Ni wi-fi, ni télévision, ni livre, ni radio… Rien d’autre à faire que de regarder le plafond, allongé sur un lit, ou de se dégourdir un peu les jambes. D’aventure en mésaventure, Kavish (prénom modifié) nous raconte ses 14 jours passés en quarantaine à son retour à Maurice, à la mi-février, suivant le protocole mis en place à cause de l’épidémie du Covid-19.

Employé d’une compagnie de télécommunications au Congo, il ne devait passer qu’une dizaine de jours au pays, au pire deux semaines, le temps de renouveler son passeport égaré lors d’un voyage d’affaires. Mais à son arrivée à l’aéroport Sir Seewoosagur Ramgoolam, le 18 février, ce responsable marketing a été placé en isolement à l’hôpital de Souillac. Cinq jours coupés de tout et de tous sauf le personnel médical, sans rien d’autre à faire que se tourner les pouces.

«Je me suis senti comme un prisonnier», dit l’homme de 36 ans. Sa famille n’est pas autorisée à lui rendre visite à Souillac. Originaire d’un village de l’ouest, elle ne peut non plus se rendre régulièrement au centre de quarantaine d’Anse-la-Raie, où Kavish est transféré à partir du 23 janvier. Ses proches arrivent tout de même à lui faire parvenir quelques effets personnels, dont des produits d’hygiène. Les autorités sanitaires n’ont, en effet, prévu ni savonnette, ni dentifrice pour les hôtes en centres de quarantaine. Seul du papier toilette leur est offert.

Sa famille lui laisse aussi quelques victuailles. Les colis sont déposés auprès d’un agent de sécurité, qui se charge alors de remettre le tout à Kavish. Ces petits paquets de plats fraîchement préparés sont comme du baume au cœur. Et changent des menus quotidiens qui leur sont servis, certes adéquats mais qui varient rarement : du riz et du poulet, parfois du poisson. Une fois ou deux, du riz frit ou du briani. Au petit-déjeuner, du pain beurré et une tasse de thé.

Pour ce qui est de l’hygiène, c’est une autre histoire. Les conditions jugées «convenables» à Souillac se dégradent à Anse-la-Raie. La vue y est agréable, le centre de jeunesse étant situé en bord de mer. Mais le paysage ne peut faire oublier les rats et les chiens errants qui pullulent… Il n’y a ni ventilateur, ni climatisation dans les alles communes qui servent de dortoir, ce qui est incommodant en plein été. Les activités sont inexistantes : il n’y a rien à faire hormis faire le tour de la propriété, discuter avec les autres résidents ou s’allonger.

Comment Kavish s’est-il retrouvé dans une telle situation ? Alors même qu’il maintient qu’il n’était pas dans une zone à risque durant la quinzaine précédant son arrivée.

Sur le formulaire distribué par les autorités sanitaires aux passagers débarquant à Plaisance, Kavish indique qu’il s’est rendu récemment en Chine. Ce voyage remonte à janvier, du 5 au 10, dit-il. Il est ensuite rentré en République démocratique du Congo. Nouveau déplacement une semaine plus tard. Cette fois, direction plus au nord, le Soudan, pour affaires. Kavish y perd son passeport et doit donc faire une nouvelle demande à Maurice.

A l’aéroport de Plaisance, il est transparent sur ses déplacements. Mais sans passeport, comment prouver ses dires ?

Lorsque les résultats de ses tests tombent, c’est le soulagement : négatif. Lui qui pensait pouvoir quitter l’hôpital déchante rapidement. Les autorités sanitaires informent Kavish que le protocole en place est strict et ne permet aucune dérogation. Il devra être maintenu en quarantaine jusqu’à la fin des 14 jours réglementaires. Ses protestations n’y changeront rien, d’autant qu’il n’a sur lui aucun document attestant de ses déplacements récents.

Contacté, un haut fonctionnaire au ministère de la Santé confirme qu’en l’absence de document attestant son itinéraire, Kavish a été placé en quarantaine par mesure de précaution.

Cela n’a pas été sans conséquence pour le professionnel. Son séjour à Maurice ayant été prolongé de force, son employeur n’a pu que s’incliner. Non sans l’avoir informé que les jours supplémentaires passés à Maurice seront déduits de son salaire.

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