Le Permanent Secretary du ministère des Finances est le troisième fonctionnaire à déposer devant la commission d’enquête sur la vente de Britam. La commission s’est penchée, ce 3 août, sur le rôle de Vidianand Lutchmeeparsad dans les négociations pour la vente des actions.

Le PS s’est, en effet, rendu au Kenya en novembre 2015. L’objectif : profiter de sa participation à un séminaire de l’Union africaine pour rencontrer à Nairobi le chairman de Britam Kenya, Peter Munga, son conseil d’administration et Sandeep Khapre, CEO de BDO East Africa et représentant de la firme en Afrique. Cette seconde mission, précise Lutchmeeparsad, il l’a effectuée à la demande du ministre des Finances d’alors, Vishnu Lutchmeenaraidoo, et du secrétaire financier Dev Manraj.

Son mandat était clair : Lutchmeeparsad devait communiquer aux représentants de Britam l’offre de Rs 4,3 milliards faite de la compagnie sud-africaine MMI pour le rachat des actions et négocier une offre similaire ou supérieure. Un mandat précisé noir sur blanc, Lutchmeeparsad a d’ailleurs fourni le document à la commission. Sattar Hajee Abdoula devait toutefois lui faire remarquer que c’était plutôt un «brief».

Pourquoi le PS a dû lui-même remplir cette fonction ? a voulu savoir l’assesseur Sattar Hajee Abdoula. «I just obeyed», a répondu Lutchmeeparsad.

Poursuivant ses explications, le PS affirme que le «body language» de Peter Munga montrait qu’il désaprrouvait la proposition des Sud-africains. Le gouvernement mauricien, lui a dit le PS, a grand besoin de cette somme afin de rembourser l’emprunt contracté auprès de la Banque de Maurice.

Quid des actions de la NIC ?

Britam est une institution financière importante au Kenya avec sa propre vision, a alors interjeté Peter Munga, dont Plum LLP est le véhicule d’investissement a. Une compagnie étrangère, a poursuivi le fondateur d’Equity Bank. Le président du conseil d’administration de Britam et le conseil d’administration se sont alors retirés dans une autre pièce durant quinze minutes.

Après consultation, ils ont alors exprimé la probabilité d’un rachat des actions au même prix que celui proposé par MMI si le gouvernement mauricien leur accorde des facilités de paiement. Les conditions n’ont cependant pas été évoquées.

Le second assesseur Imrith Ramtohul a alors voulu savoir si le rachat était une «probabilité», ce qu’a confirmé Lutchmeeparsad. Selon le PS, Peter Munga a aussi exploré la possibilité de racheter des actions de la National Insurance Company (NIC).

Y a-t-il eu des discussions par rapport à un montant supérieur à Rs 4,3 milliards ? a alors demandé la commission. Non, selon le PS, affirmant que celles-ci étaient axées sur le montant initial.

«Protéger Britam»

Le président de la commission d’enquête s’est alors penché sur le rôle de BDO lors de cette rencontre. Selon Lutchmeeparsad, le représentant de la BDO a agi comme un «facilitateur».

De retour à Maurice et après avoir consulté Lutchmeenaraidoo et Manraj, le PS a alors adressé un mail aux représentants de Britam, leur communiquant l’aval du gouvernement mauricien quant au rachat des actions avec des facilités. Ces derniers, a précisé le haut fonctionnaire, devaient cependant adresser une demande formelle au gouvernement mauricien à cet effet.

Après la lecture du procès-verbal de cette rencontre, Sattar Hajee Abdoula a voulu savoir ce que voulait dire Peter Munga par «protéger Britam». Lutchmeeparsad a alors expliqué que Peter Munga ne voulait pas «d’ingérence» d’une compagnie sud-africaine. «BAI was not interfering?» a alors demandé l’assesseur. Le PS a indiqué ne pas être en mesure de répondre.

Son implication dans la vente de Britam s’est arrêtée à l’envoi de ce mail aux représentants de Britam, a déclaré Lutchmeeparsad. Le PS s’étant vu confier la responsabilité de la vente d’Apollo Bramwell. Quant au dossier de la vente de Britam, il a été transféré au ministère des Services financiers.

«Cosmetic meeting»

Après une pause de cinq minutes, les travaux de la commission en ce 11jour ont repris avec l’audition de Prityea Chennen, secrétaire du conseil d’administration de National Property Fund Ltd.

Cette dernière, présente à la première réunion concernant le rachat de Britam, a dû fournir le procès-verbal qu’elle a rédigé.

La commission s’est alors dit intriguée par le contenu du compte-rendu. Cette réunion s’est tenue le 20 juin 2016 mais le conseil d’administration de NPFL et BDO ont été prévenues trois jours avant, soit le vendredi 17. Selon la commission, il est inhabituel que des réunions d’une telle envergure soient organisées dans un délai aussi court. Sattar Hajee Abdoula, haussant le ton, s’est même dit convaincu que la Companies Act précise un délai minimum pour notifier les membres du conseil.

Analysant le procès-verbal, la commission a alors interrogé la secrétaire sur les schémas y figurant. Selon Sattar Hajee Abdoula, il est inhabituel que des schémas y figurent. Autre fait troublant pour la commission, Prityea Chennen dit avoir elle-même rédigé le procès-verbal. Or, les discussions prévues à l’agenda de la réunion n’y figurent pas.

La secrétaire de la NPFL n’a pas été en mesure de fournir des explications à cet effet.

Selon Bushan Domah, ce procès-verbal «a l’air d’avoir été préparé par des techniciens expérimentés». Selon le président de la commission d’enquête, la réunion du 20 juin 2016 était un «cosmetic meeting to get the documents roll on».

La secrétaire devra fournir ses notes manuscrites du procès-verbal de la dernière réunion concernant Britam, qui s’est tenue en juillet 2017, n’étant plus en possession de celles de la réunion du 20 juin 2016.

Pour Domah, la commission d’enquête ne reprendra pas ses travaux avant au moins deux semaines. Bushan Domah ainsi que les deux assesseurs Sattar Hajee Abdoula et Imrith Ramtohul examineront d’ici là l’ensemble des documents qui leur ont été fournis.

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