Cette question de l’usage des écrans pour les enfants fait l’objet de nombreuses recherches depuis quelques années, mettant en avant les avantages mais aussi les risques et dangers d’une utilisation non-contrôlée dans le développement des enfants.

La technologie a permis et permet de développer des habiletés nouvelles et intéressantes, pour tous les âges, notamment l’acquisition de connaissances et de savoir-faire chez les enfants selon l’Académie des Sciences en 2013, et le potentiel de créativité.

Quelques réflexions avaient été partagées sur ce sujet en pleine ère de l’ordinacoeur

De nouvelles connexions neuronales sont établies à chaque expérience, selon Siegel, 2015, modifiant la structure physique de notre cerveau et conduisant à de nouveaux câblages cérébraux.

Les divers objets et outils technologiques, les réunions sur Zoom, Microsoft Teams ou autre, ont été et sont précieux pour continuer de travailler et préserver le lien social pendant ces semaines de confinement.

Et avoir des relations sociales de qualité et sécurisantes est un indicateur de bonheur et a un effet protecteur sur le corps et le cerveau, selon une étude longitudinale menée par Harvard pendant 75 ans, publiée en 2015.

La surexposition des enfants aux écrans : télévision, ordinateur, tablette, console ou téléphone portable, a un “impact sur les retards de langage, le manque d’autonomie, une intégration sociale plus difficile, des difficultés d’attention et de concentration”, sur leur bien-être physique et mental. “Les enfants qui passent trop de temps devant les écrans seraient moins heureux, plus anxieux et plus déprimés que les autres. Au-delà de quatre heures par jour, le risque de voir apparaître des problèmes émotionnels et une mauvaise estime de soi serait accru”.

Ce temps passé devant les écrans empiète aussi sur le temps consacré à d’autres activités physiques et récréatives essentielles pour leur développement et l’apprentissage des valeurs telles que le partage, le respect de l’autre, etc.

Les écrans peuvent donc être bénéfiques mais leur usage doit être modéré.

Le confinement qui peut paraître long pour certains.es, pourrait se répercuter sur un accès illimité des enfants aux écrans.

Certains.es enseignants.es sous pression de terminer leur programme ou montrer qu’ils.elles travaillent beaucoup ont aussi cette fâcheuse tendance ou triste directive de fixer plusieurs réunions quotidiennes ou hebdomadaires, de donner des listes de devoirs imposant aux enfants de tout âge, de passer plusieurs heures devant les écrans, de rendre leur devoir scanné, imprimé, sur Word…bref…oubliant peut-être que les élèves sont des enfants !

Que les parents ne sont pas forcément enseignants et disponibles. Que toutes les familles ne sont pas équipées en matériel technologique. Que cette pandémie et état de confinement sont déjà sources de stress et tension… Cette pression et exigence sont-elles dans «l’intérêt supérieur de l’enfant» tel quel le stipule la Convention Internationale des Droits de l’Enfant dont l’Etat mauricien est signataire depuis 1990 ?

Les conditions de confinement nous invitent certes, à nous réadapter et à revoir nos principes et fonctionnements. Mais pas à n’importe quel prix !

Reprendre la règle du « 3-6-9-12 », de Serge Tisseron, psychiatre et docteur en psychologie, est éclairant:

  • Avant 3 ans: éviter la télévision et écrans non interactifs renforçant la passivité des jeunes enfants, les éloignant de ceux dont ils ont fondamentalement besoin: Communiquer, interagir avec leur environnement en utilisant leurs 5 sens, jouer…

De grâce, éteignez ces écrans pendant les repas des petits qui ressemblent alors plus à des gavages !

Puis, avec des règles claires jusqu’à l’adolescence; sur le moment et la durée d’utilisation;  pas pendant les repas (seul.e ou en famille, espace d’échange et de lien); dans la communication de la pratique numérique; dans le respect des âges spécifiques préconisés pour les jeux et applications…(Pour rappel, Facebook et TikTok ne sont pas autorisés avant 13 ans !!!)

  • A partir de 3 ans: La télévision introduite avec modération. Programmes choisis avec les enfants en respectant les âges recommandés. Les regarder avec l’enfant.

 

  • Entre 3 et 6 ans: pas de console de jeu personnelle, co-visionnage recommandé.

 

  • Entre 6 et 9 ans: Dans le temps d’écran autorisé, laisser la liberté à l’enfant de le répartir comme souhaité. Aborder le droit à l’image et à l’intimité. Ne pas se tenir très loin.

  • A partir de 9 ans : Initier l’enfant à Internet. L’accompagner dans cette découverte, expliquer les dangers de ce qui est mis sur le web étant public et pas effacé, pas nécessairement vrai et pouvant être utilisé à mauvais escient.

Parler des risques de confrontation à des images violentes, scènes inappropriées à leur âge. Des risques des contacts en ligne, du harcèlement.

Aborder l’âge, quitte à le revoir, à partir duquel il lui sera possible de disposer de son propre téléphone portable, fixant des balises en amont pour un usage raisonnable.

  • Après 12 ans : Laisser l’enfant naviguer seul.e sur le web ayant bien intégré les risques,  dangers, incluant ceux de la pornographie, pédopornographie et le cadre : Voir ensemble les moments de connexion autorisés, évitant les connexions nocturnes et illimitées de sa chambre.

Parents, éducateurs.trices, le développement d’un enfant se structure autour de ses capacités d’imitation… Quel modèle sommes-nous pour nos enfants avec nos écrans? En quoi choisissons-nous d’investir en ces temps où nous sommes déjà en état de plus grande vulnérabilité ?

Faisons bon usage des écrans.

Prenons soin de nous et de nos enfants.

 

Melanie Vigier de Latour-Bérenger. Psychosociologue. Membre du KDZM et de la Société des Professionnels en Psychologie.

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