La Chine produira-t-elle de nouveaux Jack Ma, Ren Zhengfei ou Pony Ma ? Les célèbres fondateurs d’Alibaba, de Huawei et de Tencent sont connus pour défendre la culture du travail acharné, désormais associé aux semaines « 996 » : au bureau tous les jours de 9 heures à 21 heures, six jours sur sept. Mais ce rythme, couramment imposé par les géants chinois du numérique, est de plus en plus critiqué par la jeune génération.

Comme ailleurs, les jeunes chinois demandent plus de respect, de temps pour eux et de sens dans leur travail. Mais, peut-être plus qu’ailleurs, le fossé culturel entre les jeunes qui entrent aujourd’hui sur le marché du travail et la génération d’au-dessus, qui les dirige, est profond, tant le pays a changé ces vingt dernières années.

« Il y a dix ans, les candidats à l’embauche nous interrogeaient sur les possibilités de faire des heures sup. Aujourd’hui, ils nous demandent s’ils pourront prendre des congés sans solde », raconte Julie Laulusa, directrice générale du cabinet d’audit français Mazars, en Chine. Chercher les heures supplémentaires pour augmenter significativement son salaire n’est plus la priorité pour beaucoup de jeunes.

Plusieurs facteurs expliquent ce changement rapide. Là où leurs parents voulaient travailler dur pour s’enrichir dans une Chine pauvre, mais pleine de croissance et d’opportunités, la génération Z chinoise, née après 1995, est la première à avoir connu l’abondance. Les derniers tickets de rationnement ont ainsi été abolis cette année-là, après quinze ans de libéralisation progressive de l’économie. Plus éduqués, plus riches que leurs aînés, et bénéficiant de toute l’attention de leurs parents et de leurs grands-parents du fait de la politique de l’enfant unique, les jeunes chinois, décrits parfois comme des « petits empereurs », arrivent aujourd’hui sur le marché du travail avec des aspirations différentes.

Pas d’effort sans compensation
D’après une étude de la plate-forme de recrutement Zhaopin, publiée le 1er décembre 2021, sur les mesures d’incitation à destination des employés, « les jeunes accordent plus d’importance au fait d’être respectés, que leurs aînés ». Ils sont aussi plus rétifs aux événements organisés dans l’entreprise, les « interactions sociales forcées », comme les fêtes de fin d’année, voyages d’entreprise ou autres week-ends de team building.

« Les membres de la génération Z sont plus rationnels : ils ne sont pas prêts à faire des heures supplémentaires ou des efforts particuliers sans compensation, et ils n’acceptent pas les promesses vides. S’ils ne se sentent pas respectés dans une entreprise, si leurs valeurs n’y trouvent pas écho, ils peuvent facilement aller ailleurs, parce qu’ils ont beaucoup d’options », expliquait Chen Long, un sociologue de l’université de Pékin lors d’un séminaire organisé par Zhaopin, et cité par le quotidien South China Morning Post, fin novembre 2021.

Source : Le Monde

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