La menace du Covid-19 est autant sanitaire qu’économique. Il y a 30 ans, on enseignait les défis du monde post General Agreement on Tariffs and Trade. La future Organisation Mondiale du Commerce – et la globalisation dont elle était annonciatrice – était décrite comme un champ de possibilités inouïes pour une petite économie comme Maurice. Depuis, l’étendue des menaces liées à la mondialisation a également été pleinement mesurée – des attentats du 11 septembre 2001 à la crise financière de 2007/2008. Sans surprise, Pravind Jugnauth a donc prévenu, il y a quelques jours que Maurice subira le contrecoup de la grippe économique globale partie de Chine.

Selon qu’on se place parmi les optimistes ou les pessimistes, la crise du coronavirus aura des impacts plus ou moins importants sur la croissance dans le monde en 2020 et l’année suivante. Dans une récente analyse, Bloomberg a émis 4 hypothèses par ordre de gravité. La plus alarmiste renvoie à une perspective où l’économie mondiale sera amputée de l’équivalent de toute la richesse créé au Royaume-Uni en un an [2 700 milliards de dollars]. Qu’importe la gravité de l’hypothèse, Maurice aura cependant un tribut à payer.

Celui-ci n’a pas encore été précisément mesuré. Car on subit encore les premiers effets de la crise du Covid-19. Notamment l’arrêt des arrivées touristiques depuis la Chine et le ralentissement de celles en provenance de nos autres marchés – dont certains importants comme l’Italie. Réduisant le taux de remplissage des hôtels et, par effet de contagion, le business des taxis et restaurants.

A l’importation, de nombreux commerçants et producteurs doivent désormais s’approvisionner ailleurs qu’en Chine. Même les particuliers qui commandent des babioles sur les grands sites d’e-commerce basés en Chine mesurent les conséquences de la crise. Demain, une autre partie du grand public ne trouvera plus certains vêtements dans les foires ou certains aliments dans les épiceries. A moins d’accepter de les payer plus cher.

Voulant mitiger les effets de la crise, la  Banque Mondiale (BM) a déjà dégagé 12 milliards d’aides pour les pays les plus touchés. Si la BM entend d’abord offrir un «appui rapide aux pays en proie aux conséquences sanitaires et économiques», celui-ci trouvera difficilement son chemin jusqu’à Maurice. Vu que les aides seront prioritairement dirigées vers les pays en développement et à faible revenu. Autant dire que le pays sera en bas de la liste prioritaire.

C’est donc sans surprise que Jugnauth a déjà commencé à prôner une politique d’austérité, pour laquelle le gouvernement souhaite donner le bon exemple en réduisant ses dépenses courantes de 10% minimum. Agréable à l’oreille, la formule est toutefois compliquée à mettre en œuvre pour le trésor public. En effet, sur les quelques Rs 126 milliards que l’Etat dépensera durant l’année financière courant du 1er juillet 2020 au 30 juin 2021, Rs 72,6 milliards iront financer les salaires des fonctionnaires et les différentes prestations sociales… qui ne seront certainement pas réduites.

Si on ajoute à cela, les intérêts que l’Etat devra payer ainsi que les dépenses incompressibles dans d’importants ministères – comme celui de la Santé ou de l’Education – c’est uniquement sur une trentaine de milliards de roupies que le gouvernement pourrait prétendre faire une économie de 10%. Ce qui ne comblera que difficilement toute la taxe sur la valeur ajoutée ou l’impôt sur les sociétés que ne percevra pas le trésor public à cause du ralentissement de l’activité économique.

Le terme stimulus package a été érigé en gros mot par le MSM depuis sa campagne acharnée contre la politique d’aide prônée par Rama Sithanen, alors ministre des Finances, pour lutter contre les effets de la crise financière en 2007/2008. Toutefois, aussi bien Renganaden Padayachy et son patron réalisent que plus les effets du coronavirus sur notre économie seront prononcés, plus il leur faudra contempler la possibilité d’accorder – sous une forme ou une autre – des aides aux industries locales le plus touchées.

Ils se trouveront d’ailleurs devant un dilemme. Les producteurs chinois devraient compenser la baisse de leur capacité de production d’au moins 2% par une augmentation de leurs marges. Ce qui se reflètera aussi bien sur les prix de l’électronique que les produits de grande consommation Made in China. Or, comme ce pays est le plus gros fournisseur de Maurice, avec 16,7% du total de nos importations en 2019, une petite poussée de fièvre sur les prix est une quasi-certitude.

Gérer cette situation sera d’ailleurs un casse-tête aussi bien pour le gouvernement que pour la Banque de Maurice (BoM). Un taux d’intérêt bas favorise en effet l’essor des entreprises en augmentant leur capacité à emprunter. Mais un taux bas incite aussi à la consommation, donc par ricochet l’inflation. Le gouvernement et la BoM se retrouveront toutefois rapidement avec la double obligation d’aider les entreprises tout en contenant une éventuelle montée généralisée des prix. C’est un numéro d’équilibriste que le nouveau tandem Kishen Padayachy/Harvesh Seegolam aura sans doute des difficultés à exécuter.

A moins qu’ils ne soient aidés dans leur tâche par une toute autre conjoncture. Avec les progrès de la médecine, un vaccin contre le Covid-19 pourrait être trouvé bien plus vite qu’on ne le croit. Aussi, le coronavirus n’est – on ne le rappelle pas assez – qu’une grippe ! Contre laquelle le système immunitaire humain apprend à se battre puis à vaincre. Pis, il y a le climat : L’hiver favorise la propagation de la grippe. Avec l’été arrivant dans l’hémisphère nord d’ici juin, le coronavirus pourrait radicalement perdre de sa capacité de transmission. Parfois, les heureux hasards existent, espérons qu’on en vive un.

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