Interview de : Moorghen Veeramootoo, Executive Director Lottotech

On entame l’année 2021, comment se porte Lottotech ?
On voit ce qui se passe ailleurs. Cela nous permet de mieux juger ou jauger combien nous sommes chanceux par rapport aux autres pays. Nous pouvons circuler librement mais aussi opérer normalement. C’est une très bonne nouvelle d’avoir une activité économique même si le marché ne sera pas pareil comme avant la pandémie. Pour le moment je dois dire que nous avons bien démarré. Le plus important c’est de vérifier que tout le monde va bien, que le staff va bien, qu’on continue à prendre des précautions et qu’au niveau de Health & Safety, nous respectons les bonnes pratiques.

Un mot sur les finances. Ce sera une année difficile ?
Même si j’ai mis l’accent sur le fait qu’on puisse continuer à opérer, il faut voir les choses en face. C’est un peu trop tôt pour dire comment sera le business. Il a démarré mais pas comme les années précédentes. Vu les circonstances, je dirai qu’on est juste OK. Nous compilons les chiffres pour 2020 et malgré les circonstances difficiles, nous serons profitables.

2020 a été une année atypique. Quelles leçons tirez-vous de ces évènements ?
2020 a été très dur sur le plan émotionnel. Premièrement parce que nous avons perdu notre chairman qui était parmi les fondateurs de Lottotech Tout comme il a été très difficile de perdre d’autres compatriotes.

Encore une fois, si on regarde ce qui se passe ailleurs il faut dire qu’il y a eu ne bonne gestion de la pandémie et nous devons dire un grand merci à tous les ‘frontliners’. Grâce à eux nous avons pu réduire le temps du ‘lockdown’ et démarrer l’activité économique. Il faut également souligner cet esprit de solidarité qui a soufflé sur Maurice et Rodrigues où chacun a essayé d’aider son prochain. Nous sommes allés à la rencontre des familles pour les aider à sortir de ce moment difficile. Ce qui m’a le plus marqué c’est cette solidarité qui fait chaud au cœur.

La Loterie Vert fait désormais partie de Lottotech. Comment se passe cette nouvelle acquisition ?
C’est la bonne nouvelle de 2020. La Loterie vert comporte un aspect humain. En faisant l’acquisition de la marque Loterie vert, nous avons pu récupérer les ex-employés de la Government Lotteries. Nous avons ainsi sauvé le job de 40 employés que nous avons formés et mis à niveau. L’année dernière nous avons pu lancer la Loterie vert sous une nouvelle forme et bien entendu en la modernisant. Le point marquant en cette période c’est que le business n’est pas ‘as usual’. Nous avons fait quelques changements et proposé une nouvelle formule. Car les gens ne voulaient pas nécessairement attendre pour avoir leur argent, ils voulaient avoir leur argent tout de suite. Il y a ainsi le système de ‘rollover’ et l’argent est gagné tout de suite. C’est un peu tôt mais je dois dire que nous sommes quand même assez confiants sur le produit.

Pensez-vous que la nouvelle formule plaît davantage au public ?
C’est un modèle qui marche et qui a très bien marché pour la loterie nationale. Nous avons bien sûr sollicité l’avis des joueurs et des détaillants. Ils nous ont aidé à peaufiner le produit. Dès que nous avons fait le changement, nous avons vu que les chiffres se sont améliorés et que nous avons récupéré les joueurs qui aiment la formule du ‘rollover’.

Quels sont vos projets phares pour 2021 ?
Alors, pour 2021 nous aimerions tirer des leçons de ce qui s’est passé en 2020. Nous avons constaté, par exemple, que si nous n’avons pas de modèle économique qui est numérique, nous ne pouvons pas opérer. Pendant les trois mois de Covid il y a eu zéro activité économique. Or, il y a notre contribution au Consolidated Fund. Pendant 11 ans d’existence nous avons payé plus de Rs 5 milliards. Donc quand il y a zéro activité économique, c’est zéro pour les joueurs, zéro pour l’Etat, zéro aussi pour les détaillants. Alors que nous avons un réseau de plus de 750 petits commerces qui dépendent beaucoup de nous.
Donc, en 2021, il faudra travailler avec le régulateur pour pouvoir subvenir grâce au numérique. Il faut pouvoir donner la possibilité aux gens de jouer sur une plateforme numérique. Bien sûr il faut leur laisser le choix. Ils ne seront pas obligés.
Partout dans le monde nous avons constaté que bien qu’il y ait une formule numérique, tout le monde n’y adhère pas. Nombreux sont ceux qui préfèrent aller chez les détaillants pour le contact humain. Ce qui nous intéresserait c’est la possibilité d’offrir les produits sur une plateforme numérique et bien-sûr en respectant la politique de l’Etat. Depuis un an ou deux, l’Etat essaie de promouvoir une économie numérique. Il y a, aussi, le fameux ‘cashless’ que promeut la Banque de Maurice. Avec la Covid, la donne a changé.
En Chine à un certain moment il a été décidé de ne plus “issue” les billets de banque et des pièces de monnaie pour une question d’hygiène car ils propageaient le virus. Il y a aussi le problème de transparence. On pourra, ainsi, retracer celui qui a touché de l’argent au jeu. Notre priorité en 2021 ce sera de promouvoir ces aspects-là

