Joe Biden et sa femme Jill au Queen theater à Wilmington, Delaware, le 14 décembre. Drew Angerer / AFP

 

« Dans la bataille pour l’âme de l’Amérique, la démocratie l’a emporté. » Le président élu des Etats-Unis, Joe Biden, a appelé solennellement, lundi 14 décembre, à « tourner la page » de l’élection présidentielle du 3 novembre, selon les extraits d’un discours diffusé par son équipe de campagne tandis que le vote formel des grands électeurs a confirmé sa victoire face à Donald Trump. L’ancien vice-président de Barack Obama deviendra le 20 janvier le 46e président de l’histoire du pays.

« C’est une position extrême que nous n’avons jamais vue auparavant », a dénoncé Joe Biden lors d’un discours depuis son fief de Wilmington (Delaware), à propos des nombreux recours en justice engagés sans succès par le républicain pour faire invalider les résultats dans certains Etats. « Une position qui a refusé de respecter la volonté du peuple, de respecter l’Etat de droit, et refusé d’honorer notre constitution », a tancé le démocrate.

M. Biden s’était pour le moment gardé d’attaquer si frontalement Donald Trump sur le sujet. « L’intégrité de nos élections a été préservée. Maintenant, il est temps de tourner la page. De nous rassembler », a invité le futur président des Etats-Unis.

« La flamme de la démocratie a été allumée il y a longtemps dans ce pays. Et nous savons désormais que rien – ni même une pandémie ou un abus de pouvoir – ne peut éteindre cette flamme. »

Guérilla judiciaire

Le vote des grands électeurs marque l’achèvement d’une séquence électorale qui a marqué les Etats-Unis. Cette réunion, d’ordinaire une formalité, avait un relief particulier en raison de l’attitude du président sortant.

Le processus, qui se déroule Etat par Etat, est traditionnellement peu suivi. Mais il était cette année retransmis en direct après des semaines d’une guérilla judiciaire menée par Donald Trump qui fut un fiasco intégral mais qui a encore renforcé les divisions de l’Amérique.

« Ce n’est pas seulement par respect des traditions mais aussi pour montrer à tout le monde, aujourd’hui plus que jamais, que notre système fonctionne », a souligné Chris Sununu, gouverneur républicain du New Hampshire, avant que les quatre grands électeurs de son Etat ne se prononcent en faveur de Joe Biden.

A Harrisburg, les 20 grands électeurs de Pennsylvanie ont, comme prévu, tous apporté leurs voix à Joe Biden. « C’est un grand jour pour la démocratie, pour la liberté et pour la Pennsylvanie », a réagi Nancy Mills, présidente du Parti démocrate dans cet Etat où Donald Trump l’avait emporté en 2016 mais où il a perdu en 2020.

Les résultats du scrutin du 3 novembre ont déjà été certifiés par chacun des 50 Etats américains : le démocrate a remporté le nombre record de 81,28 millions de voix, soit 51,3 % des suffrages, contre 74,22 millions (46,8 %) au président républicain sortant.

Mais aux Etats-Unis, le locataire de la Maison Blanche est choisi au suffrage universel indirect, chaque Etat attribuant en général ses grands électeurs, dont le nombre dépend essentiellement de sa population, au candidat arrivé en tête localement.

Avance confortable de Joe Biden

Là aussi, les résultats certifiés confirment l’avance confortable de Joe Biden, annoncée dès le 7 novembre par les grands médias américains, avec 306 grands électeurs contre 232 à Donald Trump.

Les 538 grands électeurs sont des responsables politiques locaux, des figures de la société civile ou des proches d’un candidat. La plupart sont inconnus du grand public, mais il arrive que des personnalités nationales fassent partie du collège électoral.

C’est le cas cette année de l’ex-président démocrate Bill Clinton et de son épouse, candidate malheureuse de 2016 à la présidentielle, Hillary Clinton. « Je suis favorable à l’abolition du collège électorale (…) mais puisqu’il existe toujours, j’étais fière d’apporter ma voix, dans l’Etat de New York, à Joe Biden et Kamala Harris », a-t-elle tweeté.

Bien qu’il soit arrivé par le passé qu’une toute petite poignée d’entre eux déroge à la règle qui veut qu’ils donnent leur voix au candidat arrivé en tête dans leur Etat, cela n’a jamais changé l’issue de l’élection.

« Reconnaître sa défaite »

Depuis la Maison Blanche, Donald Trump dénonce depuis bientôt un mois et demi, sans preuves mais théories du complot à l’appui, « l’élection la plus truquée de l’histoire américaine ».

Ses recours en justice ont quasiment tous été rejetés. Humiliation ultime, la Cour suprême, qu’il a pourtant profondément remaniée en y nommant trois juges et en y confortant ainsi la majorité conservatrice désormais forte de six membres sur neuf, a rejeté la semaine dernière deux recours républicains sans même s’en saisir sur le fond.

Une fois l’étape solennelle de lundi franchie, un plus grand nombre d’élus républicains accepteront-ils de reconnaître enfin la victoire de Joe Biden ? C’est possible. Le sénateur républicain Rob Portman, a d’ailleurs fait le pas lundi : « Bien que j’aie soutenu le président Trump, le vote du collège électoral aujourd’hui fait qu’il est clair maintenant que Joe Biden est le président élu. »

Mais il est peu probable que Donald Trump rentre, lui, dans le rang, d’autant que selon les sondages, une large majorité de ses électeurs ne considèrent pas le démocrate comme un vainqueur légitime. « Le combat ne fait que commencer !!! », a-t-il tweeté ce week-end.

Il pourrait tenter de profiter de la complexité d’un processus institutionnel qui s’étire en longueur pour un dernier baroud d’honneur : certains élus proches de lui envisagent de contester les résultats lorsque le Congrès sera appelé à apporter une dernière validation le 6 janvier. La démarche n’a cependant pratiquement aucune chance d’aboutir.

Dans un éditorial cinglant, le Wall Street Journal a estimé qu’il était temps que Donald Trump change de posture. « Il y a un temps pour se battre et il y a un temps pour reconnaître sa défaite. Trump a fait des recours en justice sans fin et a perdu, a-t-il souligné. Il ferait mieux désormais de mettre en avant les avancées de sa présidence, qui sont nombreuses, et d’accepter son sort, pas si terrible que cela, en devenant l’un des 45 ex-présidents américains. »

Source: Lemonde.fr

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