Pour son premier exercice en tant que Grand argentier, Pravind Jugnauth a été concis et direct. Présentant point par point les détails des postes de dépenses qui n’avaient pas été budgétés l’année dernière. Le budget supplémentaire que les parlementaires sont appelés à voter aujourd’hui pour l’année financière 2015-2016 s’élève à Rs 4,1 milliards.

Ce chiffre vient couvrir les postes de dépenses suivants :

  • l’application des recommandations du récent rapport du Pay Research Bureau (PRB).
  • les élections municipales de juin dernier à hauteur d’environ Rs 100 millions ;
  • la pension universelle ;
  • les fonds injectés dans la MauBank. C’est ce dernier poste de dépense qui a surtout retenu l’attention et monopolisé les débats durant la tranche matinale à l’Assemblée nationale.

Le gouvernement a injecté, au total, Rs 3,053 milliards dans les capitaux de la National Commercial Bank (NCB), de la Mauritius Post & Cooperative Bank (MPCB) et de la MauBank, née de la fusion des deux premières. Soit Rs 1,453 milliards pour la période de janvier à juin 2015 dans les défuntes NCB et MPCB, puis Rs 300 millions à être investies dans la MPCB fin octobre dernier et Rs 1,3 milliard dans la MauBank en janvier.

Le premier intervenant après le ministre des Finances, Reza Uteem s’est fortement interrogé sur l’impact de ces dépenses supplémentaires sur l’ensemble du Budget. S’il ne conteste pas le paiement de la pension ni le coût des élections municipales (Rs 100 millions), le député du MMM relève toutefois que l’item PRB ne mentionne pas si l’augmentation des salaires du Premier ministre, des ministres et parlementaires sont aussi inclus.

«Où va cet argent ?»

A 65% du produit intérieur brut, la dette publique est largement au-dessus du taux acceptable, note le député de Port-Louis Sud/Centre. Or, argue Reza Uteem, ce sont les interventions répétées du gouvernement dans des entreprises du privé, soit dans des banques en difficulté qu’étaient la NCB et la MPCB, puis dans la MauBank, créée dans le sillage de la chute du groupe BAI, qui a fait grimper la dette publique.

Faisant un long rappel sur comment cette institution bancaire a vu le jour, Reza Uteem a souligné à plusieurs reprises qu’elle est censée soutenir les petites et moyennes entreprises (PME) et que la MPCB n’avait pas de crédits toxiques. Vishnu Lutchmeenaraidoo, alors ministre des Finances, en avait donné l’assurance lors de nombreuses déclarations à la presse et au Parlement.

Or, fait valoir le député mauve, il ressort des nombreuses questions parlementaires jusqu’ici que peu de fonds ont été décaissés pour les PME : début mai, Rs 4,2 millions avaient été approuvées par la MauBank pour quelques projets, alors que Rs 2 milliards avaient été annoncées pour le PME dans le Budget présenté par Vishnu Lutchmeenaraidoo. « Où va cet argent ? » s’est interrogé à plusieurs reprises Reza Uteem.

Celui-ci s’est aussi attaqué aux toxic loans de la MPCB et de la MauBank, dont une partie est à mettre au crédit de Rakesh Gooljaury, « le nouveau ‘blue eyed boy’ du gouvernement », et de son entreprise Fashion Style. Alors que celle-ci est en défaut de paiement depuis octobre 2015, la MauBank lui a accordé un prêt de Rs 32 millions en novembre, dit Uteem, puis une autre ligne de crédit en avril de cette année. « Et le gouvernement s’attend à ce que les contribuables acceptent de payer pour cela ? », a lancé Reza Uteem. Avant de demander à Pravind Jugnauth de revoir le fonctionnement de la MauBank.

«A crisis managing government»

Prenant la balle au bond, Vishnu Lutchmeenaraidoo s’est longuement étendu sur ce qui a motivé l’intervention de l’Etat au niveau de la Bramer Bank, devenue par la suite la NCB, puis la création de la MauBank. Celle-ci a vu le jour, argue l’ex-ministre des Finances, car « nous ne pouvions pas laisser deux banques s’effondrer ».

« We are government, we are here to govern! a insisté Vishnu Lutchmeenaraidoo. Un gouvernement qui, dit-il, n’a fait que « gérer des crises depuis sa prise de pouvoir ». « Nous nous sommes débrouillés pour sortir de cette m… »

La MauBank se retrouve aujourd’hui avec « l’un des meilleurs CEO du pays », estime le ministre, qui insiste qu’il est « important de prendre des risques ». « Je suis confiant que dans trois ans, nous pourrons vendre une partie des actions » de cette banque.

Pour ce qui est des PME, dit-il, « il y a une différence entre ce que l’on veut et ce qui se passe dans la réalité ». S’il concède que le projet les concernant a mis du temps à démarrer, Lutchmeenaraidoo estime cependant que tout marche comme il faut à l’heure actuelle.

Shakeel Mohamed déclare, pour sa part, que la MauBank « est au bord de la faillite ». En tant que ministre des Finances, poursuit le chef de file des rouges au Parlement, Pravind Jugnauth « doit gérer une situation désastreuse » qui découle d’un « plan mal conçu et pas du tout réfléchi » qui a mené à la chute du groupe BAI.

Si pour Lutchmeenaraidoo, la faute revient à l’ancien régime, Shakeel Mohamed souligne que ce faisant, l’ex-ministre des Finances « s’attaque à Pravind Jugnauth » ainsi qu’à Xavier Duval, tous deux Grands argentiers sous le régime travailliste. La dette publique a diminué sous Pravind Jugnauth, reconnaît le chef de file du Parti travailliste au Parlement. Mais elle a augmenté significativement sous le présent régime, insiste-t-il.

Photo d’archives : Lancement de la MauBank, le 17 septembre 2015, en présence notamment de Ramesh Basant Roi, gouverneur de la Banque de Maurice (2e à partir de la droite) et de Vishnu Lutchmeenaraidoo, alors aux commandes des Finances.

  • Rs 1,4 milliard sont requis pour la mise en œuvre du rapport du PRB pour le premier semestre de cette année. Seuls 7 officiers, souligne le ministre des Finances, n’ont pas signé l’option form pour accepter la nouvelle grille salariale et les conditions qui s’y rapportent. Tous les employés du public ont recu leurs salaires révisés  ce mois-ci ainsi que les arriérés dus.
  • Rs 1 milliard de plus sont nécessaires pour le paiement de la pension universelle. Cela en raison de l’augmentation de Rs 250 accordée l’année dernière, mais aussi d’une sous-budgétisation de Rs 715 million pour cette année financière.

 

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