La séance parlementaire va débuter dans une dizaine de minutes. Deux des gardes du corps de Pravind Jugnauth font leur entrée dans l’hémicycle et déposent une quinzaine  de dossiers sur le pupitre du Premier ministre.

Vers 11h30, Pravind Jugnauth arrive et découvre l’impressionnante pile de dossiers sur son pupitre. Serviable, Ivan Collendavelloo lui propose d’en garder quelques-uns devant lui. Le Premier ministre et son adjoint discutent et regardent ensemble les éléments de réponse à la Private Notice Question (PNQ) de Xavier Duval portant sur la lutte contre la corruption.

Le leader de l’opposition est arrivé quelques minutes plus tôt. Pour filer directement à sa place, sa tablette tactile à la main. Pas un regard, pas un geste pour son voisin, Paul Bérenger. Les deux hommes ne se parleront d’ailleurs pas de toute la séance parlementaire du matin.

La question de Xavier Duval lue, Pravind Jugnauth débute sa réponse. En faisant régulièrement allusion au fait qu’étant Deputy Prime minister de la défunte Alliance Lepep, l’actuel leader de l’opposition a pris part à certaines décisions et présidé des comités liés à la question du jour. Ces allusions font tantôt sourire Duval et tantôt l’agacent. Tout en prêtant une oreille aux explications du Premier ministre, le leader du PMSD discute régulièrement avec Dan Baboo, le whip de l’opposition, ou encore avec Aurore Perraud et Shakeel Mohamed.

Le chef de file des travaillistes au Parlement est agacé et le fait savoir à Thierry Henry et à Duval. Paul Bérenger est autrement agité. Il griffonne méthodiquement des notes au stylo rouge sur la feuille portant le libellé de la PNQ du jour.

Il n’y a pas que des allusions à Xavier Duval dans la réponse de Jugnauth. Roshi Bhadain y passe aussi par rapport à ce qu’il a entrepris ou pas, en tant qu’ancien ministre de la Bonne gouvernance. « Ha ! » lance le principal concerné en secouant la tête. A chaque fois qu’une allusion est faite à l’ancien ministre MSM, sir Anerood Jugnauth et Showkutally Soodhun le cherchent immédiatement du regard. Guettant une éventuelle réaction tapageuse du leader du Reform Party. Mais Bhadain reste calme. « Depi de mwa li la! », proteste-t-il tout juste quand Pravind Jugnauth énumère l’agenda de Sudhir Sesungkur, l’actuel ministre de la Bonne gouvernance et des Services financiers.

Shakeel Mohamed est, lui, un élève dissipé. Son téléphone portable n’arrête pas de sonner. Ce qui le conduit à sortir régulièrement pour répondre à ses appels. Il entre et sort de l’hémicycle sans, parfois, prendre le temps de saluer la Speaker. Ce qui lui vaut quelques sourcils froncés.

Pravind Jugnauth termine sa réponse sous les tap latab des membres de sa majorité. « It’s a bit early to clap », ironise le leader de l’opposition. Pendant ce temps, Ravi Rutnah et Thierry Henry jouent au mime. Précautionneux, ils ne veulent pas s’attirer les foudres de Maya Hanoomanjee et c’est donc en silence, et à grands renforts de gestes, qu’ils s’invectivent.

Duval attaque en demandant si le transfugisme ne doit pas être apparenté à de la corruption. Agacé, Pravind Jugnauth répond que le gouvernement PTr-PMSD, dont a fait partie Xavier Duval, a accueilli à bras ouverts des élus du MSM alors que ce parti venait de quitter l’alliance PTr-MSM-PMSD en 2011. Un sentiment de satisfaction se lit sur le visage de SAJ pendant qu’il regarde son fils rétorquer à l’opposition. Rajesh Bhagwan fait, lui, de l’esprit. Suggérant qu’on fournisse des uniformes aux transfuges.

Ceux ayant récemment changé de camp politique écoutent. Si Alain Wong est absent, les commentaires sur les transfuges laissent Zouberr Joomaye impassible. Raffick Sorefan, par contre, cache mal sa colère.

