La coordination Stop loi sécurité globale, rassemblant syndicats de salariés, collectifs et associations de défense des droits humains, et à l’initiative de la mobilisation depuis le 28 novembre, avait appelé à manifester en région mais pas à Paris. « La coordination (…) considère que les conditions de sécurité des manifestants et manifestantes ne sont pas assurées », avait-elle justifié.

Une partie des organisations de cette coordination a toutefois décidé de passer outre et a appelé à manifester de la place du Châtelet à celle de la République. Cette manifestation avait été dûment enregistrée auprès de la Préfecture de police, qui ne l’a pas interdite.

Dans la capitale, de nombreuses unités de CRS et de gendarmes mobiles ont encadré au plus près les milliers de personnes – 10 000 selon les organisateurs, 5 000 selon le ministère de l’intérieur – qui manifestaient. L’ambiance dans le cortège était très tendue, les forces de l’ordre intervenant régulièrement pour « interpeller des éléments radicaux » et « empêcher la constitution d’un black bloc », a justifié la Préfecture de police.

Le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, a fait état samedi soir de 142 interpellations lors de la manifestation organisée à Paris et s’est félicité de l’attitude des forces de l’ordre, qui a, selon lui, permis d’éviter des violences. « Force est restée à la loi. Plusieurs centaines de casseurs étaient venus pour commettre des violences. La stratégie de fermeté anticasseurs – 142 interpellations et encadrement du cortège – a permis de les en empêcher, de protéger les commerçants », a écrit M. Darmanin sur Twitter.

Très important dispositif de CRS et de gendarmes mobiles

Réunis derrière une immense banderole proclamant « Stop aux lois liberticides, stop islamophobie », les manifestants avaient commencé vers 15 heures à marcher en direction de la place de la République, sous la pluie. « On ne peut pas rester chez soi face à ce qui se passe actuellement dans le pays, et qui est grave. Le gouvernement légifère à tour de bras, il n’y a aucun contrôle parlementaire, et [il] réduit nos libertés texte après texte », a estimé Christophe, un professeur de philosophie de l’art de 47 ans, interrogé par l’Agence France-Presse (AFP).

« Ce n’est pas fini », a renchéri la députée La France insoumise (LFI) Danièle Obono, « depuis plusieurs semaines la jeunesse se mobilise nombreuse pour réclamer un autre avenir que la précarité et la restriction des libertés que le gouvernement veut lui imposer ».

Ces deux derniers samedis, des dizaines de milliers de personnes ont manifesté à Paris et en région pour exiger le retrait du texte. Ces rassemblements avaient été le théâtre, essentiellement dans la capitale, de violents affrontements entre les forces de l’ordre et des manifestants qualifiés d’« ultras » ou de « casseurs » par les autorités. Le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, avait fait état de 95 interpellations et de 67 blessés parmi les policiers et les gendarmes samedi dernier.

Selon une source syndicale, 3 000 policiers et gendarmes ont été mobilisés pour la manifestation parisienne, soit environ 50 % de plus que la semaine dernière. « Il était temps qu’on comprenne qu’il fallait le surnombre et la mobilité pour déstabiliser les black blocs », a réagi auprès de l’AFP le secrétaire général du syndicat Alliance, Frédéric Lagache.

« Trop de restrictions »

A Lyon, où la préfecture a recensé quelque 2 000 manifestants, les forces de l’ordre ont fait usage de gaz lacrymogène pour riposter à des projectiles ou pour disperser le cortège à la fin du rassemblement. A Toulouse, 1 200 personnes ont manifesté, elles étaient un millier à Marseille.

Plus tôt dans la journée, environ 1 800 personnes ont défilé dans le calme dans le centre-ville de Montpellier, selon la préfecture. « Je ne proteste pas uniquement contre la loi de sécurité globale, a expliqué Coline Marguet, une étudiante de 23 ans. Nous allons vers trop de restrictions, de manière générale. » « Notre devoir de citoyen est de veiller au respect de nos droits », a renchéri Anne-Marie Briand, médecin de 49 ans, en arborant une pancarte « Un flic flou, c’est un flic pas net ».

Près de 1 300 personnes ont aussi défilé samedi à Strasbourg. Derrière une large banderole « Tous ensemble contre la loi sécurité globale » ouvrant le cortège, de nombreuses pancartes étaient brandies avec ces slogans : « Plus de caresses, moins de CRS », « Police floutée, justice aveuglée » ou encore « Balance ton port d’arme ». « La mobilisation reste forte, l’opposition continue », a déclaré à l’AFP Laurent Feisthauer, secrétaire générale de l’union départementale de la CGT. « C’est une loi attentatoire aux libertés. Et on le voit déjà, alors qu’on a toujours eu des manifestations pacifiques ici, les contrôles sont systématiques pour rejoindre le rassemblement, les drapeaux sont confisqués, et nous sommes nassés à l’arrivée. Les rapports se tendent sans raison », s’est-il indigné.

Adoptée en première lecture à l’Assemblée nationale, la loi sécurité globale suscite depuis des semaines de vives critiques de la part de la gauche, des journalistes et des ONG de défense des libertés, notamment son article 24, qui pénalise la diffusion malveillante d’images des forces de l’ordre. Le texte est accusé par ses détracteurs de porter atteinte aux libertés de la presse, d’expression et de manifester « et d’instaurer des outils de surveillance de masse ». Ces critiques ont été renforcées par le passage à tabac filmé du producteur de musique Michel Zecler par des policiers, le 21 novembre. Face au tollé provoqué par l’article 24, le gouvernement a finalement laissé au Parlement le soin de trouver une nouvelle formulation alors que le texte doit passer devant le Sénat en janvier.

De nombreux manifestants ont également dénoncé plusieurs décrets publiés le 4 décembre, qui autorisent la collecte et la conservation par le ministère de l’intérieur de données personnelles« relatives à des opinions politiques, des convictions philosophiques, religieuses ou une appartenance syndicale » de personnes susceptibles de « porter atteinte à la sécurité publique ». « Je pense que nos droits et nos libertés sont attaqués gravement par le gouvernement », s’est inquiété Catherine Leduff, professeure des écoles, et membre du SNES-FSU. « C’est une criminalisation de l’engagement syndical, a renchéri Gauvain End, cosecrétaire départemental de la FSU. On cherche à anéantir par un arsenal législatif et répressif toute tentative de contestation. »

Source: Lemonde.fr

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