« Rien de ce que j’écrirai de factuel ne sera aussi vrai que ma fiction », disait Nadine Gordimer. Son écriture avait permis de révéler au monde ce qu’était l’apartheid. Et, longtemps après la fin de ce régime, de continuer à mettre en exergue la brutalité et la beauté de l’Afrique du Sud. L’écrivaine est décédée hier, dimanche 13 juillet, à son domicile à Johannesburg. Elle avait 90 ans.

Des nombreux ouvrages – romans, collections de nouvelles, essais… – signés de sa plume, on retient ainsi July’s People ou encore My Son’s Story. Récipiendaire du Booker Prize for the Conservationist en 1974 pour The Conservationist, elle obtient le Prix Nobel de littérateure en 1991 pour sa « magnifique écriture épique » qui est « grandement bénéfique à l’humanité ». Certains de ses livres furent interdits sous le régime de l’apartheid, dont Burger’s Daughter et The Late Bourgeois World.

Pour autant, Nadine Gordimer ne se définit pas comme « politique de nature ». « Je suppose, poursuit-elle, que si j’avais vécu ailleurs, mon écriture n’aurait pas été si politique ».

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Photo (Harvard University Gazette) : Les Prix Nobel de littérature Nadine Gordimer, Derek Walcott et Toni Morrison étaient réunis à l’université de Harvard, en 2005, pour célébrer les 70 ans de leur confrère Wole Soyinka.

Très jeune, Nadine Gordimer, fille d’immigrants juifs venus d’Europe (son père était horloger), prend goût à l’écriture. « Apprendre à écrire, dit-elle, m’a fait traverser la surface de la manière de vivre sud-africaine. » Elle a 15 ans quand sa première nouvelle, « Come again tomorrow », est publié dans un magazine de Johannesburg. Les conséquences de l’apartheid, de l’exil, de l’aliénation sur Blancs et Noirs, les injustices qui en découlent, les relations humaines complexes, ont rythmé une majeure partie de ses écrits. Nadine Gordimer, souligne sa famille, « aimait profondément l’Afrique du Sud, sa culture, ses peuples, and son combat incessant pour réaliser sa nouvelle démocratie ».

Nadine Gordimer a été l’une des premières activistes, de surcroît blanche, de l’African National Congress (ANC). Et a milité pour la libération de Nelson Mandela, avec qui elle se lia d’amitié.

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Photo (Louise Gubb/CORBIS SAB via The Guardian) : Nadine Gordimer en compagnie de Nelson Mandela. C’était en 1993.

La Nelson Mandela Foundation s’est dit « profondément attristée par la perte de la grande dame de la littérature de l’Afrique du Sud ». « Nous avons perdu une grande écrivaine, une patriote et une voix forte en faveur de l’égalité et de la démocratie dans le monde », a ajouté la fondation.

Nadine Gordimer s’est aussi fait très critique du gouvernement de Jacob Zuma, notamment en raison d’un projet de loi pour limiter l’accès à des informations jugées sensibles par l’Etat. « La réintroduction de la censure, déclarait-elle le mois dernier, est impensable quand on pense aux gens qui ont souffert pour se débarrasser de la censure sous toutes ses formes. » Elle a aussi mené campagne pour la lutte contre le VIH-Sida en Afrique du Sud.

L’ANC, en apprenant la mort de Gordimer, a salué « une géante inégalée de la littérature dont l’œuvre était notre miroir et une quête éternelle de l’humanité ».

Sources : The Guardian, The Washington Post, BBC, The New York Times – Photo : Victor Dlamini via Daily Maverick

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