C’est le « grand jour de la démocratie », comme l’a écrit Jim Bendat, historien et auteur de Democracy’s Big Day : The Inauguration of Our President 1789-2013 (iUniverse, 2013, non traduit), un livre qui revient sur plus de deux cents ans d’investitures des présidents des Etats-Unis. Un rituel qui tient à la fois de la fête, du spectacle et de la cérémonie.

La date et l’heure sont fixées par l’article premier du 20e amendement à la Constitution, qui dispose que « les mandats du président et du vice-président prennent fin à midi le 20 janvier ». Tous les quatre ans, elle se déroule sur les marches du Capitole, sur son front ouest, face aux pelouses du National Mall, à Washington. Des centaines de milliers de spectateurs bravent le froid et s’y pressent pour assister au transfert pacifique et courtois des pouvoirs entre le président sortant et son successeur.

Mais cette année, le déroulé de la cérémonie d’investiture – la 59de l’histoire – a volé en éclats. En raison de la pandémie de Covid-19, qui a déjà fait plus de 400 000 morts aux Etats-Unis, de l’attitude du président sortant, Donald Trump, et du risque d’actions de ses partisans, la cérémonie va se tenir dans le cadre d’un cordon sanitaire et sécuritaire.

  • Double menace sur l’investiture

Des membres de la garde nationale, à Washington, le 18 janvier 2021.

Dès le mois de décembre, le comité d’organisation de l’investiture avait prévenu qu’en raison du Covid-19 il serait difficile d’assister en personne à cette cérémonie. L’essentiel des manifestations se tiendra sans public, sera retransmis à la télévision et en ligne, à l’instar de la convention démocrate, au mois d’août.

Après l’assaut sur le Capitole le 6 janvier, la police a multiplié les mises en garde et affirmé que les menaces de nouvelles attaques armées de la part de groupes d’extrême droite étaient réelles. Près de 25 000 réservistes de la garde nationale – soit cinq fois le nombre de militaires américains actuellement stationnés en Irak et en Afghanistan – ont été mobilisés pour protéger l’événement.

Le président élu, Joe Biden, et sa vice-présidente, Kamala Harris, seront investis dans une capitale transformée en camp retranché, aux axes routiers barrés, avec un Mall grillagé dans un périmètre quadrillé par les agents du Secret Service, du FBI et de la police, venus de tout le pays, en plus des réservistes de l’armée.

De fait, le National Mall, immense esplanade menant du Washington Monument au Capitole, sera fermé au public. A la place, un champ de quelque 200 000 drapeaux représentera les citoyens qui n’ont pu faire le déplacement.

Le champ de drapeaux, sur le Mall, à Washington, le 18 janvier 2021.

Dans ces conditions, la cérémonie risque d’être la plus réduite depuis celle de Franklin D. Roosevelt. En janvier 1945, quelques milliers de personnes y avaient participé, dans et aux abords de la Maison Blanche, en raison de la santé déclinante du président et de la poursuite de la seconde guerre mondiale.

  • Une cérémonie allégée

Pour Joe Biden et Kamala Harris, les choses sérieuses vont commencer aux alentours de 11 h 30 à Washington (17 h 30, heure de Paris). Ils seront entourés des anciens présidents Bill Clinton, George W. Bush et Barack Obama et leurs épouses respectives, ainsi que des membres du Congrès, qui auront le droit à un invité chacun. Et ils entendront l’hymne national, The Star-Spangled Banner, entonné par la pop star Lady Gaga, suivi d’une performance musicale par la chanteuse latina Jennifer Lopez et l’artiste country Garth Brooks et d’une courte prière.

Ensuite, comme le veut la tradition – il s’agit d’une coutume, pas d’une obligation –, Joe Biden prêtera serment à midi, la main posée sur une bible tenue ordinairement par l’épouse du président élu, et prononcera face au président de la Cour suprême, John G. Roberts, la formule rituelle : « Je jure (ou affirme) solennellement que j’exécuterai loyalement la charge de président des Etats-Unis et que du mieux de mes capacités je préserverai, protégerai et défendrai la Constitution des Etats-Unis. » Quelques instants plus tôt, la vice-présidente élue aura prêté serment devant la juge de la Cour suprême, Sonia Sotomayor.

