Le monde artistique mauricien a perdu une personnalité hors normes. Firoz Ghanty a poussé son dernier soupir à 67 ans, après une longue maladie, le mardi 3 novembre. Cet artiste et citoyen engagé, ardent militant des droits humains, a été pionnier de l’art contemporain à Maurice. Son talent s’est aussi exporté, ses œuvres ayant été exposées notamment en Afrique du Sud, au Japon, au Caire et à Paris, ou faisant partie de collections privées et publiques, à Maurice et ailleurs.

Artiste, homme de lettres et de culture, philosophe, dialecticien comme il se plaisait à se décrire lui-méme, Firoz Ghanty était aussi poète mais pas que. Dans la préface d’Affiches, 1975 – 2018 de Firoz Ghanty (publié chez les éditions Vizavi), Cassam Uteem le décrit comme étant «peintre, portraitiste, homme de lettres et de culture, polémiste et politicien à ses heures, militant des droits humains et des causes souvent perdues (…) qui a su développer une culture d’honnêteté, d’intégrité et d’indépendance».

Son premier cri, il le pousse un 14 août 1952 à la route Royale, Rose-Hill. Arrivé à un âge de raison et de révolte, il n’aura de cesse de faire entendre sa voix. Son éloquence, son intransigeance transparaissaient non seulement dans son regard bleu-vert mais aussi dans ses échanges et ses travaux, ainsi que dans ses contributions régulières à la page Forum du Mauricien, ou dans des lettres ouvertes adressées aux autorités pour dénoncer quelque injustice.

Il en est ainsi en mai 2018 lorsque nommé aux National Awards récompensant pour la première fois les artiste mauriciens, Firoz Ghanty se fend d’une lettre ouverte. Il y explique accepter son prix dans la catégorie Arts plastiques «under protest». Dans une tribune, l’artiste écrit : «Depuis ma première exposition en 1970, j’ai eu droit à toutes les Violences de l’État et des Institutions. Censure, boycott, ostracisme, présence policière à des vernissages, mes Droits de base niés, retrait des listes officielles, etc. ! La dernière brimade fut le refus de la National Art Gallery de m’accorder la subvention à laquelle j’étais éligible pour ma dernière expo solo en octobre 2017, sous le prétexte fallacieux que les caisses sont vides !»

Militant de la première heure, l’homme n’a pas peur d’afficher ses convictions. Engagé dans les luttes syndicales à Maurice, il adhère au Mouvement militant mauricien en 1974. Passage de courte durée, puisqu’il quitte le parti du coeur deux ans plus tard sur fond de divergence idéologique. Il ne reniera toutefois pas son engagement politique, résolument à gauche, et qui sera l’un des nombreux fils dans l’écheveau de sa vie.

Il est condamné à la prison, sous la Public Order Act en 1980. On lui reproche d’avoir participé à une manifestation illégale organisée par le Fron Nasyonal Anti Somaz, dont il est l’un des principaux dirigeants. Firoz Ghanty est même candidat à Beau-Bassin/Petite-RIvière lors de l’élection partielle de 1999, provoquée par la démission de Joceline Minerve. Son slogan «Pa pans Kominal pans Morisien, pa vot kominal vot Morisien», n’accrochera pas suffisamment l’électorat.

Firoz Ghanty est l’un des rares artistes mauriciens à avoir participé, souvent en solo, à des expositions à travers le monde, que ce soit en Asie, en Afrique ou en Europe. A Maurice, il expose régulièrement depuis 1970, année où il participe à sa toute première exposition à 18 ans.

La dépouille de Firoz Ghanty est exposé à la chapelle ardente d’Elie & Sons, à Beau-Bassin. Ses funérailles auront lieu le mercredi 4 décembre.

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