La Mauritian Wildlife Foundation (MWF) donne la réplique à Mahen Seeruttun. « Nous sommes contre l’abattage des chauve-souris », argue Vikash Tatayah, qui y est directeur du service de conservation. Ce dernier estime que les dégâts causés par les chauves-souris sont exagérés et qu’ils s’élèvent à 11%, selon les résultats préliminaires d’une étude menée par la MWF en 2014. Des recherches qui seront également menées cette année.

« L’abattage est une forme de cruauté envers les animaux, surtout que c’est actuellement la période durant laquelle les chauves-souris sont  en gestation ou allaitent », fait ressortir Vikash Tatayah. Qui souligne que les chauves-souris « ne sont pas les seules » à s’attaquer aux arbres fruitiers. « Les oiseaux, notamment les martins et les condés, mais aussi les rats y contribuent pleinement », avance le directeur du service de conservation.

L’une des raisons citées par le ministre Seeruttun pour justifier l’exercice d’abattage contrôlé, qui devrait démarrer mi-octobre, est le nombre de roussettes à Maurice, qui s’élèveraient à 90 000 individus. Pour la MWF toutefois, il est fort probable qu’il y a surestimation. « Il y a de gros risques de ‘double counting’ dû au fait que les chauves-souris peuvent se déplacer d’un bout à l’autre de l’île en à peine 24 heures. Cela peut fausser les données », explique Vikash Tatayah. Qui ajoute que la population de roussettes serait plus proche des 50 00 individus. Un seul autour duquel elle oscille, avance le directeur de conservation, en raison de la réduction de l’habitat naturel des chauves-souris.

« Certes, la population a augmenté durant ses dix dernières années car il n’y a pas eu de cyclones », reconnaît Vikash Tatayah. « Toutefois, la nourriture se fait rare, la superficie de la forêt n’augmente pas et la qualité même de la forêt diminue. » Ainsi, il y a quelques mois, « plusieurs centaines de chauves-souris ont été retrouvés morts dans le parc national des gorges de la Rivière-Noire ». Les analyses « très poussées » menées en Angleterre, souligne le directeur du service de conservation de la MWF, montrent que ces mammifères sont « morts de faim ».

Des dégâts relevant de causes naturelles

L’utilisation de filets est l’une des méthodes préconisées par l’ONG engagée dans la conservation de la flore et de la faune mauriciennes. Evoquant le cas de l’Australie, Vikash Tatayah explique que ce sont les filets qui ont permis de protéger les récoltes, et non l’abattage des espèces jugées nuisibles.

L’élagage des arbres est une autre solution possible, poursuit notre interlocuteur. D’autant que, selon des études menées par la MWF, les chauves-souris préfèrent se nourrir sur de grands arbres. Cela permettra, par la même occasion, aux propriétaires de récolter presque tous leurs fruits. Les y laisser mûrir, avance le directeur de conservation, attirent les roussettes. Et de souligner : les dégâts sur un tiers des récoltes des vergers visités par la MWF relèvent de causes naturelles, les fruits peuvent tomber d’eux-mêmes sans qu’un animal ne soit en cause.

La MWF attend d’avoir de plus amples détails sur l’opération d’abattage du ministère de l’Agro-industrie : les lieux, la manière de procéder, le nombre de roussettes concernées… L’ONG note toutefois qu’à Maurice, il n’y a pas une bonne estimation de la population de chauves-souris et du rapport du nombre de mâles et de femelles. Si l’on sait que ces mammifères contribuent à la pollinisation et à la propagation des espèces fruitières, on dispose toutefois de peu d’informations sur leur dynamique, leur pourcentage de reproduction, le succès des gestations, la longévité des chauves-souris dans la nature. L’absence de tels « paramètres », indique Vikash Tatayah, rend difficile la mise sur pied d’un modèle d’abattage d’un certain nombre de chauves-souris.

La MWF attend d’entamer un dialogue avec le ministère sur cette question.

Photo : Mauritian Wildlife Foundation

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