Un article de presse mentionne le dépôt de plainte d’une femme victime d’agression sexuelle, 40 ans après les faits. Elle a été violée par son frère quand elle avait 14 ans.

Cet article circule sur le Web et les commentaires sont inquiétants tant ils sont empreints de jugement et de méconnaissance.

On peut lire : « li fol sa madam la » ou « 40 ans apres ?» ou « bour li dan mental ».

Heureusement que d’autres s’opposent à ce genre de propos dénigrants en soutenant cette femme.

Le poids du secret que porte une personne victime depuis des années est accablant. Briser le silence est le premier pas vers un mieux-être.

Il est très difficile pour des personnes victimes d’agression sexuelle de parler des abus subis. Difficile d’en parler et de dénoncer l’agresseur pour plusieurs raisons.

  • D’abord parce que ce type d’agression relève de l’absurde, de l’impensable. Utiliser un enfant pour avoir du plaisir sexuel est difficile à imaginer, à entendre et à verbaliser.
  • De plus, l’agresseur sexuel est, dans 94 % des cas, quelqu’un de proche de l’enfant, selon l’Unicef France et l’Association Mémoire traumatique en mars 2015. On peut plus facilement imaginer et entendre qu’un inconnu a agressé un enfant.

Mais comment penser qu’une personne proche, supposée aimer et protéger un enfant, l’agresse sexuellement ? Il est difficile d’imaginer qu’un frère viole sa sœur. Difficile de penser l’inceste. Et difficile de le mettre en mots.

  • La personne victime peut garder le silence à cause de la peur :

– peur des représailles, des menaces de l’agresseur : de suicide, d’aller en prison…

– peur d’être jugée par l’environnement

– peur de ‘briser la famille’, propos tenus à la personne victime comme si c’était elle la coupable. Or, une famille dans laquelle il y a des agressions sexuelles est déjà dysfonctionnelle. Révéler les abus ne la brise pas, au contraire, elle l’assainit.

– La peur de ne pas être crue a une place importante aussi du fait de la proximité du pédocriminel et car il n’y a pas forcément de preuves matérielles dans les cas d’abus sexuels.

  • La pression sociale et familiale que ‘dimoun pou koz nou koze’ ou des ‘il n’y a pas ça dans notre milieu’, outre le tabou autour du sexe et des violences sexuelles est un facteur important dans le silence sur les abus subis. L’agresseur est alors protégé et les enfants continuent d’être victimes…
  • Les sentiments de honte et de culpabilité ont un impact important. C’est douloureux et gênant pour une personne victime de venir décrire les agressions sexuelles subies. La notion de culpabilité ressentie par l’enfant victime est renforcée par l’abuseur qui insiste sur le fait que l’enfant l’a séduit, sur le plaisir éventuel ressenti, sur le fait que la victime n’a pas dit ‘non’. Souvent, vu les liens avec l’agresseur et la manipulation, l’autorité abusive de celui-ci,  l’enfant ne peut pas se défendre et refuser ce qui lui est imposé.  L’enfant se sent impuissant et pris au piège, (Summit 1983)
  • Dans les situations d’agressions sexuelles, traumatismes pour l’enfant mineur en construction, des mécanismes de défense sont mis en place inconsciemment par la victime pour se protéger de cette immense souffrance. Le déni, la dissociation ou la sidération font que la personne victime ne puisse plus réagir, se défendre, crier ou s’enfuir. Dr Muriel Salmona, psychiatre et psychothérapeute, écrit en mars 2014 : « L’agresseur qui isole, terrorise la victime va créer chez elle un sentiment de frayeur, de perte de repères, parfois même un sentiment de danger de mort qui la sidère. Cette sidération empêche de contrôler le stress extrême éprouvé et le cerveau va disjoncter puisqu’il ne parvient pas à moduler la réponse émotionnelle. »

Les agressions sexuelles sur les enfants sont illégales.

Elles doivent être signalées et prises en charge par la Loi de la République.

Les conséquences de tout abus sexuel sont graves.

Les recherches sur cette problématique expliquent les révélations tardives des personnes victimes. En parler libère, même des années après.

Informons-nous au lieu de juger les personnes victimes qui arrivent enfin à briser le silence et qui ont le courage de dénoncer les abus sexuels subis.

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