Racontez- moi votre parcours
J’ai toujours été efféminée. Cela ne m’a pas posé de problème à l’école primaire parce que j’étais plutôt amusante. Tout a commencé au collège avec les blagues qui blessent et les moqueries habituelles. J’ai, donc, arrêté l’école à 14 ans et deux ans après, j’ai commencé à travailler. J’ai quitté la maison de mes parents car j’avais rencontré quelqu’un. Je n’avais pas encore fait mon « coming out » vis-à-vis de mes parents. J’ai juste quitté la maison en disant que j’allais habiter chez quelqu’un.

J’ai eu des soucis avec mes parents parce que j’étais mineure. Ils m’ont dit qu’ils ne voulaient plus de moi parce qu’ils n’avaient pas mis au monde une fille mais un garçon. Et puis à l’âge de 18 ans j’ai recommencé à leur parler. J’ai vécu avec mon conjoint pendant quatre ans. Nous travaillions ensemble dans notre salon de beauté. Puis je me suis séparé de lui et je suis allé habiter avec des amis. J’ai eu beaucoup de soucis au niveau du boulot. Lorsque qu’on est transgenre, on est stigmatisé et on ne décroche pas facilement un emploi. Puis j’ai rencontré une autre personne avec qui j’ai vécu pendant 13 années.

J’ai quand même pu travailler dans des hôtels. J’ai aussi été employée comme gouvernante dans une maison mais j’ai été exploitée. On m’a dans un premier temps acceptée en tant que femme. Puis on a commencé à m’appeler par mon prénom masculin juste pour me rappeler que je suis un homme. J’ai connu le suicide et j’ai aussi été internée. Mais je n’ai pas été reconnue comme folle.

Comment s’est passé votre ‘coming out’ ?
Tu te sens vraiment vulnérable quand tu fais ton ‘coming out’ et après tu n’as personne à qui te confier. Tu as l’impression de te jeter dans le vide. Et à force d’être stigmatisée tu ne penses qu’au suicide. Tu n’as plus la force d’aller travailler et tu ne peux pas retourner chez tes parents car ils ne t’acceptent plus. Une personne transgenre fait constamment l’objet de moqueries, de commentaires déplacés et même de harcèlement psychologique et sexuel. Cela, aussi bien de la part des patrons que des collègues de travail. Une personne ‘trans’ est systématiquement écartée des processus d’embauche et est automatiquement congédiée lorsqu’elle annonce à son employeur son désir de vivre selon le genre auquel elle s’identifie. Je suis qualifiée et j’ai des compétences, mais les employeurs me jugent sur mon identité et mon genre. C’est un obstacle qu’une personne ‘trans’ arrive difficilement à surmonter.

Comment arrivez-vous à supporter tout cela ?
Il y a quelques années, j’ai été victime de brutalité policière. Avec un groupe de copines trans, nous étions sorties pour aller en boîte de nuit. Nous voulions juste faire la fête. Une voiture s’est arrêtée et le conducteur nous a proposé de nous déposer. Malheureusement, c’était un policier en civil… Il nous a embarquées au poste de police et nous a forcées à signer une fausse déclaration écrite. Pour finir, les policiers nous ont obligées à nous déshabiller pour prouver notre identité. J’ai vraiment été humiliée. Ils étaient si violents que je ne pouvais rien faire. J’ai juste obtempéré. C’était horrible et je ne pouvais même pas porter plainte pour brutalité policière. C’était inhumain. En règle générale, lorsque nous nous faisons agresser, les policiers ne nous prennent pas au sérieux. Ils ne prennent même pas la peine d’enregistrer notre plainte parce que nous sommes des ‘trans’.

Avez-vous constaté une certaine évolution de la mentalité des gens vis-à-vis des ‘trans’ ?
La liberté a commencé depuis qu’on parle des ‘trans’ mais ce n’est pas gagné pour autant. Rien que pour utiliser les toilettes dans un centre commercial, c’est la galère. Je n’ai pas le droit d’utiliser les toilettes des filles et je trouve cela injuste d’utiliser celles des hommes. Rien que pour ces petits détails, cela n’a pas vraiment changé. Les personnes ‘trans’ continuent de subir de la discrimination, de la violence et du harcèlement. Les trans sont plus à risque d’être victimes de violence et de pauvreté.

Qu’avez-vous à rajouter ?
Je suis actuellement sur le board du Country Coordinating Mechanism (CCM) et j’ai toujours voulu faire bouger les choses. Je veux essayer de résoudre les problèmes de ma communauté. Je ne suis pas pour ou contre le mariage LGBT mais j’aimerais bien qu’à un moment donné notre statut soit reconnu et qu’on puisse changer de prénom, rien que pour se sentir mieux dans notre peau. Je veux me battre pour que nous puissions faire entendre notre voix.

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