Mitradev Kaurooa, chauffeur de taxi, a obtenu des dommages de Rs 300 000 devant la Cour suprême pour brutalité policière. L’Etat devra passer à la caisse pour des faits remontant à 2002, période où l’officier Hurrydeo Raddhoa et ses hommes multipliaient des arrestations arbitraires, à l’instar de Martine Desmarais dans l’affaire Vanessa Lagesse.

Son seul crime, c’est d’avoir été le chauffeur de taxi attitré de la victime et qu’il a été le dernier à l’avoir vu en vie. Il s’est tourné vers la Cour suprême après avoir saisi la National Human Rights Commission le 16 décembre 2002, accusant la police d’avoir usé de violence sur lui dans le cadre de l’enquête ouverte sur le meurtre de Mitrawtee Mattapallut, la sexagénaire découverte sans vie quelques semaines plus tôt dans un champ de canne à sucre à Goodlands.

Arrêté le 3 octobre de cette année-là par la Criminal Investigation Division (CID) de Grand Baie, l’habitant de Petit-Raffray avait été emmené dans les locaux CID de Rose-Hill pour un interrogatoire serré. Les enquêteurs, sous la férule de l’ASP Marden, l’ont alors forcé à avouer qu’il avait tué Mitrawtee Mattapallut.

Dans sa plainte, Mitradev Kaurooa explique que les enquêteurs l’ont tiré de sa voiture par le cou sans lui lire ses droits, ni lui expliquer pourquoi ils l’arrêtaient. Il a été ensuite transféré au CID de Floréal où il allègue qu’il a de nouveau été victime de brutalité policière par l’équipe tombant sous la responsabilité de l’officier Hurrydeo Raddhoa. Son téléphone portable a été confisqué et il n’a pas été autorisé à contacter son avocat.

Les hommes de l’ASP Seeboruth, dit-il, lui ont demandé de se déshabiller et l’ont fait s’asseoir nu sur une chaise avec les mains menottées. Il a alors été frappé à coups de bâton. Ils l’ont ensuite placé sous une douche froide et on lui a appliqué des glaçons sur tout le corps pour dissimuler les hématomes, poursuit le chauffeur de taxi.

Le plaignant a également expliqué que bien qu’il ait attiré l’attention du tribunal de Pamplemousses, le 3 octobre 2002, sur ces actes de torture, les policiers ne l’ont pas emmené chez un médecin. En cour, la police a nié avoir brutalisé le suspect.

Le 4 octobre 2002, une accusation provisoire de «conspiracy» a été logée contre lui avant d’être rayée quatre jours plus tard. Le chauffeur de taxi estime avoir été détenu illégalement du 3 au 8 octobre. La juge Gaitree Jugessur-Manna a estimé dans un verdict rendu le jeudi 28 mars que les faits avancés par le plaignant tiennent la route.

Elle souligne qu’il s’est exprimé clairement et que son témoignage est resté inébranlable. «Il est grand temps que la police change la manière de faire une enquête et d’utiliser une méthode scientifique au lieu d’utiliser des méthodes dépassées», a-t-elle fait ressortir.

L’avocat du chauffeur de taxi, Me Robin Ramburn, Senior Counsel, se dit satisfait du jugement. Il a déploré «la manière archaïque» dont la police mène une enquête. Il déplore néanmoins que les Rs 300 000 que l’Etat devra débourser représente l’argent des contribuables. Il est grand temps, dit-il, que ceux qui ont fauté mettent la main à la poche.

Sollicité pour une réaction, Dick Ng Sui Wa de l’Independent Police Complaints Commission (IPCC) a expliqué que cette instance n’a été mise sur pied que depuis un an. Il concède que des dommages de Rs 300 000 ne représentent pas une somme adéquate pour «sa kantite bate li’nn gagne». Depuis la création de l’IPCC, il y a eu une baisse dans les cas de brutalité policière rapportés, dit-il.

Du côté de la police, l’inspecteur Shiva Coothen, responsable de communication, souligne que les méthodes d’enquête ont évolué. «On se base davantage sur des méthodes scientifiques pour obtenir des preuves», ajoute-t-il. Interrogé sur la torture corporelle, dont le fait que des suspect sont déshabillés, l’inspecteur Coothen soutient que «pa fer sa aster».

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