L’Etat n’est aucunement concerné par le risque requin. Le ministère de l’Environnement a fini par faire appel, le lundi 20 mai, contre la décision de l’Environment and Land Use Appeal Tribunal (ELUAT) de rejeter le permis EIA accordé au groupe sud-africain Growfish. Celui-ci ambitionne de créer une gigantesque ferme aquacole pouvant produire 20 000 tonnes de cobia, du saumon noir, à l’Ouest de Maurice, pour un investissement de Rs 1,4 milliard.

Le Tribunal de l’Environnement avait mis en avant trois points en tranchant, le mardi 30 avril dernier. Il a donné raison à l’Association des hôteliers et des restaurateurs de l’île Maurice (AHRIM) et l’Association des gens de la mer (Sea Users Association, SUA), entre autres, notamment sur le fait que le risque requin n’avait pas suffisamment été pris en considération. Le manque de détails autour du projet et l’implication incestueuse du ministère de la Pêche dans ce dossier avaient aussi été mis à l’index.

L’ordonnance du tribunal de l’Environnement est «erronée et déraisonnable» dans son ensemble, estime le ministère de l’Environnement. L’«Environment and Land Use Appeal Tribunal» a appliqué «une approche libérale» à la question de «locus standi» en déterminant que l’Ahrim et la SUA avaient le droit d’intenter cette action en justice. Le tribunal ne s’est d’ailleurs pas prononcé sur le «préjudice indu» qui aurait pu être causé aux deux associations, relève l’Environnement.

Growfish International, qui a également donné avis d’appel, va plus loin. L’entreprise soutient que le tribunal a adopté des «principes étrangers», en «ignorant» le fait que les procès d’intérêt public («public interest litigation») n’existent pas dans la législation mauricienne. Or, le tribunal a considéré l’appel de la Sea Users Association et de ses quatre représentants.

Le ministère de l’Environnement déplore également que cette instance ait rejeté ce projet en invoquant le «principe de précaution» face au risque requin. Il souligne ainsi, tout comme Growfish International, qu’il n’existe aucune étude qui démontre que les squales seront attirés vers la ferme aquacole. Et que contrairement à ce qu’a avancé le tribunal, il n’est donc pas question de preuves insuffisantes à ce sujet.

Le seul expert à avoir déposé est le Dr Blaison, pour le compte de Growfish, a souligné l’entreprise. Son témoignage n’a pas été contesté, a-t-elle ajouté, et le tribunal ne disposait d’aucune preuve étayant l’«allégation» de risque accru quant aux requins. Du reste, leur migration entre La Réunion et Maurice ne dépend pas des projets aquacoles, a fait ressortir Growfish.

L’Ahrim, la Sea Users Association et autres avaient fait état de leurs craintes de «l’impact catastrophique» qu’aurait une attaque de requin sur l’industrie touristique mauricienne en évoquant l’exemple réunionnais, la pollution marine liée aux 100 tonnes de déchets qui seront produits au quotidien par la ferme de Growfish ainsi que la qualité de l’eau de mer sur le littoral ouest où se concentrent les grands établissements hôteliers de l’île.

Le tribunal n’a, en outre, pas tenu compte des «informations supplémentaires» soumises à l’«EIA Committee» relatives à la révision du projet pour passer de quatre fermes aquacoles à deux, argue l’Environnement dans sa plainte logée le 20 mai. Estimant, à la place, qu’il aurait dû faire l’objet d’une nouvelle demande d’EIA. Growfish International avait obtenu son permis EIA (Environment Impact Assessment) le 6 octobre 2017.

Pour ce qui est du suivi, cela est effectué «à tous les stades» du projet, a souligné l’entreprise.

L’Environnement soutient que le tribunal a fait une «perverse and manifestly unreasonable appreciation» du rôle du ministère de la Pêche autour de ce dossier. Celui-ci était considéré être en «conflit d’intérêts», selon l’ordonnance du 30 avril, car étant à la fois régulateur et siégeant sur le comité EIA chargé d’examiner le dossier Growfish. Le ministère est légalement tenu de siéger sur le comité EIA, a contré Growfish International.

Le tribunal s’est aussi trompé en estimant que l’Albion Fisheries Research Centre, organisme étatique, ne pouvait pas avoir un rôle aussi actif dans le cadre du projet de Growfish, estiment l’entreprise et le ministère de l’Environnement.

Growfish relève, enfin, que le jugement a été rendu après le délai légal de 90 jours et après l’extension à mars 2019. Rendant, de fait, son ordonnance «nulle et non avenue».

Le ministère de la Pêche a aussi donné avis d’appel en soulevant des points similaires.

Le tribunal de l’Environnement dispose de deux mois pour faire connaître sa position.

Aquaculture: The ministry of Environment appeals the decision of the Environment Appeal Tribunal by ION News on Scribd

Aquaculture: Growfish appeals decision to revoke its EIA licence by ION News on Scribd

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