Plusieurs plans et programmes du Fonds monétaire international (FMI) ne sont jamais implémentés en raison de leur impraticabilité. C’est ce que révèle un article du célèbre journal en ligne, theconversation, publié lundi. Le FMI accorde des prêts aux pays en difficulté économique. En échange, les pays doivent mettre en œuvre un programme de réformes, souvent douloureuses. Les pays néanmoins terminent rarement ces programmes proposés par le FMI.

Ces programmes du FMI durent généralement un à trois ans. Les pays doivent remplir les conditions par rapport aux politiques lors d’examens réguliers – généralement tous les trois à six mois – pour avoir accès aux tranches de financement. A défaut de les mettre en œuvre, le FMI bien souvent interrompt le financement de ces programmes. Sur 763 programmes entre 1980 et 2015, 512 ont été interrompus, dont 291 n’ont pas repris – comme le montrent les données récoltées par theconversation. Ces chiffres se traduisent en un taux d’échec très élevé étant donné que le FMI conclut chaque accord en partant du principe qu’il souhaite le voir aboutir.

L’auteur de cet article explique : « Nous affirmons que les programmes de réforme sont impossibles à implémenter à cause de leur conception. Ces réformes impliquent simplement trop de conditions. Même les gouvernements qui souhaitent faire des réformes ont du mal à les mettre en œuvre. Notre recherche a également examiné les réponses des marchés financiers aux interruptions de ces programmes. Nous avons constaté que ces échecs ont de graves répercussions sur le développement économique. Ces échecs envoient également un signal négatif aux marchés, les faisant perdre confiance dans la capacité des gouvernements à stabiliser leur économie et à entreprendre des réformes. Il en résulte très souvent une augmentation de l’inflation et une augmentation de la fuite des capitaux qui privent les pays de nouveaux investissements. Cela, quand ils ont tant besoin pour investir dans les biens et services publics ».

L’analyse publiée sur le site theconversation avance par ailleurs que certains chercheurs ont imputé le taux d’échec au manque de motivation des gouvernements emprunteurs. Face aux pressions provenant de groupes tels que les syndicats et le privé, les gouvernements renoncent souvent aux engagements antérieurs. En outre, les chercheurs ont constaté que les pays qui sont amis avec des pays donateurs comme les États-Unis connaissent également davantage d’échecs dans la mise en œuvre des dites réformes. Ils bénéficient cependant d’un traitement favorable, par exemple en recouvrant l’accès aux prêts du FMI beaucoup plus rapidement que les autres pays, ce qui crée un problème d’aléa moral. En d’autres termes, encourager les mauvais comportements.

Des données sur l’ensemble des 763 programmes du FMI entre 1980 et 2015 démontrent que chaque condition supplémentaire augmente la probabilité d’une interruption du programme d’au moins 1,1 % – un effet modéré étant donné le taux d’échec moyen de 58,6 %, mais les programmes incluent généralement 22 de ces conditions, ce qui augmente la probabilité d’échec en conséquence. Les conditions de privatisation des entreprises publiques, de libéralisation des prix et de refonte du secteur public étaient particulièrement susceptibles de provoquer un échec de la mise en œuvre. En effet, ces conditions mobilisent une opposition nationale qui peut contrecarrer la mise en œuvre du programme.

« Notre explication de nos conclusions était que ces conceptions de programmes trop ambitieuses étaient le résultat de négociations intra-organisationnelles au sein de la bureaucratie même du FMI. Alors qu’un département régional du FMI a rédigé le programme de réforme initial, les départements fonctionnels ont utilisé leur pouvoir d’amendement pour inclure des conditions politiques qui leur tiennent à cœur, sans tenir dûment compte des circonstances locales, ce qui a conduit à des programmes trop ambitieux », peut-on lire dans l’article.

Les interruptions de programme entraînent des réactions défavorables des marchés financiers. Lorsque les investisseurs perdent confiance dans la capacité d’un pays à entreprendre une certaine réforme ils exigent des taux d’intérêt plus élevés sur leurs prêts. Les pays emprunteurs qui n’ont pas mis en œuvre les programmes du FMI étaient donc confrontés au risque de flux de capitaux plus volatils et de coûts de refinancement plus élevés. En fin de compte, des coûts de financement plus élevés les ont rendus encore plus dépendants du Fonds, les enfermant dans un cycle de dépendance.

Le FMI a souvent mis le blâme sur la « volonté politique » pour la mauvaise mise en œuvre de ces programmes, soutient theconversation. Ce point de vue a été d’ailleurs contesté par Horst Köhler, un ancien directeur général du FMI, qui a lancé une « initiative de rationalisation ». Son objectif était de réduire le nombre de conditions. C’est encore plus important en ce moment avec un nombre record de 80 nouveaux accords de prêt du FMI en raison de la crise de la Covid-19 dans les pays en développement. Dans le cadre de la double crise sanitaire et économique de la Covid-19, ces programmes risquent d’avoir trop de pathologies. Cela pourrait conduire les pays à une catastrophe financière… et à revenir au FMI.

Source : theconversation.com

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