Ainsi donc, c’est ce vendredi que les hostilités – électorales – ont vraiment débuté entre le MSM et le Parti travailliste (PTr). Pour un démarrage en fanfare de la campagne, il faudra toutefois repasser. Car Pravind Jugnauth, tout autant que Navin Ramgoolam ont livré une prestation en demi-teinte. Revue de détails.

La mobilisation. Navin Ramgoolam a pris la peine de le dire: son congrès était régional. Certes, mais dire que le petit monde assistant au rassemblement de Montagne-Longue venait seulement de la circonscription Port-Louis Nord/Montagne Longue (no 4) serait inexact. Malgré cela, le PTr était loin d’avoir rassemblé une foule des grands jours dans cette circonscription où la candidate rouge avait terminé en 6e position lors des législatives de décembre 2014.

La vraie mobilisation ratée de ce vendredi était sans conteste celle de Pravind Jugnauth. Malgré les cortèges de voitures méticuleusement rassemblés et les posters géants placés à l’entrée de Rivière-du-Rempart, c’est une foule relativement apathique qui a écouté le leader du parti soleil. Pire, 15 bonnes minutes avant que Pravind Jugnauth ne conclue son allocution, une bonne partie de l’auditoire pliait déjà bagage. On était très loin de l’accueil et l’enthousiasme de mai 2014, quand Sir Anerood Jugnauth (SAJ) faisait salle comble et captivait son auditoire au même endroit.

Les postures. Et dire qu’ils filaient le parfait amour entre la partielle de mars 2009 et leur séparation en juillet 2011. Désormais, dans un jeu ridicule, ils ne s’appellent pas par leurs noms. Mais plutôt par des sobriquets peu flatteurs. Macarena ou tonton sigar pour Ramgoolam. Linpos ou Pinocchio pour Jugnauth. Pour se flatter, toutefois, les deux leaders politiques rivalisent de créativité.

Le chef du PTr, faisant une grave crise de mégalomanie, se compare à Mandela. Comparant son action avec celle du prix Nobel de la paix. Tandis qu’à entendre le Premier ministre, SAJ devrait bientôt être déchu de ton titre de père du développement économique du pays, au profit de son rejeton. A force de s’entourer de conseilleurs experts-es-flatterie, le chef du MSM s’est probablement pris au jeu.

Les deux hommes partagent toutefois un même sentiment : celui d’être persécuté. Il y a quelque chose de profondément comique à entendre Navin Ramgoolam affirmer, d’un ton grave, que le gouvernement a placé ses adversaires politiques sur table d’écoute. Qu’il utilise aussi, les services de renseignements à des fins politiques. Et dire qu’il y a 10 ans, un ministre travailliste, paniqué à l’idée de discuter d’un sujet sensible au téléphone nous conseillait : «Nou zwen nou koze ; to kone pa kapav koz lor telefon».

Question hypocrisie, Jugnauth ne fait pas mieux. Il n’y a pas si longtemps, il avait fait des éditorialistes intellectuellement malhonnêtes et des inquisiteurs autoproclamés de la presse ses alliés objectifs. Allant jusqu’à se féliciter de leur travail, à la limite de la déontologie, lors de la campagne de 2014. Désormais, Pravind Jugnauth s’offusque des méthodes de ces mêmes personnes. Ayant soudainement pris conscience du danger qu’ils représentent…car leurs écrits ne lui profitent plus. L’ironie, c’est que Navin Ramgoolam, ancien pourfendeur des «semi-intellectuels» qui endosse désormais opportunément l’armure du chevalier blanc de la liberté d’expression !

Le fond. Navin Ramgoolam se la joue en mode kase refer depuis quelque temps. S’il n’a pas élaboré sur les mesures qu’il entend mettre en œuvre pour dans le cadre de sa politique de rupture. Le patron des rouges a prévenu qu’il entend «casser le système». Or, on s’attend aussi qu’il casse le Ramgoolam qu’on connait. L’arrogant. L’autocrate. Le paranoïaque. L’indécis. L’épicurien invétéré et impénitent.

En face, tellement satisfait de son charisme inexistant et de son bilan, Pravind Jugnauth promet du «more of the same». Si le Premier ministre s’est forgé une image d’homme tranquille et sans aspérité, son voisinage politique immédiat pullule toutefois d’erreurs de casting. Dont les plus dignes représentants, notamment chez ses alliés du ML, rivalisent facilement avec Ramgoolam en matière d’hédonisme et de copinerie. Le Premier ministre parle de ses croisades contre la drogue et la corruption… jamais du grand ménage qu’il devrait faire dans ses propres écuries d’Augias.

Avec cynisme, on est bien obligé de faire le constat. Hormis quelques fioritures technologiques dans la forme, cette campagne promet de nous livrer le même lot de discours creux et convenus. Les benêts oisifs s’en réjouiront et courront écouter leurs leaders. Les autres prendront leur mal en patience.

 

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