Insidieusement, il s’immisce dans la [pré]campagne électorale. En soi, le vote communal n’est pas un phénomène nouveau à Maurice. « Koup zot, donn enn nou bann », « pa vot sa [insérer ici le nom de l’ethnie honnie] la » sont des injonctions entendues depuis des décennies. Utilisée à grande échelle, la carte communale est susceptible de contrarier les mécaniques électorales les mieux huilées. Car à défaut de permettre de gagner la partie, elle peut rendre la victoire de l’adversaire moins éclatante. Nos dirigeants politiques en ont pleinement conscients et agissent en conséquence ces derniers jours.

Le leader du Parti travailliste, après avoir largement joué –­­­­ et laissé jouer ses troupes – sur le registre ethnique, prend probablement la mesure du feu qu’il a naguère allumé à coup de « pa les pouvwar sap dan lame » ou « sarbon blan sarbon nwar ». Le docteur Navin Ramgoolam doit donc apprécier à sa juste valeur l’ironie du fait qu’il a, en ce moment, « a taste of his own medicine ».

Le Premier ministre l’a dit lors de sa conférence de presse de ce samedi en compagnie de Paul Bérenger, il s’est entretenu avec Somduth Dulthumun, le prétendument influent président de la Mauritius Sanatan Dharma Temples Federation (MSDTF). Durant la conversation avec Dulthumun, les paroles de Paul Bérenger à l’égard de ce dernier ont été évoquées. Le patron des rouges a également expliqué qu’il rencontrera l’homme fort de la MSDTF à son retour d’Angleterre, début octobre.

Mais pourquoi donc ? Pour obtenir sa bénédiction pour l’alliance PTr-MMM ? Que Dulthumun souhaitait plus avantageuse aux travaillistes ? Ou pour négocier un pacte de non-agression avec celui qui prétend être le berger d’un cheptel de 500 000 hindous [que le président de la MSDTF croit] dociles ?

La deuxième possibilité semble plausible. Car on est en train de vivre une sorte de 2002 bis. Cette année-là, dans le respect de l’accord Medpoint, Paul Bérenger remplaçait sir Anerood Jugnauth au poste de Premier ministre jusqu’en 2005. Les mois précédant le passage de témoin avaient été marqués par une intense campagne visant à dissuader SAJ d’honorer le deal mais aussi d’instiller une peur d’un autre âge chez de nombreux Mauriciens. Homme de parole, le Premier ministre d’alors n’avait pas cédé aux pressions et au chantage.

Douze ans plus tard, la même campagne insidieuse est en cours. On l’entend jusque dans nos shivalas en cette période de Durga Puja. Certains pandits n’hésitant pas, durant leur allocution aux fidèles, à expliquer qu’il leur faut bien réfléchir à leur avenir et ne pas le confier à ceux qui ont eu des esclaves, jadis.

Comment, donc, passer sous silence la directive honteuse en train d’être relayée pour que l’alliance PTr-MMM n’obtienne pas une majorité des trois quarts lors des prochaines élections. Afin que ce bloc ne soit pas en mesure de voter la réforme constitutionnelle. Cantonnant ainsi Paul Bérenger au rôle de vice-Premier ministre et Navin Ramgoolam à celui de chef du gouvernement pour les cinq prochaines années. Un moyen simple mais d’une redoutable efficacité en vue de s’assurer que « pouvwar pa sap dan lame ».

Ailleurs, ce sont les « représentants » d’une autre frange de la population qui abattent également leur Carte C. En effet, Paul Bérenger l’a évoqué à plusieurs reprises. Dans la vidéo qu’ION News met en ligne ce matin, Reza Uteem aborde également le sujet. Une campagne est également en branle dans la communauté musulmane pour que celle-ci obtienne une part jugée davantage acceptable du gâteau dans le cadre de l’arrangement institutionnel rouge-mauve. Faute de quoi, des voix s’élèveront dans la communauté pour appeler à koupe/transe.

C’est dans ce climat délétère que s’engage la première phase de la campagne électorale. Les adversaires politiques sont aux aguets. Les amis d’hier peuvent être cajolés pour le demeurer aujourd’hui encore. Sinon, les ennemis d’ennemis peuvent tout à fait devenir de nouveaux amis. Peu importe si on disait encore tout le mal qu’on pensait d’eux il y a quelques mois.

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