C’est vers SAJ et Bhagwan que les regards se tournent toutefois. Les deux hommes s’échangent des gentillesses. Très en colère, SAJ s’apprête à vociférer en direction du député MMM de Beau-Bassin/Petite-Rivière (no 20). « Eta P! ». Le ministre Mentor en reste à la lettre P et se retient. « Mo pa per twa!», provoque Bhagwan. « Ki ariv twa? » commence SAJ. Avant de se rebiffer une nouvelle fois en ne terminant pas sa phrase.

Pravind Jugnauth se faufile entre les questions supplémentaires, aidé par le Deputy Prime minister par moments, quand une des questions concerne indirectement le Central Electricity Board. La Speaker regarde ailleurs. En direction de Thierry Henry, qui n’arrête pas de narguer les députés de la majorité et de parler avec des camarades de l’opposition. « Ok, sorry », répond-il quand Maya Hanoomajee le rappelle à l’ordre.

L’ordre ne règne pas non plus entre Showkutally Soodhun et Roshi Bhadain. « Rawat so loto kote ? » lance Bhadain au ministre du Logement et des Terres. Celui-ci sourit et fait mine de regarder ailleurs. « Ankor pe roule? » demande SHakeel Mohamed à Bhadain. « Wi », confirme l’ancien ministre. Qui lance des piques entre deux mains levées pour pouvoir poser une question supplémentaire.

Maya Hanoomanjee ne regarde pas vers lui. « Zame gagn poz kestion isi », s’agace le député de Belle-Rose/Quatre Bornes (no 18). La PNQ se termine avec une remarque qui fuse de l’opposition. « Al rann loto Rawat! »

Pravind Jugnauth a à peine le temps de se rasseoir. C’est désormais l’heure des questions au Premier ministre. Il fournit des détails sur la rémunération de son conseiller Gérard Sanspeur et précise les institutions qu’il préside ou dont il est l’un des membres du conseil d’administration. Devant la litanie des allowances et du salaire de Sanspeur, Bhagwan partage sa surprise. « Plis ki Sumputh sa ! » Un commentaire qui plonge Anil Gayan dans une colère noire. Le ministre du Tourisme regarde en direction du Premier ministre, comme espérant une réponse cinglante de ce dernier à l’élu du MMM. Mais Pravind Jugnauth poursuit sa réponse. « Dir li al travay NASA », propose Bhadain en évoquant les revenus que verse l’Etat au conseiller du Premier ministre.

Si Pravind Jugnauth était resté calme et moyennement combatif jusqu’ici, l’allusion de Rajesh Bhagwan à l’effet que SMS Pariaz appartient en fait à un important bailleur de fonds du MSM fait sortir le leader du parti soleil de ses gonds. Il réplique en évoquant la récente polémique au sujet du secrétaire général du MMM, Ajay Guness. A qui il est reproché d’avoir tenté d’intercéder auprès de la police pour l’un de ses proches, testé positif à l’alcootest. « Pe anpes lapolis fer so travay. Pe protez soular! » s’emporte le chef du gouvernement.

Combatif, c’est vers Paul Bérenger que le Premier ministre lance une pique après une autre question supplémentaire de Bhagwan.  Rappelant certaines décisions prises en 2002, alors que le leader du MMM était ministre des Finances. « Pinocchio! », lance Bérenger avec dédain. « Pinocchio! » se répète-t-il.

Les élus des deux côtés de l’hémicycle sont de plus en plus dissipés. La Speaker se lève à plusieurs reprises et menace. « Vous vous calmez, sinon je suspend la séance! » Les appels au calme de la Speaker ont un effet moyen. C’est dans le brouhaha que Rajesh Bhagwan évoque les liens d’un candidat du MSM lors des élections de 2014 avec le monde hippique.

Hanoomanjee rappelle de nouveau les députés à l’ordre. Avant de prononcer la fin de la séance de questions au Premier ministre.

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