Parmi les mesures annoncées par le ministre des Finances, le Dr Padayachy, lors de la présentation budgétaire le vendredi 11 juin dernier, figurent plusieurs investissements dans différents secteurs, qui pourraient avoir un ‘effet domino’ positif sur le secteur privé. Serait-ce un budget qui vise un indice de confiance pour le secteur privé ? Ou serait-ce le budget de la réconciliation des secteurs public-privé?

On y retrouve des mesures telles que l’investissement de Rs 65 milliards sur différents projets de développement infrastructurels, des mesures visant à stimuler l’investissement du secteur privé tels que la réduction du taux d’intérêt annuel pour le Leasing Equipment Modernisation Scheme (LEMS) existant ou encore le ‘Credit Guarantee Scheme’ entre autres, ainsi que des mesures qui visent à faciliter les affaires telles que la ‘Premium Investor Certificate’, mise en place d’un Business Support Facility et d’une commission par l’EDB entre autres.

Selon l’économiste, le Dr Bhavish Jugurnath, les mesures budgétaires visent à inciter la relance du secteur privé. Il cite des exemples tels que l’Occupation Permit ou encore la Premium Investor Certificate. Cependant « d’un point de vue macro-économique, le budget ne peut satisfaire tout le monde. Je ne crois pas que tous les secteurs seraient d’accord que ce budget les satisfait », lance-t-il. L’économiste explique qu’il faut des secteurs prioritaires. Ce budget vise principalement les secteurs émergents tels que la pharmaceutique qui recevra un investissement de Rs 1 milliard : « Viser le secteur pharmaceutique est très bien. C’est un secteur qui a enregistré une croissance malgré la Covid-19 ce qui fait de lui, un secteur prioritaire», ajoute le Dr. Jugurnath.

Le Dr Takesh Luckoo, économiste, ajoute que le choix de l’industrie pharmaceutique est un « plus » car c’est un nouveau secteur de développement. Ce dernier explique que les piliers de l’économie de l’île, à savoir la canne à sucre, le manufacturier, le tourisme, la technologie de l’information et le secteur de la finance, sont tous dans le rouge. Il explique ainsi que l’investissement dans une nouvelle industrie est toujours bien accueillie, « surtout quand on sait que nos piliers ont déjà absorbé un maximum de travailleurs. Les 1000 personnes qui y trouvent du travail annuellement ne soulagent pas les 10 000 gradués chaque année. Il y a un besoin d’innover vers de nouveaux secteurs.» Le Dr Luckoo ajoute que le gouvernement n’est plus un pourvoyeur d’emplois. La capacité que le gouvernement, de recruter les gradués, est minime en considérant leur nombre chaque année. Ce dernier explique aussi que ce sont les causes de notre taux de chômage à Maurice.

De plus, le Dr Jugurnath explique que le gouvernement agit plus comme un facilitateur qu’un investisseur : « Ce ne sont pas des investissements dans le privé. Ce sont des incitations pour ‘booster’ l’investissement privé. Le secteur privé doit prendre avantage de ces investissements. » Le Dr Takesh Luckoo, pour sa part, affirme que ce gouvernement a toujours promu l’idée du ‘public and private partnership’, où il décrit le rôle du gouvernement comme un « arbitre », car ce dernier ne produit pas. « Le rôle du gouvernement est de mettre en place l’infrastructure des entreprises et pas non de créer des entreprises. C’est l’infrastructure qui attire celles-ci », explique-t-il.

L’économiste deplore cependant le manque d’un ‘Feel Good Factor’ dans ce budget : “Le budget relance l’économie car il facilite l’infrastructure. Mais ce budget manque d’une étincelle. C’est le consommateur, car l’économie dépend de ce dernier. Il manque ce ‘feel good factor’ pour aider davantage la relance de l’économie car les consommateurs du pays souffrent avec la hausse de Rs 2 sur le carburant, la dépréciation de la roupie et l’inflation qui enfle.” “Cela pourrait être en raison de la conjoncture actuelle et un manque de moyens entre autres” selon ce dernier, cependant « sans le consommateur, l’économie ne reprend pas si facilement.»

De plus, selon les estimations du Dr Jugurnath, pour atteindre la croissance économique voulue par le gouvernement, soit de 9%, il faudra investir quelque Rs 43 milliards dans le secteur privé pour réussir à atteindre au moins 6% de croissance économique. Des exemples de ces investissements privés expliqués par le Dr Jugurnath incluent « des investissement fiscaux. Par exemple, avec l’industrie pharmaceutique, ce sont des investisseurs privés qui doivent investir pour relancer l’industrie, démarrer la production, innover grâce à des patentes et démarrer l’exportation. C’est à ce moment qu’on commencera à générer des revenus. »

Ce dernier explique un schéma identique pour l’industrie du tourisme qui vise 650 000 touristes jusqu’à la fin de l’année : « La ‘Mauritius Tourism Promotion Authority’ (MTPA) grâce aux Rs 420 millions investies devra faire la promotion de l’île.» C’est donc là ‘l’incitation’ dont parle le Dr Jugurnath et ce seront le secteur privé, les hôteliers et les tour-opérateurs de ‘jouer le jeu’, pour organiser l’accueil des touristes. « Le gouvernement en tant que facilitateur, peut instaurer des initiatives, mais c’est le secteur privé qui doit s’assurer que les gestes sanitaires soient respectés ainsi que la sécurité des touristes. De plus, les hôtels doivent pouvoir accueillir le nombre de touristes. Les hôtels qui n’ont pas fonctionné depuis plus d’un an doivent entreprendre des travaux d’entretien pour que la qualité soit au rendez-vous. »

Le Dr Takesh Luckoo tient néanmoins à « prendre avec les pincettes le fait que ce ne soit pas la première fois que le gouvernement avance de telles mesures. J’espère que l’annonce se matérialise. » Il rappelle que le gouvernement évoquait l’intelligence artificielle il n’y a pas si longtemps, mais cela n’est resté que sur papier. Les Drs Bhavish Jugurnath et Takesh Luckoo se rejoignent sur l’importance de la mise en oeuvre. Les deux économistes expliquent qu’il y a un vrai challenge, et la mise en oeuvre des différents projets, jouera un rôle majeur dans leur réalisation. Le Dr. Luckoo avance que « si ces projets se matérialisent, ils peuvent devenir des piliers majeurs de l’économie. »

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