Octobre au plus tard. C’est l’écho qui provient du Prime minister’s Office quand on demande le timing de l’élection partielle à Belle-Rose/Quatre-Bornes (no 18). D’ici là, chaque camp peaufine sa stratégie. Jauge ses chances de victoire. Les surestime parfois de manière éhontée en public. Oublions toutefois les simagrées des uns et les tag lines marketing des autres pour mieux nous projeter au lendemain du scrutin. Car l’ordre d’arrivée des candidats constituera un tournant décisif. Annonciateur de la configuration politique dans laquelle les prochaines législatives se dérouleront. Notamment pour le parti éternellement «plus fort que jamais» : le MMM.

Paul Bérenger n’échappera jamais au procès qu’on lui fait au sujet de son inconstance maladive. Le 29 mars 2014, il jurait qu’une alliance MMM/travailliste était «out, out, out». Trois mois plus tard, les préparatifs des épousailles entre son parti et le Parti travailliste (PTr) battaient leur plein ! Il y a quelques semaines, Vijay Makhan – absent du no 18 aux législatives de 2014 et un 4moyen en 2010 – était présenté comme le candidat favori des mauves. Désormais, c’est Nita Jaddoo – au parcours politique inexistant mais au patronyme de militant «historique» – qui incarne l’espoir de Bérenger.

Ce samedi, sans qu’il soit particulièrement sollicité à ce sujet, le leader des mauves a émis deux sentences. D’abord, le MMM ira seul aux prochaines élections générales. Ensuite : même avec Arvin Boolell à sa tête, il est hors de question que les mauves fassent alliance avec les rouges lors du prochain scrutin national.

Ceux qui prêtent attention aux affirmations solennelles de Bérenger auront noté qu’il ne prend plus une ou deux minutes de ses conférences de presse pour nier toute possibilité de rapprochement avec le MSM. Les «claques» régulières que s’administrent le patron des mauves et celui du parti soleil auraient-elles suffi pour que cette possibilité soit rayée de la liste des reconfigurations possibles d’ici les prochaines législatives ? Non !

Il suffit de se souvenir de la virulence des propos de Bérenger à l’égard de Navin Ramgoolam de début 2013 à début 2014 pour mesurer à quel point la capacité de «tourn paz» de Bérenger est immense. Car il faut le redire : le leader des mauves n’est pas sérieux avec son idée d’aller seul aux législatives. Ses deux options naturelles demeurent une alliance avec un PTr dirigé par Arvin Boolell. Ou alors une nouvelle alliance avec Pravind Jugnauth. Il est difficile, toutefois, de garder les deux options ouvertes. Car leurs conditions respectives s’entrechoquent.

Une alliance avec le PTr de Boolell nécessite une séquence d’évènements. Premièrement, le travailliste doit remporter une victoire nette au no 18, et de préférence sans l’apport décisif de Navin Ramgoolam. Boolell devra ensuite éclipser celui-ci et prendre les rênes du parti. Soit à la faveur d’une condamnation du leader des rouges, disons dans l’affaire Roches-Noires. Ou alors après un clash ouvert entre eux et un soutien sans équivoque des instances rouges à Boolell.

Mais il y a peu de chances que le sort de Ramgoolam soit scellé par la justice avant les législatives. De même, avant de proposer la candidature de son éternel second pour la partielle, le leader du PTr a sans doute minutieusement jaugé la menace que représente une victoire de Boolell pour son leadership. Ainsi, soit Ramgoolam croit son rival désigné incapable de mener une rébellion contre lui. Soit l’actuel chef des rouges pense disposer des soutiens décisifs pour mâter un éventuel putsch au square Guy Rozemont.

Malgré tout le cinéma au Parlement et les mesquineries dites dans les conférences de presse, l’option MSM-MMM ne peut pas, non plus, être écartée. Désormais Premier ministre en exercice, Pravind Jugnauth n’acceptera plus un nouvel accord à l’israélienne avec Bérenger. Or, pour justifier une nouvelle alliance avec le parti soleil, le leader des mauves devra arracher un «deal» intéressant, au moins en investitures. Pour cela, il devra négocier en position de force avec le chef du MSM. Il n’y a que deux façons d’y parvenir.

D’une part, en espérant que l’accumulation de scandales, d’affaires et de gaffes acculent le Premier ministre à un point tel qu’il voie l’alliance avec le MMM comme une bouée de sauvetage pour ne pas sombrer politiquement. Tabler sur le scénario du pire comporte toutefois de sérieux risques. Le principal étant d’être perçu comme coupable par association– ce qui a été le cas avec le PTr de Ramgoolam en décembre 2014.

D’autre part, Bérenger peut espérer ramener un Pravind Jugnauth plus conciliant à la table des négociations en remportant la partielle du no 18. Mais le MMM a peu de chances de réussir cette prouesse. Car Boolell a des atouts et malgré l’option d’une candidature PMSD, Xavier Duval oubliera vite son entente cordiale avec Roshi Bhadain pour offrir son soutien plein et entier au candidat travailliste avec lequel il entretient une solide amitié remontant à leur jeunesse.

Si Pravind Jugnauth n’aurait pas encore complètement renoncé à présenter un candidat à la partielle, il mesure toutefois les bienfaits de laisser l’opposition s’entre-déchirer. Une option que défendent semaine après semaine ses lieutenants. La question qui demeure est donc la suivante : qui Pravind Jugnauth souhaite-t-il voir perdre lors du scrutin à Belle-Rose/Quatre-Bornes ? En fonction de la réponse, le Premier ministre choisira alors de donner un coup de pouce discret afin de s’assurer de la défaite d’un parti ou de l’autre.

L’exaspération des électeurs et le comportement électoral en mutation des jeunes fissurent les murs des partis traditionnels. Pravind Jugnauth, Paul Bérenger, Navin Ramgoolam, Xavier Duval et Arvin Boolell doivent savoir que les prochaines législatives seront probablement le dernier scrutin avant que les formations politiques installées ne s’effondrent. L’énergie du désespoir et leur instinct de préservation les conduiront à tirer les conséquences de la partielle du no 18. Afin de s’assurer au moins un mandat supplémentaire, ils envisageront toutes les alliances possibles. Toutes.

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