« Santo subito. Santo subito ! » C’était en 2005, à Rome, lors des funérailles du Pape Jean-Paul II. « Qu’on le canonise tout de suite », scandait la foule. « Pravind nou premie minis ! », clament les sympathisants, laquais et baiseurs de main du leader du MSM depuis ce mercredi 25 mai. Ils se trompent tous à vouloir ainsi catapulter Pravind Jugnauth à la tête du gouvernement. Et même à espérer qu’il dise ouvertement qu’il convoite dès à présent le job de sir Anerood Jugnauth.

Il ne fallait pas être devin, fin politologue ou journaliste-observateur aguerri pour savoir que Pravind Jugnauth allait faire taire les spéculations incessantes sur son accession imminente au poste de chef du gouvernement. Un ministre inconscient et un fils ingrat : c’est la première impression qu’on aurait eu de lui si, revenu aux affaires après la décision de SAJ de le nommer ministre des Finances, Pravind Jugnauth disait publiquement vouloir remplacer ce dernier au plus tôt.

Le leader du MSM aurait, en effet, été vivement critiqué pour son manque de respect envers le Premier ministre. Ainsi que pour son ambition dévorante au point de l’empêcher de réaliser qu’il n’est pas prêt pour assumer cette fonction. Son incapacité à comprendre qu’il est dans son intérêt d’attendre avant de prétendre remplacer SAJ aurait également été mal vue. De toute façon, pourquoi convoiterait-il une fonction qui pourrait lui échoir naturellement et progressivement ? Car revenu aux affaires en 5e position dans la hiérarchie du Conseil des ministres, Pravind Jugnauth assumera d’office le rôle de second politique de SAJ au gouvernement. Cela, grâce à la concordance de deux facteurs.

C’est celui qui dirige les finances du gouvernement qui détermine avec quels moyens, suffisants ou inadéquats, les différentes batailles sont livrées. Aux Finances – et face à un Premier ministre qui lui laissera probablement beaucoup d’autonomie –, Pravind Jugnauth aura toute latitude pour décider de la stratégie économique du pays et déterminer les budgets sociaux prioritaires. De sorte qu’arrivé le Budget 2019-2020, présenté vers avril ou mai 2019, Pravind Jugnauth aura la prétention d’avoir présenté 4 budgets portant essentiellement son empreinte. Pour peu que la situation économique et sociale progresse sensiblement d’ici là, on imagine les dividendes politiques personnels que cela lui rapportera.

Au-delà de son ministère, Pravind Jugnauth aura aussi l’occasion de procéder à de nombreux arbitrages politiques au sein du gouvernement. C’est l’absence du leader du MSM qui a permis la montée en puissance de Roshi Bhadain auprès de SAJ. C’est aussi parce que le sort de Pravind Jugnauth était incertain que des clans se sont créés dans son parti et au sein du gouvernement. De retour au pouvoir, il devient de facto celui qui parlera pour SAJ et à qui celui-ci déléguera les arbitrages politiques qu’il renoncera à effectuer.

Sur papier – et moyennant  de bonnes prises de décision –, le ministre des Finances peut bénéficier de trois ans et demi de montée en puissance politique. Tout en comptant sur les larges épaules de SAJ, qui aura tôt fait d’assumer les décisions mal inspirées que pourrait prendre Pravind Jugnauth. Devenant, commodément, le bouclier de celui-ci face aux attaques incessantes de Paul Bérenger et Navin Ramgoolam pour les années à venir.

C’est le propre des die-hards politiques que de parler avant de réfléchir. Or, tout indique que le destin de Pravind Jugnauth ne le porte pas vers le poste de Premier ministre dans l’immédiat, voire même dans les deux années à venir. Pour les raisons objectives citées, bien sûr. Mais aussi parce qu’un certain Anerood doit bien se dire qu’il n’est pas dans son destin personnel de se déshonorer en abdiquant afin de permettre à son fils d’accéder au trône sans avoir pris le temps de le mériter. C’est pour cela que SAJ poussera Pravind Jugnauth à engranger le soutien populaire requis – et passant nécessairement par les urnes – pour mériter la fonction gouvernementale suprême. Histoire de faire coïncider le destin de son fils avec le sien.

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