Je suis malade. Femme de 30 ans, mère de deux garçons et grande amoureuse de la nature, je sais que je suis malade. Ma maladie est chronique, c’est-à-dire ma maladie est d’une longue durée qui peut être contrôlée, mais ne peut être complètement guérie.

La famille est présente, me soutient et crée tant bien que mal un environnement sain pour ma santé. Je suis souvent accompagnée pour aller au bazar en weekend, et mon mari conduit normalement en soirée. Je ne prends le volant qu’en journée, pour déposer mes petits à l’école. Un minimum de déplacements pour moi.

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Une rechute est possible

Pour une maladie chronique, tel que l’asthme, la dépression ou le diabète, un traitement à long terme est préconisé. Un traitement qui ne pourra pas guérir mais qui pourra néanmoins maintenir la personne dans un service de soin et en bonne santé. Sans traitement à long-terme, ma chance de rechute est très élevée.

pourcentage de rechute

Source : A. Thomas McLellan; David C. Lewis; Charles P. O’Brien; et al. Implications for Treatment, Insurance, and Outcomes Drug Dependence, a Chronic Medical Illness: JAMA 2000; 284(13):1689-1695

Pourquoi suis-je malade ?

C’est une question qu’on me pose souvent et qui me rend très mal à l’aise face au jugement qui suit. On pense que je n’ai pas besoin de traitement, que je suis différente de la personne qui a de l’asthme, un cancer du poumon, qui souffre d’obésité ou est anémique. Je n’ai pas honte de ma maladie. Je vis avec et je souhaite être traitée. Je veux continuer à travailler, à m’occuper de mes garçons et soutenir mes parents âgés.

Un traitement refusé

Le traitement existe, d’ailleurs il est recommandé par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) comme un traitement « essentiel » pour l’humanité.

J’en ai fait la demande au début de cette année mais on me le refuse. « Enn pli bon pou vini », me dit-on, entre-temps, « tini tini » ! A-t-on déjà arrêté de traiter des Mauriciens « parski enn pli bon tretma pou vini » ? J’entends dire que ces autres « pli bon tretma » ne seraient pas forcément « pli bon ». Faisons-nous souffrir des gens parce qu’on pense qu’il y a de meilleurs traitements que ceux recommandés par l’OMS ? Mes parents attendent, mon mari m’accompagne lors de mes rendez-vous. Mais je ne suis toujours pas traitée. Me traiter, c’est me garder dans un service de soins, c’est minimiser mes symptômes. Est-ce que ma vie ne compte pas aux yeux de nos dirigeants ? (suite du texte après l’illustration)

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Une dépendance, une maladie illégale

J’ai une dépendance à l’héroïne, une maladie chronique qui demande un traitement à long terme. On me le refuse parce que ma dépendance est illégale. Refusera-t-on un traitement d’IST à une personne ayant des rapports anaux ? Refusera-t-on de faire accoucher la fille enceinte de 14 ans ? Refusera-t-on de faire admettre à l’hôpital une personne ayant un accident de la route et qui a bu avant de prendre le volant ?

La détox, le yoga, la prière, j’ai tout essayé, mais en vain ! J’ai l’impression qu’on me pousse à continuer à m’injecter, mon dealer se réjouit que je ne puisse accéder à aucun traitement.

Ma santé est sacrée, pas un joke, une boutade. Non, ce n’est pas votre rôle de juger et de refuser de traiter. Le traitement existe, c’est efficace et je l’exige !

Note de l’auteur : Le personnage est fictif, mais la situation une réalité. La méthadone, médicament comptant 50 années de recherche et recommendé par l’OMS, est actuellement refusé aux nouveaux patients. Sur le terrain, le trafic semble être en hausse…

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