« On ne peut être artiste professionnel à Maurice. » Il a suffi d’une phrase pour que ce parfait inconnu du monde culturel mauricien devienne une personne très en vue et reconnue – à juste titre ou pas – pour son inculture.

Des mots dits au chorégraphe Jean-Renat Anamah. Si cette phrase a été balancée dans un cadre privé, elle est très vite devenue virale, suite à sa publication sur la toile.  Et la « rébellion » des internautes (des artistes surtout) sur Facebook, donne encore plus de poids à ces propos incendiaires…

On ne peut reprocher à Anamah d’avoir rendu public ce discours déplacé à l’encontre de la communauté des artistes. Contrairement à un certain Bhadain, le chorégraphe a eu le courage de dire les choses telles qu’elles sont et de laisser rugir sa colère en public. Comme un vrai lion.

Pour répondre à monsieur Roopun, nous allons nous éloigner des répliques trop simplistes : « Ou artis ou ? », « Ou spesialis dan lar ou ? »  Evitons de plagier un de nos plus grands orateurs.

Il ne fait aucun doute que ce propos relève d’une méconnaissance du dossier Art et Culture. Sortir du ministère de l’Intégration sociale pour se retrouver à gérer le dossier des Arts et de la Culture, en moins d’un mois, relève pour beaucoup du miracle – surtout pour une personne n’ayant aucun lien avec le domaine culturel. On ne parle pas ici de tout ce qui touche au socio-culturel, mais des Arts. Malgré tout, Monsieur Roopun, votre maladresse est peu excusable.

On ne va pas vous faire un cours lexical pour exposer la définition du mot « artiste » ou du mot « professionnel ». Loin de là, nous ne sommes pas ici pour insulter votre intelligence.  Mais il est important d’exposer des faits concrets pour attester qu’il y a bel et bien des artistes professionnels à Maurice.

Dans tous les domaines artistiques et depuis des années, le pays a compté des esthètes qui ont contribué à l’évolution de notre culture et de notre société. Des actions et des réflexions pertinentes qui ont permis de construire l’identité culturelle de notre île. Et cela a été fait par des artistes professionnels. Des êtres excellant dans leur domaine, avec l’habilité et les qualités requises pour les exercer. Tout ceci demande du respect. Pour preuve, voici quelques noms d’artistes professionnels (la liste est trop longue pour les citer tous).

De Malcolm de Chazal à Ananda Devi, en passant par Jean-Marie Leclézio, Nathacha Appanah, Shenaz Patel… la littérature mauricienne brille de mille feux.

D’Anna Patten à Sanedhip Bhimjee, d’Anamah à Stephen Bongarçon, sans oublier les frères Joseph et de nombreux autres talents, la danse est en mouvement perpétuel.

D’Ernest Wiehé à Jane Constance, Menwar, Triton, OSB Crew, Cassiya, Mario Ramsamy…  la musique d’ici est connue ailleurs et résonne encore plus fort. D’Henri Favory à Dev Virahsawmy, Gaston Valayden, Miselaine Duval… les planches vibrent avec ardeur.

De Pierre Argo à Vaco, Firoz Ghanty, Henry Coombes, Nirveda Alleck, Khalid Nazroo, Krishna Luchoomun, Gaël Forget…  l’art plastique est une palette de couleurs exaltantes.

De Gérard Sullivan à Emilien Jubeau en passant par Guillaume Jauffret… la conception artistique rayonne sur notre île.

Et tant d’autres encore qui, dans l’ombre, s’engagent au quotidien et s’appliquent à faire les choses dans le sens de l’art et avec professionnalisme. Qui sait, ils seront peut-être les prochains ambassadeurs de la culture de notre pays ?

Comme le dit si bien l’écrivain russe, Maxime Gorki : « La culture nouvelle commence là où le travailleur et le travail sont traités avec respect. » Comprenez, monsieur Roopun le sens de ce discours, qui n’est pas une leçon de culture, mais un appel au respect.

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