Fait marquant : les deux blocs proposent une nouvelle politique énergétique. Ils affirment épouser le concept Maurice Ile Durable (MID). L’Alliance Lepep (AL) fait sien le sigle « MID ». Si pour elle, il faut des consultations avec les « stakeholders », pour l’Alliance de l’unité et de la modernité (AUM), l’objectif actuel de 25% du mix énergétique (électrique ?) d’ici2020 est toujours d’actualité. Aucune mention n’est faite du seuil à atteindre au-delà du prochain quinquennat. Toutefois, il est précisé que la bagasse, la biomasse, le solaire, l’éolienne et la « marée » motrice seront encouragés. S’agirait-elle d’une erreur de texte en ce qui concerne cette dernière, au lieu de l’énergie des océans ?

L’AUM précise que les « projets privés » seront facilités, ce qui ne manquera pas de rassurer certains et d’effrayer d’autres à l’heure où le CEB a besoin de repenser son avenir. L’AL parle de « coopératives » s’engageant particulièrement dans le solaire, promettant aussi un actionnariat gratuit dans l’industrie cannière. Elle préconise aussi l’installation « obligatoire » de photovoltaïques sur les nouveaux bâtiments, mesure qui demande à être élaborée. L’autre bloc pense continuer avec les subventions sur les chauffe-eau solaires.

L’AUM se démarque avec une politique énergétique qui sera introduite pour « promouvoir les économies d’énergie » et cite des « incitations pour les foyers et les entreprises ». Elle évoque aussi l’émergence d’un réseau intelligent. Autre idée de l’AUM est la fondation d’un « pilier économique constitué des initiatives visant à améliorer notre mix énergétique par le développement des énergies vertes ». Le stockage d’énergie est même donné en exemple. Si l’AUM préconise l’utilisation du bioéthanol cannier dans les véhicules, l’AL inclut, par contre, la production de rhum « agricole à forte valeur ajoutée ». Elle mentionne des revenus accrus sur la mélasse et la bagasse pour les petits et moyens planteurs.

Les deux blocs reviennent sur le régulateur tant attendu et l’AUM y ajoute aussi l’Electricity Act, se référant peut-être à une nouvelle loi-cadre. Si l’AL ne prend pas position sur les projets immédiats, l’AUM inclut les 4×15 mégawatts de St-Louis et oublie CT Power.

L’AL va au-delà de la construction de capacités de stockage de carburants pour parler de « prospecter sérieusement la présence de pétrole et de gaz dans nos eaux territoriales ». Une idée qui interpelle quand nous savons ce qui se passe au niveau des nouvelles exploitations en Afrique, et ailleurs, avec la baisse du prix du brut. L’AL ne dit pas comment elle réconciliera cette activité avec le concept MID. Autre différence : alors que l’AL dit revoir le projet de métro-léger, l’AUM se prononce pour son lancement sans identifier la source d’énergie qui l’alimentera. Par contre, l’AL fait mention de la « duty free island » sans évoquer de nouveau l’impact écologique et consumériste d’une telle démarche.

L’AUM inclut aussi la capture de gaz d’enfouissement à partir de cellules nouvellement construites au centre d’enfouissement de Mare-Chicose pour la production d’électricité. Est-ce une mesure à moyen et long termes ? Quid de la gestion intégrée des déchets et des autres projets « Waste-to-Energy » ? Autre mesure de l’AUM qui risque d’avoir des implications significatives sur notre politique énergétique et l’utilisation du charbon et des produits pétroliers : un Clean Air Act.

Constat

Il est dommage qu’aucun des deux blocs ne se positionne catégoriquement pour l’élimination graduelle du charbon afin de sortir d’un « lock in », ni pour la décentralisation/démocratisation de la production électrique selon un programme chiffré, ni encore pour la promotion des moyens de déplacement et des bâtiments basse-énergie à l’instar des agglomérations durables modernes. Ce sont là des mesures qui peuvent avoir un effet multiplicateur et transformer notre paysage énergétique.

L’AUM fonde son programme un peu sur une continuité par rapport au contexte actuel alors que l’AL peine à innover dans un secteur politiquement sensible, économiquement vital et écologiquement vulnérable. Aucune référence au changement climatique n’est retenue par l’AL. Même si les deux blocs se réfèrent à la vision MID, il n’est pas clair s’ils se donnent adéquatement les moyens afin de vulgariser ce concept parmi les « stakeholders », encore moins encore au niveau de la population.

Il faudra avoir à l’œil le financement des partis politiques, voire de certains candidats qui font campagne presque séparément, par ceux qui ont des intérêts dans le secteur énergétique. Le concept de « good energy governance » doit être appliqué après les élections et l’octroi des contrats doit se faire en toute transparence. L’enjeu énergétique de ces élections dépasse la polémique interminable autour de CT Power. Nos décideurs peuvent-ils trancher à la lumière de critères objectifs et résister aux lobbies sectaires, économiques ou simplement au devoir de retourner l’ascenseur ?

Après les élections, il faudra une vigilance citoyenne pour veiller à ce que la politique énergétique ne soit l’otage ni de puissants capitalistes, ni de groupes socio-culturels et ni encore de ceux qui ont rendu des services pendant la campagne. L’intérêt de la nation, le bien commun, la santé de la population et la protection de l’environnement pour l’avenir de nos enfants doivent primer sur les « vested interests ». Dans un esprit d’équité, un « level playing field » doit émerger dans le secteur énergétique. Les décisions doivent être motivées en fonction d’éléments rationnels établis au préalable et connus de tous.

Conclusion

Lequel des deux blocs est en position de nous rassurer sur cette question de gouvernance énergétique ? Il ne suffit pas de promettre des montagnes ou de changer les hommes. C’est un système qu’il faut virer.

Il convient aussi de se méfier des populistes, opportunistes, cyniques et extrémistes de toutes sortes qui exploitent la frustration et l’indignation du peuple et qui n’ont aucune proposition concrète. Ils nous font croire qu’ils sont meilleurs en soulignant les erreurs des autres, pire : en les traînant dans la boue. Or, ils ne remettent nullement en question le système et sont loin de pouvoir le transformer. Ils sont dangereux car ils empêchent tout changement de l’intérieur.

Lequel des deux blocs est digne aussi d’une confiance qui transcende les clivages de communautés, de classes et de générations ? Car notre avenir énergétique ne peut être fondé que sur une vision d’unité, de partage et de respect, y compris vis-à-vis de l’environnement.

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