Vendredi 16 avril 2032, 17 h 30, M. Sharma, chef de l’unité R&D chez Ferrari, met fin à son séminaire sur la répartition du poids dans les supercars électriques. Gavin, 21 ans, a savouré cette démonstration sur le lestage gradué des automobiles de compétition dans l’amélioration du rapport poids-puissance. Ce n’était pas le cas il y a dix ans car, à l’époque, on utilisait encore une quantité importante de composants en métal. Cela alourdissait naturellement les automobiles. L’évolution de la nanotechnologie dans l’automobile en 2032 est assez aboutie pour arriver à ce qu’un moteur ne pèse que quelques dizaines de kilos. Cette troisième année d’études au MADMAN, Mauritius Automotive Design and MANufacture, est aussi passionnante que les deux premières pour un fan de Formule E comme Gavin. Personne n’aurait imaginé qu’une si petite île aurait pu être un jalon tellement important dans l’histoire de l’automobile moderne. Histoire qui a été une sacrée aventure et une aubaine.

En 2018, l’économie mondiale souffrait déjà de dix ans de crise. Maurice, comme beaucoup d’autres pays, tenait tant bien que mal mais le tourisme ne rapportait vraiment plus rien au pays. Les hôtels remplis à 42 % montraient que le déclin du tourisme n’allait pas s’arrêter. Ce pays avait eu plusieurs modèles économiques dont la canne à sucre, le textile, le BPO et le tourisme qui avaient laissé des traces indélébiles sur la nature et l’environnement. Le jour où les hôtels ont commencé à licencier en masse suivi des demandes d’explications du peuple, le gouvernement en place a dû commencer à prospecter sur d’autres moyens de faire vivre le pays. Cela s’est concrétisé par l’arrivée de l’activité automobile.

Maurice n’avait aucune ressource naturelle à exploiter à grande échelle. Aucune ? Non, le taux d’ensoleillement de 100 % mesuré à l’île Maurice était un atout que personne n’avait pensé à exploiter autrement que par le tourisme. Un conseiller travaillant sur le projet MID, Maurice île durable, avait publié un rapport en 2015 faisant état des possibilités d’exploiter cette ressource à des fins économiques. Le problème était que le projet MID était une telle farce à l’échelle nationale que le rapport avait été mis dans un tiroir et oublié. Ce rapport avait refait surface en 2018 et avait été réétudié. Suite à cela, le gouvernement mauricien s’était donné les moyens pour essayer de concrétiser les propositions de ce rapport. C’était celaa ou la déclaration de faillite inéluctable du pays.

L’idée était de faire du développement durable, le vrai, une arme économique. Il a été difficile de mettre en place des comités de pilotage constitués uniquement de Mauriciens. Il y a eu beaucoup d’échecs. Une bonne partie de la classe politique, qui était en place par lobby ou par « copinage », ne comprenait pas comment elle allait prendre sa part du gâteau sans oublier celle des autres. Taper dans la caisse de l’Etat pour une voiture, une maison, un voyage ou vendre un terrain du gouvernement à un pote pour construire un resto étaient des choses simples. Mais comment voler du développement durable ? Il fallait comprendre ce que c’était et l’argent se faisait réellement rare. Une majorité des anciens politiciens avaient fini par abandonner, et même quitter le pays. Ceux qui sont restés ont participé activement à ce profond changement et en ont récolté les fruits.

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