Un indice de 2,76 sur 5. C’est le score global qu’affiche Maurice au tout dernier sondage Afrobaromètre sur la tolérance en Afrique, qui a été rendu public ce 1er mars. Ce sondage a été réalisé au niveau de 33 pays du continent africain, dont Maurice, auprès de quelque 50 000 personnes*. Les questions qui ont cette fois intéressé les auteurs de cette étude (l’Afrobaromètre est réalisé chaque deux ans sur une thématique différente) sont centrées autour de la tolérance : vis-à-vis de différents groupes ethniques, de diverses religions, des immigrés et travailleurs étrangers, des personnes vivant avec le VIH-sida et des homosexuels.
Pour Maurice, c’est StraConsult qui a été chargée de mener les entretiens auprès d’un échantillon de 1 200 personnes. Un nombre qui correspond aux règles d’échantillonnage national, souligne Amédée Darga, Managing Director de la société, pour ce « sondage d’opinion et de perception ».
Diversité ethnique et religieuse
Maurice affiche un haut degré de tolérance en ce qui concerne la diversité ethnique et religieuse, avec un score de 93% et de 94% respectivement. Soit au-dessus de la moyenne globale qui est de 91% (ethnies) et de 87% (religions). Un score qui n’étonne pas outre mesure Amédée Darga. « Les Mauriciens ont depuis longtemps une très grande tolérance sur la diversité des religions. » Cette tendance, selon notre interlocuteur, « ira en s’accentuant ».
Immigrés et travailleurs étrangers
Notre score pique toutefois du nez pour ce qui est des immigrés et des travailleurs étrangers : 66%. Soit bien en dessous de la moyenne de 81%. Ce qui nous vaut une place dans le trio qui ferme le classement sur cette question, avant la Zambie (64%) et le Lesotho (57%) mais après le Maroc, dont le score est égal au nôtre, Madagascar (67%) et l’Afrique du Sud (68%). Le Cap Vert domine le classement sur la tolérance envers les immigrés et les travailleurs étrangers avec 94%.
Qu’est-ce qui peut expliquer la frilosité du tiers de Mauriciens sur cette question ? « Ils se sentent menacés », estime Amédée Darga, cela malgré le fait d’avoir, « depuis longtemps, intégré la présence, voire la nécessité des travailleurs étrangers ». Une réaction « normale », dit-il, et que l’on retrouve ailleurs. Et qui s’explique aussi peut-être, poursuit-il, par le fait que dans certains secteurs, « notamment le tourisme, au niveau managérial, ils pensent que la présence des étrangers a été de très longue durée ».
VIH-Sida
Qu’en est-il des personnes vivant avec le VIH-sida (PVVIH) ? Maurice affiche 53%, entre la Tunisie et le Nigéria, à 15 points de la moyenne. Très loin des 96% du Botswana, durement touché par l’épidémie : 25,2% des 15 à 49 ans sont des PVVIH (chiffres de l’Onusida datant de 2014).
Les auteurs du sondage sur la tolérance notent une « forte corrélation entre l’acceptation des PVVIH et le taux national de prévalence de la maladie ». Amédée Darga souligne, lui, que contrairement à d’autres pays africains, le taux de prévalence à Maurice est peu élevé. Par conséquent, cela reste pour les Mauriciens un « phénomène ‘marginal’ ».
Cependant, avance le Managing Director de Straconsult, il y a aussi la perception pour une partie du public que le VIH-sida est lié à la consommation de drogue. « Ils pensent que les PVVIH sont des drogués et que les drogués sont susceptibles d’être une menace. » Un amalgame « malheureux » qui influe négativement sur leur perception, dit Amédée Darga.
Homosexualité
Les Mauriciens sont-ils plus tolérants envers les homosexuels ? Moins de la moitié : 49%. Si ce chiffre semble bas, le pays figure pourtant dans le top 8 pour cette question. « Il y a moins de tolérance dans la plupart des pays africains envers les homosexuels », modère Amédée Darga. Certes, poursuit-il, plus d’un Mauricien sur deux est moins, voire pas tolérant envers les homosexuels. « Là encore, je pense qu’il s’agit de perception, que la personne homosexuelle pourrait avoir des comportements qui posent problème aux autres personnes dans son environnement. »
« Prendre acte »
Maurice obtient donc une note globale de 2,76, en-deçà de la moyenne (3,08). Et se retrouve presque en toute fin du classement aux côtés de Madagascar, du Maroc, de la Tunisie et du Niger. « On ne peut que prendre acte de cela », déclare Amédée Darga pour qui cela vient « alerter sur l’état d’esprit dans notre société ». Et, peut-être, aider à améliorer « certaines perceptions pas correctes pour le vivre-ensemble ».
Pour les auteurs du sondage sur la tolérance, « l’éducation, la proximité et une couverture médiatique sont les principaux moteurs pour accroître la tolérance sur le continent ». Les attitudes et les valeurs n’étant pas « immuables », mais pouvant être appris et désappris. Un avis que partage Amédée Darga qui souligne que le travail d’information, à travers les médias et des mouvements associatifs, doit se poursuivre. « Ce n’est pas une question politique, ce n’est pas une question de gouvernement, c’est une question de société ».
Le sondage peut être consulté dans son intégralité ici.
*A noter que ce sondage n’a pas été mené en Algérie, en Egypte et au Soudan, les questions sur la tolérance envers les homosexuels ayant été jugés trop sensibles.
Facebook Comments