Dans le dernier rapport du bureau de l’audit rendu public mardi, la dette publique (Public Sector Debt) a augmenté de Rs 320,6 milliards au 30 juin 2019 à Rs 381,8 milliards au 30 juin 2020, ce qui représente une hausse de 19 %. La dette par rapport au PIB a augmenté de 65,3 % à 83,4 %. Sur une base nette, la dette par rapport au PIB était de 70,4 % au 30 juin 2020.
Les revenus de l’Etat ont chuté de près de Rs 6,3 milliards, passant de Rs 95,5 milliards en 2018-2019 à Rs 89,2 milliards en 2019-2020. Les dépenses du gouvernement ont également subi les effets de la pandémie. Ainsi, les dépenses ont connu une hausse de Rs 32,2 milliards sur l’année, ce qui représente une augmentation de 26 %.
Les gouvernements dépensent de l’argent pour les soins de santé, l’éducation, les infrastructures, les transports et une multitude d’autres services et biens. Mais pourquoi les gouvernements doivent-ils emprunter de l’argent ? Parfois, les recettes fiscales sont inférieures aux prévisions et, en empruntant, l’État peut combler ce manque à gagner temporaire sans réduire ses dépenses. Parfois, le manque à gagner n’est pas temporaire et le gouvernement présente un déficit structurel. Mais aussi dans des situations comme celle d’aujourd’hui, avec une pandémie d’une ampleur qu’on n’a pas connue depuis plus de 100 ans, et qui ainsi menace la vie et les moyens de subsistance de millions de personnes dans le monde entier. Pour soutenir l’économie malgré les mesures de confinement et autres mesures de lutte contre la maladie, les gouvernements ont dû emprunter, voire emprunter beaucoup. Chez nous, ce n’est pas une exception et nous en avons fait de même. Le FMI a indiqué dans son Fiscal Monitor Report du 11 septembre dernier que les dépenses budgétaires engendrées par la pandémie s’élevaient globalement à 11 700 milliards de dollars. Ce chiffre – auquel s’ajoutent toutes les mesures supplémentaires de relance économique – devrait porter la dette publique mondiale totale à un niveau record d’environ 100 % du PIB, contre environ 83 % en 2019. Ce ratio, ajoute le FMI, sera maintenu jusqu’en 2025 au moins.
L’île Maurice étant fortement dépendante du tourisme, le pays a subi les répercussions de la pandémie avec un effet multiplicateur sur l’ensemble de l’économie. Le tourisme et ces autres activités indirectes contribuent à environ 15 % du PIB. Le premier ‘lockdown’, avec un arrêt complet des activités durant pratiquement deux mois a été catastrophique pour le pays. N’oublions pas que notre PIB a perdu 15 % sur l’année 2020.
La seule façon de sortir le pays de l’endettement maintenant semble être… plus de dettes. « Le niveau élevé de la dette publique ne constitue pas le risque le plus immédiat », a récemment déclaré un haut responsable du FMI. « La priorité à court terme est d’éviter une disparition prématurée de l’appui budgétaire. Cette aide devrait persister au moins jusqu’en 2021 pour soutenir la reprise et limiter les cicatrices à long terme. » Les contre-mesures d’urgence, a-t-il dit, doivent continuer à être déployées pour rétablir les disparités du marché financier et la consommation, soutenir la santé et l’éducation, fournir une bouée de sauvetage à des millions de personnes vulnérables et les empêcher de tomber dans la pauvreté.

Maurice reste l’un des rares pays à avoir agi rapidement et à avoir mis en place un mécanisme de support très élargi, notamment l’aide salariale, les allocations aux travailleurs indépendants et le maintien à flot du secteur du tourisme grâce à plusieurs mesures. La façon dont les décideurs politiques gèrent la récession mondiale provoquée par cette pandémie explique également le scepticisme de nombreux économistes lorsqu’il s’agit d’établir un ratio dette/PIB fixe.

Un pays comme le Japon a été capable de maintenir une dette supérieure à 200 % du PIB pendant plus d’une décennie. Même si un tel niveau d’endettement n’est certainement pas sain. Rien que cette année, l’Argentine et l’Équateur – dont les ratios d’endettement représentent environ la moitié et un tiers de celui du Japon – n’ont pas pu respecter leurs obligations. Si le montant de la dette est important, la capacité à effectuer les paiements l’est encore plus. La question de savoir à qui l’on doit de l’argent est également cruciale. La majeure partie de la dette du Japon est interne – ce qui signifie que la dette du pays est détenue par ses propres citoyens – ce qui réduit considérablement le risque de ‘default’. De nombreux autres pays ont des dettes essentiellement envers des créanciers étrangers. Ici, notre dette est en majorité locale.

Alors, quel montant de dettes reste raisonnable ? Il y a rarement du consensus parmi les économistes : certains – tout en convenant que les comptes nationaux doivent être contrôlés – rejettent l’idée qu’il existe un ratio optimal ‘one size fits all’ de la dette par rapport au PIB. D’autres économistes affirment que les effets négatifs sur la croissance économique commencent dès que la dette nationale atteint environ 60 % du PIB dans les économies en développement et émergentes et environ 80 % dans les nations développées, tandis que d’autres disent que 40 % et 60 %, respectivement, sont des seuils prudentiels dont il faut se méfier.
Lorsque les taux d’intérêt sont bas et qu’un pays connaît un ralentissement économique, emprunter de l’argent peut être une option plus intéressante sur le plan politique et économique que d’augmenter les impôts, ce qui peut nuire à la croissance. Emprunter pour financer les dépenses publiques exige un équilibre délicat. Ce faisant, on peut soit favoriser la croissance, soit entraîner des déséquilibres budgétaires qui l’étouffent. Le FMI estime qu’une augmentation de seulement 1 % du PIB en investissements publics dans les économies avancées et les marchés émergents pourrait accroître la productivité de 2,7 % et l’investissement privé de 10 %. La dette, donc, semble être un pont à franchir pour sortir de cette crise.

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