Dubai Ports World veut le contrôle de la Cargo Handling Corporation Ltd (CHCL). Xavier Duval l’a confirmé aujourd’hui au Parlement. A quelle fin ? Selon la compagnie dubaïote, le contrôle des activités portuaires est essentiel pour le développement d’une zone économique spéciale (ZES) à Riche-Terre, premier volet de sa proposition.

« Ils ont été clairs : pas de ZES efficace sans un port efficace », a souligné Xavier Duval. La firme dubaïote souhaite ainsi obtenir un accord de gestion de 30 ans vis-à-vis de la CHCL, avec une participation à hauteur de 40%, précise le Deputy Prime minister en réponse à la Private Notice Question du jour.

DP World offre d’investir, dans un premier temps, 25 millions de dollars américains pour améliorer les infrastructures du Mauritius Container Terminal et acheter des équipements additionnels. Cela afin d’améliorer la productivité et la capacité du terminal à 1,3 million de twenty-foot equivalent units (TEUs). Passé ce cap, DP World propose d’investir 500 millions de dollars américains pour développer une Island Terminal d’ici 2030.

A Riche-Terre, c’est une ZES qui devrait voir le jour suite à une joint-venture avec le gouvernement de Maurice. DP World investira 23 millions USD sur un total de 60 millions durant les six premières années pour la construction de bureaux et d’espaces industriels, l’aménagement des parcelles…

La SEZ, qui sera calquée sur la Jebel Ali Free Zone à Dubayy, pourra « attirer des investissements directs étrangers de l’ordre de 450 millions USD et générer 8 000 emplois », a détaillé le ministre du Tourisme. Des investissements qui prendront notamment la forme de « sous-location », a-t-il indiqué au député Joe Lesjongard.

Le projet s’installera sur 325 arpents issus des terrains récupérés l’année dernière des Chinois, précise Duval. La durée du bail : 99 ans. « C’est raisonnable », selon Duval au fin « des infrastructures de qualité » que la compagnie compte y développer

La proposition à trois volets de la compagnie dubaïote, estime Duval, pourrait être « intéressante et innovante » car axé sur l’augmentation du captive traffic suite au développement portuaire. Notre port, poursuit-il, pourra diversifier ses services : ravitaillement, accastillage (fourniture d’équipements et pièces maritimes), réparation de navires…

L’Etat attend les recommandations des consultants avant de faire des contre-propositions. « A ce stade, il n’y a pas eu de décision ni d’accord », assure Duval, les propositions de DP World étant toujours à l’étude par le comité interministériel mis sur pied. Celui-ci est en attente du rapport du cabinet conseil BDO, qui se penche sur les implications légales, techniques et financières du projet soumis.

La Mauritius Ports Authority a, elle, retenu les services de Marc Juhel. Il a été consultant à la Banque mondiale sur les transports et les activités portuaires.

« Singapore Ports Authority ne font pas partie des discussions », a répondu Xavier Duval à une interpellation du leader de l’opposition.

Paul Bérenger a rappelé au ministre sa déclaration, dans une interview publiée le 11 avril, sur le fait qu’« il y aura des garde-fous » et que « si dans trois ans le projet ne progresse pas à notre satisfaction, nous pourrons revenir en arrière ». Le leader a voulu savoir si cela serait une des clauses du contrat avec DP World. « On ne construit pas 20 étages sans garanties », a d’abord lancé Xavier Duval. Avant de faire ressortir que l’accord comprendra « suffisamment de ‘Key Performance Indicators’ » que DP World devra respecter sous peine de sanctions.

Xavier Duval n’a pas non plus fait grand cas des allégations de fraude et de corruption évoquées par Shakeel Mohamed et censées impliquer DP World aux Etats-Unis mais aussi en Afrique : « En ce qui nous concerne, il n’y aura rien d’illégal. » Il a toutefois insisté qu’une fois les discussions terminées, « there will be full disclosure ».

Le renvoi d’Alain Edouard, insiste Xavier Duval, « n’a rien à voir » avec les discussions en cours avec DP World. Il a rappelé le parcours du syndicaliste à la CHCL, qui a gravi les échelons en commençant par le poste de clerical assistant pour être, depuis juillet 2014, formateur de portiqueurs (ship-to-shore gantry trainer). Il a aussi rappelé le fil des événements qui ont mené à la suspension d’Alain Edouard pour avoir quitté son poste plus tôt, le 31 décembre dernier, puis au comité disciplinaire qui l’a trouvé coupable, et enfin à son limogeage.

Le Deputy Prime minister a balayé d’un revers de main les inquiétudes de Bérenger au vu de la position « dure » adoptée par DP World face aux syndicats. Le leader de l’opposition se demandant, à nouveau, si le renvoi d’Edouard n’était pas lié au fait que la Port-Louis Maritime Employees Association (PLMEA), qu’il préside, mène campagne contre la venue de la compagnie dubaïote et la privatisation du port.

« Ce n’est pas dans mes habitudes de mentir dans cette Assemblée », a commenté Duval. En ajoutant : « J’espère que le leader de l’opposition ne remet pas en cause l’intégrité de l’ex-magistrat » qui a présidé le comité disciplinaire « indépendant ».

« En tant que formateur, Alain Edouard aurait dû donner l’exemple », a insisté le ministre. Qui a également souligné sa « fierté » que les employés de la CHCL soient « bien payés ». En contrepartie, dit-il, ils doivent maintenir leur productivité.

Xavier Duval compte toutefois recevoir la PLMEA le jeudi 5 mai. Le syndicat, que préside Alain Edouard, réclamait depuis quelque temps une rencontre avec Xavier Duval pour discuter de sa réintégration. Une éventualité possible selon ce qu’a indiqué ce dernier mais aussi Robert Pallamy, président du conseil d’administration de la CHCL, dans la presse, a relevé Bérenger.

« It takes two to tango », a glissé le ministre du Tourisme. Et de poursuivre : « Espérons que chacun retrouvera la raison en même temps. » En précisant toutefois que les intérêts de la compagnie et du pays passent avant tout autre considération.

A Paul Bérenger qui dit espérer un dénouement avant le 1er mai, Xavier Duval rétorque, un sourire espiègle aux lèvres : « Puisque vous ne faites rien ce jour-là, venez donc à Vacoas. Il y aura peut-être des annonces spéciales. »

Note : Le texte a été modifié pour indiquer que le rendez-vous entre Duval et la PLMEA aura lieu le 5 mai et non le 28 avril, comme écrit precedemment. Le syndicat confirme que la lettre de convocation prévoit que la rencontre est pour la semaine prochaine.

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