dénoncée comme discriminatoire envers les musulmans, au nombre de 200 millions dans la Grande péninsule. La CAA permet aux hindous, aux chrétiens et aux autres minorités religieuses qui se trouvent en Inde illégalement de devenir citoyens s’ils peuvent prouver qu’ils ont été persécutés à cause de leur religion dans des pays à majorité musulmane (Bangladesh, Pakistan, Afghanistan). La législation ne s’applique toutefois pas aux musulmans, qui resteront sans-papiers.

«La protestation n’était pas violente», raconte Samia (prénom modifié). Les manifestants voulaient marcher pacifiquement de l’université au parlement. «Mais les policiers ont attaqué les élèves», relate l’étudiante. Ils étaient armés avant même le début de la marche, observe la jeune femme.

Elle ne fait pas partie des protestataires mais en a subi les contrecoups. Face à la situation qui se dégrade, la police lance du gaz lacrymogène. Samia, qui marchait sur le campus universitaire, est touchée. «Ma gorge était irritée, j’avais du mal à respirer et j’avais des démangeaisons au visage», se remémore-t-elle.

Les policiers n’ont pas, non plus, hésité à tirer des balles à blanc sur les jeunes. «Les étudiants étaient révoltés, il y a eu beaucoup de blessés», relève Samia.

 

 

La manifestation qui a suivi deux jours plus tard, «était pire», lance la Mauricienne. Alors qu’elle était à la cantine, les policiers ont pénétré sur le campus universitaire et ont attaqué les jeunes. Ils ont tabassé des étudiants au hasard et tirer des balles à blanc. Ils s’en sont même pris aux étudiants qui étaient à la bibliothèque de l’université de Jamia.

Samia devait, elle aussi, s’y trouver. «Un ami m’avait conseillé de m’y cacher.» Elle a finalement trouvé refuge à la faculté de technologie. «C’était effrayant (…) Imaginez ce qui aurait pu m’arriver.» La jeune femme regagne sa résidence, une auberge pour étudiants, cachée dans une ambulance… Elle est, depuis, rentrée à Maurice, tout comme d’autres concitoyens qui étudient à Jamia. Ils regagneront l’Inde l’an prochain, quand le calme sera revenu.

 

 

Les manifestations anti-CAA en chiffres

  • 27 morts lors de manifestations violentes

  • 5000 personnes en détention préventive en Uttar Pradesh

  • 1000 personnes arrêtées en lien direct avec les protestations

  • 14% de musulmans sur les 1,3 milliards de citoyens indiens

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