La Disciplined Forces Service Commission a introduit la tenue de tests de dépistage de drogues dans le cadre de la formation des aspirants policiers. Peu de détails filtrent pour l’heure. Y a-t-il des craintes, voire des dérives possibles ? Erickson Mooneeapillay, juriste et directeur de l’association Droits humains Maurice (Dis-MOI), apporte des éléments de réponse.

Cette mesure est-elle légale ?

Cette mesure n’est pas illégale puisque les règlements (Disciplined Forces Service Commission Regulations) en place permettent à la Commission de déterminer les procédures de recrutement.

Quelles craintes pour les libertés individuelles, notamment le droit à la vie privée et le secret médical ?

Ces mesures sont positives puisqu’elles permettent de réguler l’exercice de recrutement dans la force policière. Je suis d’avis que ce genre de tests doit être fait régulièrement et de façon sporadique de la même manière que chez les sportifs de haut niveau. Les anciens et les hauts gradés devraient donner l’exemple en se soumettant à ce genre de tests.

Il ne suffit pas de le faire pendant le recrutement seulement puisqu’une personne peut chuter dans ce fléau à tout moment de sa carrière.

Il ne faut pas oublier que le métier de policier est l’un de métiers les plus importants dans une société et les policiers sont payés de l’argent des contribuables. C’est important de restaurer la confiance du public dans notre système pénal et la force policière plus que jamais doit avoir plus de discipline et d’«accountability» dans un Etat de droit. Tout pouvoir requiert de la responsabilité.

Toutefois, il ne faut pas qu’il y ait une chasse aux sorcières. La pratique devrait surtout miser sur le dépistage et le suivi plutôt que chercher à punir ceux qui souffrent d’une dépendance.

Quels sont les garde-fous à mettre en place ?

Ce serait avant tout de protéger les données médicales de ceux souffrant d’une dépendance. C’est un devoir de protéger les données médicales du sujet et il faudrait limiter ceux qui ont accès à de telles données.

Les règlements doivent prendre en compte la Data Protection Act. Il faudrait mettre les procédures en place pour empêcher l’ostracisme de la personne dépendante dans son milieu professionnel ou dans la société.

De ce fait, un suivi médical serait requis pour déterminer le niveau de dépendance et les risques pour ceux qui évoluent dans l’entourage du sujet.

Cela [un résultat positif, NdlR] pourrait aussi signifier que le sujet est porteur de maladies transmissibles. La protection du public et des collègues est tout aussi importante. Il faut ensuite avoir un suivi psychologique puisque quelqu’un qui voit sa demande d’embauche rejetée ou est suspendu de ses fonctions pourrait sombrer encore plus profondément dans l’enfer de la drogue.

Est-ce la porte ouverte à une généralisation de ce type de tests dans le public et, in extenso, le privé ? En particulier en ce qui concerne le dépistage de drogues.

Je suis pour le dépistage dans les métiers qui sont des services essentiels puisque le fléau de la drogue peut entraîner d’autres fléaux tels la violence, l’arnaque, la corruption et le vol, s’il n’y a pas de suivi médical approprié. Mais au-delà de tout cela, il est important de remarquer que ce fléau de notre société touche malheureusement toutes les couches sociales. Il faut changer notre regard et surtout notre approche vis-à-vis de ceux qui sont dépendants et accepter que le problème guette à chaque tournant.

Et surtout accepter que le consommateur de drogue est avant tout un patient qui a besoin de soins médicaux mais qui, trop souvent, se retrouve dans le box des accusés.

Photo (archives) : Des policiers fraîchement recrutés lors de la cérémonie marquant la fin de leur formation (Passing out Parade).

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