Comment définir les relations interpersonnelles dans cette ère de technologie, souvent qualifiée de « communication » dans laquelle nous vivons ? Communication qui se déroule, en temps conséquent, voire majoritaire, par sms, mail, BBM, WhatsApp…

Où est la place de l’être humain, de la relation en « one to one » ? Dans cette ère où règnent rapidité, facilité de contact, mais aussi quantité et peut-être parfois superficialité de ce qui est appelé « relation » ?

Pour Picard et Marc (2000), la relation désigne la forme et la nature du lien qui unit deux ou plusieurs personnes. Elle implique une relative stabilité, s’inscrivant dans une certaine durée. La relation est un lien objectif (contact, interaction) et un lien subjectif (ressenti). Elle est professionnelle, familiale, amicale, de voisinage. Une relation se constitue, se développe et évolue à travers la communication. Verbale et non verbale. Il est donc difficile de parler de relation interpersonnelle sans passer par la communication.

Communiquer vient du latin communicare qui signifie « être en relation avec ». Cette ère de technologie, de communication est-elle vraiment une ère de relations ?

Abric (2001) définit la communication comme « l’ensemble des processus par lesquels s’effectuent les échanges d’informations et de significations entre des personnes dans une situation sociale donnée ». Une situation sociale implique des relations interpersonnelles. Des êtres humains en interaction.

Les outils technologiques, Internet, permettent de passer facilement, rapidement un message, des images. De partager des instants de vie. Ils permettent de maintenir un lien malgré la distance. Lien précieux dans et pour les relations.

La fréquence et la nécessité de garder ce lien seraient associées à l’attachement du petit enfant à son parent responsable de soins et de sécurité, selon Serge Tisseron, psychiatre et psychanalyste (2008). L’attachement permet à un enfant d’être sécurisé, en confiance et de se sentir protégé. Un attachement approprié permettrait de se séparer plus facilement de la personne responsable de ses soins de base, le plus fréquemment la mère.

Un attachement de base inapproprié accroîtrait la dépendance de l’adulte à son téléphone. Véhicule de plusieurs canaux de communication : oraux et écrits (sms, mails, etc.)

Le téléphone pourrait donc être un « téléphone-doudou », pour reprendre l’expression de Tisseron, outil de réassurance, presque synonyme de l’interlocuteur.

Ou être un simple vecteur de communication pour garder contact.

Les téléphones actuels sont en majorité des « mobiles » ou « portables » permettant que plusieurs actes soient effectués simultanément. Est-ce une réelle attention aux propos de l’autre quand, en pleine conversation, on fait plusieurs choses en parallèle ? Et ce, même si on est multitâche.

Communiquer par sms, chat, à travers un téléphone ou derrière un écran est positif, certes. Cela suffit-il pour autant ?

Dans la communication, le non-verbal occuperait 5 fois plus de place que les mots (Argyle 1971), voire même 90 % (Blanc, 1998). Comment donc ressentir tout ce qui se transmet à travers les mimiques et la gestuelle, par le biais d’un outil étant lui-même écran ? L’écran se définissant comme une barrière, une distance, une projection d’image.

L’écran peut aussi servir à se cacher. Tellement plus simple de rester derrière un écran que de faire face à l’autre, à ses mimiques, à sa gestuelle, à ses sentiments…

La communication, la relation impliquent des êtres humains. Et tout ce qui les compose comme facteurs psychologiques, sociaux, cognitifs et biologiques. Et pas juste des « contacts » ou des « friends » sur Facebook.

Etre en relation, c’est aussi voir, sentir, écouter en regardant, toucher.

L’ère de technologie facilite la transmission d’informations, certes. Elle facilite la communication. Mais on peut aussi questionner la qualité et la profondeur de la communication, et de la relation, qui y sont véhiculées. Notamment si elles ne s’effectuent qu’à travers des outils technologiques.

Notes : Théorie de l’attachement de Bowlby 1969.

Jean-Claude Abric, Picard, Dominique & Marc Edmond sont professeurs de psychologie respectivement à Aix, Paris X et Paris XIII.

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