Cher Père Noël,

Nous savons bien que tu es submergé de lettres d’enfants du monde entier. Beaucoup ont été sages, ils méritent amplement ton attention. Mais nous, les enfants de la République de Maurice, estimons également avoir été très méritants cette année. Admirables même. Toi qui es si bien renseigné, tu sais que nous n’exagérons pas. En faisant mentir les logiques mathématiques que les cyniques croyaient implacables, nous avons donné une leçon d’humilité à ceux qui ne voyaient en nous qu’un troupeau de moutons dociles. Avoue, Père Noël, que cela mérite d’être récompensé. Voici donc la liste des cadeaux que nous te demandons :

Un leadership éclairé. Le 10 décembre, nous avons d’abord sanctionné ceux qui confondent l’Etat et leurs propres personnes. Nous ne voulons pas être dirigés par un monarque impénitent au potentat sans bornes. Nous te demandons de nous donner un leadership éclairé, dont l’action est mue par un seul impératif : l’intérêt général. En conséquence, aide ceux qui nous dirigent à prendre des décisions difficiles quand celles-ci s’imposent et à nous tenir un langage de vérité. Nous enfants de la République, sommes parfois capricieux. Mais nous sommes loin d’être déraisonnables car nous réalisons que la « magie » n’est pas un mot admis dans le champ du possible en politique. Donne donc à nos dirigeants la capacité de nous dire non quand il le faudra et de nous ramener à nos responsabilités.

Country first, offspring second. Face à l’amour de la patrie, l’amour filial peut embrumer les esprits les plus pragmatiques et déterminés. Les uns font tout pour laisser à leurs enfants et à leurs génitrices des trésors matériels susceptibles d’assurer leur confort sur plusieurs générations. D’autres succombent à l’élan de fonder ou de consolider des dynasties politiques ayant vocation à nous gouverner sur le long terme. Nous te demandons de donner à ceux qui nous gouvernent la force de ne pas céder à la tentation du père voulant [trop] bien faire pour son enfant.

Corriger et non punir. La nature humaine est ainsi faite. Elle tend parfois à vouloir réagir à ce qui a été fait, ou commis, précédemment. Deux possibilités apparaissent alors : la correction ou la punition. Nous te demandons de donner la force à nos leaders de ne pas céder à l’envie de punir ceux qui ont mal agi dans le passé ainsi que ceux qui ont profité des largesses de leurs prédécesseurs. S’il est crucial de réparer les fautes commises, le pays n’a pas besoin d’une chasse aux sorcières. Chacun devra répondre de ses actes. Mais qu’il le fasse devant les instances appropriées – judiciaires et administratives. Et non devant un panel d’inquisiteurs. Donne à ceux qui en ont besoin l’intelligence de privilégier la voie de la réparation plutôt que celle de la rétribution.

La compétence, plutôt que l’allégeance. La reconnaissance est un très beau sentiment. Il peut toutefois jouer des tours aux décideurs. En cadeau, nous te demandons donc de donner aux nôtres la clarté d’esprit suffisante pour faire la distinction entre la nécessité de récompenser la servilité des uns et de reconnaître la compétence des autres. Bien des fois, dans le passé, ceux qui nous ont dirigé ont installé à la tête d’institutions importantes des personnes dont la qualité première était leur allégeance. Cette vertu n’est toutefois pas suffisante. Fais en sorte, Père Noël, que cette qualité soit le plus souvent alliée à la compétence. Nous ne sommes pas dupes : dans certains cas, des incompétents notoires deviendront des roitelets pour bons et loyaux services [électoraux] rendus. Mais il serait bien que tu limites ce genre de récompenses.

De grandes idées et de l’inspiration. Nous sommes persuadés que tes lutins doivent avoir, dans leurs carnets d’adresses, le contact de quelques muses susceptibles de souffler à l’oreille de nos décideurs des idées novatrices et l’inspiration nécessaire pour les mettre en œuvre. Nous en avons cruellement besoin. Notre république ne peut plus se permettre de fonctionner, notamment en matière économique, comme elle l’a fait durant ces 10-15 dernières années. Elle a besoin qu’on lui insuffle des idées nouvelles qui permettront aux enfants comme nous d’espérer trouver un emploi rémunérateur et épanouissant… et de fonder une famille tout en ayant un impact minimal sur notre environnement déjà si dégradé. C’est une équation complexe. Donne, s’il te plaît, à ceux qui nous dirigent l’inventivité nécessaire pour la résoudre.

La sagesse aux anciens de se retirer et aux nouveaux de les défier. Nous le reconnaissons volontiers, nous sommes turbulents, nous en voulons toujours trop. Mais nous admettons que les responsables politiques que tu nous as donnés ont jusqu’ici, bon an mal an, bien accompli leurs missions de dirigeants ou d’opposants. Néanmoins, il ne te faut pas t’arrêter en si bon chemin. Nous te demandons ainsi de donner à ceux qui sont là, la sagesse d’admettre qu’ils sont en fin de parcours et de se retirer dans la dignité. Nous te demandons aussi, en conséquence, de permettre à ceux qui veulent prendre leur relève – au sein des mêmes formations politiques ou de nouvelles – d’avoir le génie nécessaire pour inspirer respect et confiance auprès des enfants de la République. Et ainsi faire naître cette vraie alternance que nous désespérons de voir venir.

Cher Père Noel, cette liste de cadeaux est longue et ambitieuse. Mais nous pensons les avoir tous mérités. Les mauvaises langues disent que tu n’existes pas et que cela ne sert à rien de t’envoyer de lettre. Mais nous voulons croire, tellement croire. Ne nous laisse pas tomber.

Bon courage pour ce soir. Et n’oublie pas de prendre un imperméable en nous rendant visite. Si en Laponie, chez toi, il neige, à Maurice, on prévoit de l’orage ce soir.

Bien affectueusement,

Les enfants de la République

 

Christmas-Letter-to-Santa-wallpapers

Facebook Comments