A Maurice ces dernières semaines : une enfant séquestrée ; un enfant étranglé par son père ; une sextorsion contre des photos de jeunes filles nues et relations sexuelles avec des mineures ; un homme (un policier de surcroît… supposé être garant du respect de la loi et de la protection des individus) filmé en train de frapper un handicapé ; des enfants qui se font frapper et humilier par leurs enseignants en milieu scolaire bien que les châtiments corporels soient interdits dans les institutions scolaires, selon l’article 13(4) de l’«Education Regulations Act» de 1957.

Et la réalité, souvent tenue secrète, est beaucoup plus cruelle pour de nombreux êtres humains.

Secrète par honte, par peur, par déni, à cause du tabou social, à cause de la peur du qu’en dira-t-on. Secrète parce que l’auteur de ces violences est un proche.

Environ 6 enfants sur 10 dans le monde, de 2 à 14 ans, sont soumis à des châtiments physiques/corporels infligés par les personnes qui s’occupent d’eux de manière régulière, selon l’Unicef en septembre 2014.

Dans un rapport de 2015 d’Unicef France et de l’Association Mémoire traumatique et victimologie, sur l’impact des violences sexuelles à l’âge adulte, il est stipulé que quel que soit l’âge des victimes, les résultats de l’enquête indiquent que « les sphères familiales et amicales constituent le contexte le plus favorable aux violences et le plus grand réservoir d’agresseurs. Ce sont les enfants qui courent le plus de risques de subir des violences sexuelles, et c’est au sein du foyer que ce risque est le plus élevé ».

Plus de 90% des violences sexuelles sont commises par des proches de l’enfant.

A Maurice, environ 6 000 cas d’enfants victimes sont rapportés à la Child Development Unit chaque année.

Le Prof Chris Goddard, expert en social work depuis plus de 30 ans, énonce en 2013 : « Homes are scenes of crime. »

Certes, cela dérange et brise le mythe de la famille parfaite, lieu de sécurité et de refuge. Certes, elle devrait l’être.

Mais la réalité est souvent, tristement, toute autre.

Sous la pression du pouvoir et de l’Eglise orthodoxe selon un article du Monde, les députés russes ont voté un projet de loi le 25 janvier, visant « à dépénaliser les violences commises dans le cercle familial ».

Tristement en France, le Conseil constitutionnel a invalidé l’interdiction de la fessée qui avait été votée au Parlement le 22 décembre 2016. Cet article de loi visait à compléter la définition de l’autorité parentale en excluant « tout traitement cruel, dégradant ou humiliant, y compris tout recours aux violences corporelles ».

La violence est encore trop minimisée et banalisée.

A Maurice, les châtiments corporels sont interdits dans les institutions scolaires mais pas dans les familles ou institutions. L’île Maurice a été interpellée plusieurs fois par les Nations unies pour interdire toute forme de punition corporelle. Et dans les Concluding Observations du Comité des Droits de l’enfant de février 2015, l’article 38 le réitère :

The Committee urges the State party to ensure that its legislation including the Children’s Act explicitly prohibit corporal punishment in all settings. The Committee also urges the State party to promote positive, non-violent and participatory forms of child-rearing and discipline.”

Grâce aux neurosciences aujourd’hui, il est prouvé que la violence censée être éducative est néfaste sur le développement du cerveau des enfants, selon Catherine Gueguen, pédiatre et spécialiste des neurosciences. La violence est à la source de nombreux maux dont souffrent les enfants et les adultes avec des « effets négatifs sur la santé physique, sur les capacités cognitives et affectives, sur l’humeur avec des manifestations anxieuses, dépressives, agressives et de la délinquance ».

‘Violence éducative ordinaire’, celle qui est supposée servir à éduquer, selon de trop nombreux éducateurs… Celle-là même qui passe des claques aux fessées, coups de ceinture et brûlures. Des coups de rotin aux coups de bâtons dont la taille est choisie par l’enfant.  Des passages à l’hôpital à la morgue.

Les conséquences de toute forme de violence sont nuisibles ! L’immense majorité des professionnels de la santé mentale s’accordent pour le dire !

Et outre l’impact de la violence sur les plans psychologique, social et sur la vie sexuelle, il se démontre aussi scientifiquement.

Selon G. Turecki en 2010, la maltraitance infantile marque le cerveau. Les abus physiques et sexuels dans l’enfance augmentent le risque d’avoir recours au suicide, d’avoir des symptômes dépressifs et des troubles de l’humeur, plusieurs années après.

Des chercheurs de l’Université de Genève, en 2014, ont découvert que les abus laissent une trace biologique dans l’ADN des victimes. Les conséquences des violences dans l’enfance laissent des traces psychiques mais aussi des cicatrices génétiques chez l’adulte.

Arrêtons de nous cacher derrière le fait que la violence servirait à éduquer ou qu’une petite claque ne fait pas de tort à un enfant.

Aucune forme de violence n’est acceptable. Aucune forme de violence n’est justifiée. Personne ne mérite de subir de la violence. Jamais.

Réfléchissons ensemble sur ces propos de la psychanalyste Claude Halmos en 2015 : « Le but de l’éducation est que l’enfant se soumette aux règles parce qu’il en a compris le sens. La fessée ne lui apprend rien.  Au contraire, elle lui donne l’exemple de la loi du plus fort !  Donner une fessée, c’est user et abuser d’un rapport de force inégal entre l’adulte et l’enfant. »

Photo d’illustration via oumma.com

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