S’il y a une leçon que les élections indiennes peuvent bien nous apprendre, c’est que les dynasties ne durent pas. La Grande péninsule a fait montre encore une fois de son ouverture… Avec le basculement politique attendu depuis longtemps, l’Inde brandit fièrement au monde son insigne de la « plus grande démocratie du monde ». Les familles Gandhi et Nehru ont reçu le message vendredi dernier, et c’est dans le plus grand respect que le parti du congrès a accepté sa défaite, poussant même Sonia Gandhi à affirmer que « gagner et perdre font partie de la démocratie », et qu’elle respecte le verdict des urnes. Aveu très dur pour un parti habitué à diriger le pays.

Ce triomphe du BJP remodèle le paysage politique indien, transformant le parti nationaliste hindou en puissance politique nationale… Quand on connaît les origines de Narendra Modi, fils de vendeur de thé, on comprend mieux le symbolisme de sa victoire et la joie de cette jeunesse des basses castes en Inde qui ont pu s’identifier à sa propre réussite. Navin Ramgoolam l’a dit hier, il n’avait aucun doute sur une victoire de Modi…

Il aura fallu 30 ans au BJP pour parvenir à former seul un gouvernement… En 1998, lors de sa première victoire, le parti du Lotus avait dû former une coalition avec des partis régionaux, limitant l’application de son programme. Cette fois, la donne a changé… Le parti ne devrait pas avoir besoin d’alliance. Il pourra donc gouverner seul et imposer ses projets. C’est un peu le rêve de nos dirigeants à Maurice. Depuis ces dernières semaines, ils disent tous vouloir aller seul aux élections… A tel point que Navin Ramgoolam ne rate pas une occasion pour crier haut et fort qu’il souhaite se séparer de sa béquille bleue… Il n’y a pas pire sourd que celui qui ne veut pas entendre…

Si Xavier Luc Duval va jouer l’indifférent encore une fois, Paul Bérenger risque, lui, de sortir les griffes, car la déclaration de Navin Ramgoolam sur le gros gâteau qu’il veut manger seul ne cadre pas du tout avec le contexte actuel des tractations d’alliances. Que peut bien révéler ce sondage que Navin Ramgoolam ressort à chaque occasion ? Il a promis de le donner à la presse, nous attendons… Le Premier ministre est convaincu qu’il est en position de force. Peut-il donc imiter Narendra Modi, réunir une aussi grande majorité aux prochaines élections, et diriger seul le pays ? Il demandera peut-être la recette du ladoo à Modi, qui en a commandé des centaines de kilos pour la fête…

Mais jamais le Parti travailliste ne s’est présenté seul devant l’électorat… Il a connu toutes les combinaisons, l’étoffe rouge a été raccommodée au mauve, au bleu et au blanc pour composer le patchwork majoritaire. Le MSM et le MMM ont aussi tout essayé. Gagner seul et satisfaire son appétit gargantuesque n’est peut-être pas aussi évident que Navin Ramgoolam le pense. Il est vrai qu’avec un soleil assombri, un cœur ne battant plus la chamade et un coq aphone qui ne réveille plus personne, les ingrédients sont là…

Le système électoral mauricien, avec sa majorité et ses minorités, ses lobbys sectaires et financiers, permet-il vraiment à un unique parti de sortir des urnes avec une écrasante majorité ? La question mérite d’être posée à l’heure où la réforme électorale tarde à arriver sur la table de l’Assemblée nationale. Navin Ramgoolam et les autres leaders ne pourront se défaire de leurs béquilles que lorsque la réforme électorale sera bien votée.

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