Les nouveaux produits s’inscrivent dans la logique du ‘New Normal’…
Le Lotto était un mono produit en 2015. Aujourd’hui nous avons également la Loterie Vert et l’année dernière nous avons acheté l’entreprise PJML. Le fameux ‘Pick Pool’ est arrivé. Nous avons signé un accord avec la société TFP, The Football Pools, qui se trouve en Angleterre qui qui nous donne l’autorisation de vendre leurs produits qui est un mélange de chance et de ‘skill’ pour le football. Le foot anglais est très populaire à Maurice, donc nous espérons lancer ce produit en 2021 à Maurice.
La Covid nous a aussi appris qu’en cas de pépin, il faut qu’on puisse avoir l’opportunité de vendre nos produits ailleurs. Il faut pouvoir utiliser cette plateforme dont j’ai parlé plus tôt pour essayer d’aller vers d’autres pays de la région. En 10 ans nous avons été approchés par des pays qui ont vu que nous avions développé un savoir-faire. Et croyez-moi on peut vendre ce savoir-faire à d’autres pays. Que ce soit en terme de B to B ou B to C. En 2021, nous explorerons ces opportunités-là.

Vous visez la région africaine ?
La région africaine est vaste. Pour nous c’est de voir les opportunités qui existent. Il faut d’abord explorer de façon numérique. Pouvoir vendre nos produits à partir de Maurice. S’agissant de notre projet avec cette entreprise en Angleterre, l’accord qu’on a signé inclut aussi l’Afrique. Nous avons l’exclusivité de vendre leurs produits en Afrique et en Asie. Donc, pour nous c’est démarrer avec ces produits et trouver des partenaires. On a quelques pistes déjà mais il faut avoir une licence dans le pays avec lequel on va opérer. Nous insistons pour avoir une licence locale.

Le savoir-faire de Lottotech, surtout en matière d’organisation des jeux, est recherché…
Il n’y a pas beaucoup de pays qui ont réussi dans l’univers de jeu comme nous. C’est-à-dire que c’est un modèle extrêmement transparent et réglementé parce que nous travaillons avec le régulateur. Je dois dire qu’à part l’Afrique du Sud, le Maroc et Maurice il n’y a pas d’autres pays qui ont ce savoir-faire. Donc, très souvent on vient nous chercher. D’autant plus que nous sommes bilingues. Il ne faut pas oublier qu’il y a l’Afrique francophone et l’Afrique anglophone et le fait de pouvoir jouer sur les deux terrains aide beaucoup. Ce savoir-faire est reconnu et c’est une fierté pour nous. Si nous pouvons aller opérer dans d’autres pays et si la plateforme numérique dont j’ai parlé est prête, nous lancerons nos opérations sur une plateforme numérique en Afrique. Si jamais on ne peut pas le faire à Maurice.

C’est une année très riche, si on prend en compte tous les projets que vous avez cités.
Avec le nouveau chairman, Tommy Ah Teck, il y aura certainement d’autres projets sous sa houlette tout en se focalisant sur l’humain, l’innovation, et l’‘out of the box thinking’. Nous aimons bien les challenges et les employés de Lottotech en dix ans ont acquis des talents phénoménaux. Comment peut-on transférer le talent acquis à Maurice dans d’autres pays, ce sera un autre challenge. Faut pas oublier que rien n’est acquis. Nos produits ont besoin d’être vendus et d’être commercialisés. Il faut continuer à travailler avec le régulateur à Maurice pour améliorer nos produits, notre savoir-faire et combattre le marché noir.

Dans quelles mesures êtes-vous affecté par le marché noir ?
Tout le monde est affecté. Il n’y a pas qu’à Maurice. Par exemple, des gens vous demandent si vous voulez l’Euromillion à partir de Maurice. C’est non seulement illégal, c’est une fraude. Que ce soit Euromillion ou les autres jeux de jackpot si vous n’êtes pas présents dans le pays et vous n’avez pas le ticket physiquement vous ne serez pas payés. A Maurice ils font ce qu’on appelle la ‘geolocation’. Ils vont voir où vous êtes. Si vous n’êtes pas physiquement dans le pays ils ne vont pas vous payer. C’est du marché noir. Il l y a des gens qui profitent de la crédibilité des gens. Ils veulent « fund money out of the country ». Nous sommes impactés par cela. Toutes les plateformes qui touchent Maurice à partir de l’étranger sont illégales et c’est le pays qui perd. C’est également le cas dans le sport hippique. Il y a des gens qui opèrent sur des plateformes et qui ne payent rien à la MTC. L’Etat ne gagne rien en taxe.

 

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