  • Un discours pour tourner la page Trump

Après la prestation de serment, le nouveau président prononcera une allocution qui devrait contraster avec celle prononcée par Donald Trump le 20 janvier 2017. A l’époque, celui-ci dressait alors « le portrait sombre d’un pays hanté par les pertes d’emplois et la menace des terroristes et des immigrés (…). Ce carnage américain s’arrête ici et maintenant ». Quatre ans plus tard, et deux semaines après des scènes d’émeute au même endroit, Joe Biden se doit de prononcer un discours « pour l’histoire » dans un pays divisé par l’élection présidentielle du 3 novembre 2020, ravagé par une épidémie qui a plongé des millions d’Américains dans le désespoir économique.

 

Traditionnellement, c’est après ce discours que le nouveau président accompagne l’ancien jusqu’à l’hélicoptère Marine One qui l’emporte vers sa nouvelle vie. Mais pas cette année. Après le discours, Joe Biden et Kamala Harris passeront les troupes en revue avant une collation, le déjeuner avec les membres du Congrès ayant été annulé, en raison des risques sanitaires.

En début d’après-midi, Joe Biden ira déposer une gerbe sur la tombe du Soldat inconnu au cimetière d’Arlington (Virginie) accompagné de trois de ses prédécesseurs. Sur le chemin du retour, le convoi s’arrêtera à quelques centaines de mètres de la Maison Blanche et une parade virtuelle censée représenter « la diversité, le patrimoine et la résilience du pays » accompagnera Joe Biden, à pied, jusqu’au 1600 Pennsylvania Avenue.

  • Un bouquet de stars pour clore la soirée

La suite des festivités fera la part belle au « virtuel ». En lieu et place des bals au cours desquels le président et son épouse viennent remercier et lever des fonds auprès de généreux donateurs, les Américains devront se contenter d’une émission de télévision intitulée « Celebrating America ».

D’une durée de quatre-vingt-dix minutes, elle sera animée à partir de 20 h 30 par l’acteur Tom Hanks et diffusée sur les grandes chaînes et en streaming. A l’inverse de Donald Trump, Joe Biden est soutenu par de nombreuses stars : les Foo Fighters, Bruce Springsteen, John Legend, Jon Bon Jovi, Demi Lovato et Justin Timberlake se produiront et le tout sera ponctué par des remarques de Joe Biden et Kamala Harris.

  • Dans le déni, Donald Trump boude

Mercredi matin, Donald Trump rejoindra la base aérienne d’Andrews, dans le Maryland, d’où il partira vers la Floride.

Le grand absent sera bien évidemment Donald Trump. Dans son dernier Tweet, le 8 janvier, il écrivait : « A tous ceux qui ont demandé, je n’assisterai pas à la cérémonie d’investiture le 20 janvier. » Donald Trump rompt avec l’usage voulant que le président et la première dame sortants accueillent le nouveau couple présidentiel le matin du 20 janvier et que tous se rendent ensuite au Capitole. Après avoir contesté le résultat de l’élection, n’ayant toujours pas reconnu sa défaite, il a décidé de quitter Washington, une ville qui ne l’aime pas et qu’il n’a jamais aimé.

Mercredi matin, il rejoindra la base aérienne d’Andrews (Maryland), à quelques kilomètres de là. C’est là qu’il a prévu une cérémonie d’adieux ouverte à quelques-uns de ses partisans autorisés à venir avec cinq invités. Selon les médias américains, il aurait demandé un tapis rouge, la présence d’un orchestre militaire et un survol par des appareils de combat. Il décollera ensuite pour un dernier voyage à bord de l’avion présidentiel Air Force One, en direction de la Floride et de son club de Mar-a-Lago, à Palm Beach, accompagné de certains de ses proches, comme sa fille Ivanka Trump et son mari, Jared Kushner.

Avant lui, seulement trois présidents sortants – John Adams en 1801, son fils John Quincy Adams en 1829 et Andrew Johnson en 1869 – avaient refusé d’assister à l’investiture de leur successeur. Le vice-président sortant, Mike Pence, sera présent à la cérémonie.

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