Muhammad Zubair, 37 ans, lynché par une foule lors des émeutes à New Delhi. Photo: Danish Siddiqui/Reuters

 

Les violences qui ont éclaté entre hindous nationalistes et musulmans à New Delhi ont fait 47 morts et plus de 200 blessés, selon la presse indienne. Les quartiers nord-ouest de la capitale indienne ont été le siège des attaques contre les musulmans. Récit de Mauriciens qui y résident.

Armés de pierres, d’épées ou de pistolets, des centaines d’émeutiers et supporteurs du Bharatiya Janata Party (BJP) ont semé le chaos dans des quartiers de New Delhi à majorité musulmane. Ces violences ont éclaté alors que le président des Etats-Unis d’Amérique, Donald Trump, était l’invité du Premier ministre indien Narendra Modi, fin février. Aucun blessé n’est à déplorer chez les ressortissants qui s’y trouvent. Même si certains étaient au plus près des violences. A l’exemple de Yashveer Joggessur.

Cet étudiant en dernière année de philosophie à l’université de Delhi habite l’un des quartiers du Nord-Ouest qui avait été la cible de manifestants. Ce soir-là, il trouve refuge chez un ami en attendant que l’atmosphère s’apaise. Toutefois, le métro était hors service pendant quelques jours pour limiter les mouvements des émeutiers. Se rendre en classe relève alors du parcours du combattant. Les routes sont également fermées la nuit.

Entre-temps, l’université de Delhi a décidé de repousser les examens de mi-semestre de quelques semaines.

Les émeutes qui ont démarré le dimanche 23 février ont pour toile de fond les amendements à la loi sur la citoyenneté adoptés en décembre dernier, jugés discriminatoires vis-à-vis des personnes de foi musulmane.

Les quartiers de Babarpur, Bhajanpura, Brahmpuri, Chand Bagh, Gokulpuri, Gorakh Park, Jafrabad, Kabir Nagar, Karawal Nagar, Khajuri Khas, Kardampuri et Maujpur ont été le théâtre de violences. Des maisons et des commerces ont été brûlés, une femme de 85 ans est morte dans sa maison en prise aux flammes, des dizaines de personnes ont été tirées de force de leurs maisons. Des habitants ont été battus, voire lynchés à mort dans les rues. Sans que la police n’intervienne dans les premiers temps.

Le calme est revenu depuis, assure Yashveer Joggessur. Mais du côté de Jamia Nagar, l’inquiétude demeure et s’intensifie, selon Rouksaar (prénom modifié), inscrite à l’université de Jamia Millia Islamia. Il y a quelques jours, des rumeurs circulaient que des gros bras associés au parti au pouvoir s’attaqueraient à cette localité. Apeurés, les habitants de la région ont fui leurs maisons. D’autres, munis de bâtons, ont décidé qu’ils allaient rester et défendre leur localité, soutient notre interlocutrice.

Dans la ruée, un homme a perdu la vie. Les circonstances entourant sa mort demeurent floues, indique Rouksaar. Le nombre d’agents de sécurité autour de l’université de Jamia Millia Islamia, poursuit-elle. Pour rappel, les étudiants de l’université de Jamia sont les premiers à avoir protesté contre la Citizenship (Amendment) Act (CAA), fin décembre. (la suite après la photo)

Des quartiers ont été incendiés par des émeutiers dans le nord-est de Delhi. Photo : Atul Loke/The New York Times

 

Pour Prithivee Chandrahans Rawoo, étudiant en science politique à l’université de Delhi, les émeutes sont le résultat de discours haineux prononcés par certains politiciens. Les régions attaquées sont à majorité musulmane, fait-il ressortir. En ajoutant que les hindous qui sèment la terreur ne viennent pas de ces quartiers mais d’ailleurs. D’ailleurs, les hindous de ces quartiers ont aidé leurs voisins musulmans en les cachant lors du passage des émeutiers ou encore en accueillant ceux qui n’avaient plus de toit.

Selon la presse locale, Kapil Mishra, membre du BJP, a mis le feu aux poudres. Lors d’un rassemblement politique le 23 février, il a exprimé sa colère contre les manifestants qui protestent contre la loi de citoyenneté et lancé un ultimatum aux forces policières. Il leur a demandé de débarrasser les routes des opposants à la CAA ou il s’en chargerait lui-même.

Le 29 février, Kapil Mishra a participé à une marche pacifique contre les violences communales qui secouent la capitale indienne, où le BJP a perdu les élections locales. Le Premier ministre indien a fini par lancer un appel au calme via son compte Twitter.

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