Alors que l’été approche, les fruits comme le letchi et la mangue refont leur apparition. Ce qui fait craindre aux agriculteurs les dégâts que pourraient causer les chauves-souris sur leurs plantations. Au Parlement, hier, Mahen Seeruttun a précisé les mesures prises par le ministère de l’Agro-industrie. Celui-ci, dit-il, compte effectuer un abattage contrôlé de ce mammifère frugivore dans les semaines qui viennent.

Le ministre a expliqué, en réponse à Rajesh Bhagwan, que son ministère reçoit de nombreuses complaintes de fruiticulteurs concernant les dégâts causés par des chauves-souris dans des vergers commerciaux et surtout dans les jardins. Cela affecte principalement les productions de letchis et de mangues, dit-il. Selon les rapports du Food and Agricultural Research and Extension Institute (FAREI), les dommages atteignent jusqu’à 73% pour le letchi et 42% pour les mangues pour l’année 2014. Les chauves-souris, selon le ministre, ont aussi commencé à affecter quelques plantations de bananiers.

Mahen Seeruttun a aussi fait ressortir que les dégâts sont plus élevés dans les jardins, l’une des raisons étant que l’installation de filets est extrêmement difficile sur des arbres assez hauts. Les propriétaires sont réticents à l’idée d’élaguer car cela diminuerait la production de fruits pendant les trois à quatre premières années.

Abattage et filets

En 2006, des mesures avait été prises afin de réduire la population de ce mammifère à travers un abattage contrôlé dans quelques vergers privés. Un exercice peu efficace en raison des horaires choisis – 16h à22h – étant donné que les chauves-souris sont nocturnes. En 2009, un système de filet – pour contrer ces derniers mais aussi les oiseaux – a été introduit, subventionné jusqu’à 75% par le gouvernement pour 10 filets par producteur. Ce mécanisme est toujours en place et à ce jour, 4 449 applications ont été retenues pour une somme de Rs 29,5 millions. Toutefois, note Mahen Seeruttun, les dégâts ne font que se multiplier. Cela peut s’expliquer, dit-il, par un accroissement considérable du nombre de chauves-souris durant ces dernières années.

La roussette est, en effet, une espèce endémique de Maurice et considérée comme « vulnérable » par l’International Union for the Conservation of Nature. Une étude faite en 2010 a estimé le nombre de chauves-souris dans le pays à 55 000. Les derniers chiffres du National Parks and Conservation Service (NPCS), datant de novembre 2013, indiquent que la population a augmenté jusqu’à 90 000 individus. Un nombre qui a probablement augmenté durant les deux dernières années, selon le ministre.

La population des roussettes est contrôlée naturellement, notamment avec l’avènement de forts cyclones. Cependant, comme Maurice n’a pas eu la visite de fortes tempêtes durant la dernière décennie, elles se multiplient et pourraient avoir atteint un seuil où l’espèce est devenue une nuisance, poursuit Mahen Seeruttun. Au regard des grosses pertes économiques auxquelles font face les fruiticulteurs, dit le ministre de l’Agro-industrie, des mesures « audacieuses » et « décisives » s’imposent afin de réduire la population de chauves-souris et, par là même, les dégâts causés aux fruits.

Le public sensibilisé

Le gouvernement a, vendredi dernier, décidé d’entamer une campagne à partir de mi-octobre. Celle-ci consiste en l’abattage de ces frugivores dans des fermes ciblées situées en dehors de zones résidentielles. Un exercice qui sera effectué par les membres de la Special Mobile Force en partenariat avec le NPSC, les services vétérinaires de l’Agro-industrie et le FAREI. L’abattage se fera sur une période de trois semaines suivie d’une évaluation. Toutes les mesures seront prises, assure le ministre, pour que l’existence des roussettes ne soit pas menacée. A cet effet, un comité de suivi présidé par le secrétaire permanent a été instauré.

Le ministre de l’Agro-industrie a aussi signifié son intention d’organiser une campagne de sensibilisation à travers l’île. Le but : encourager les fruiticulteurs et le public à élaguer leurs arbres et à y installer des filets. Les propriétaires sont aussi encouragés à cultiver des arbustes fruitiers, moins susceptibles d’être attaqués par les chauves-souris.

Les roussettes vivent dans nos forêts indigènes et s’y nourrissent, poursuit Mahen Seeruttun. Des jacquiers, manguiers et goyaviers y sont donc plantés à leur intention.

Protéger les arbres fruitiers et la roussette

Devançant les critiques qu’il pourrait essuyer de la part des conservateurs au niveau local et international, le ministre de l’Agro-industrie dit que son ministère est conscient qu’il doit protéger des espèces menacées et faire son devoir vis-à-vis des conventions internationales, surtout celle sur la diversité biologique. Il estime toutefois ne pas pouvoir maintenir le statu quo vis-à-vis de producteurs de fruits qui subissent des pertes considérables depuis des années.

Mahen Seeruttun souhaite aussi que le public ne se laisse pas emporter par les critiques. Et qu’il saura apprécier cette démarche du gouvernement pour que les fruits soient disponibles en quantité suffisante durant la prochaine saison. Tout en garantissant la survie de la roussette.

Rajesh Bhagwan a voulu savoir si le ministère de l’Environnement collabore aux mesures prises par l’Agro-industrie. Seeruttun a répondu que oui, il y a bien eu des réunions. Des émissions à la MBC sont-elles également prévues dans le cadre de la campagne de sensibilisation ? a demandé le Chief Whip de l’opposition. Le ministre de l’Agro-industrie a indiqué qu’il en prend note et est certain que le comité de suivi se penchera dessus.

Shakeel Mohamed a, pour sa part, adopté un ton moqueur pour savoir s’il y aura des sorties en hélicoptère afin de voir les chauves-souris de plus près. Durcissant le ton, Mahen Seeruttun lance : « Est-ce qu’il essaye d’être drôle ? Moi non. » Un échange qui a provoqué l’hilarité du côté et des applaudissements (sur les tables) du côté de la majorité.

Photo : Mauritian Wildlife Foundation

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