La décision finale reviendra au Conseil des ministres, qui se réunit dans deux jours. Mais l’avenir de Dubai Ports World (DP World) à Maurice semble déjà compromis. « Cette option n’est plus à l’étude », affirme-t-on du côté du comité ministériel chargé du dossier.

Celui-ci s’est réuni, ce mardi 10 janvier, sous la présidence de Showkutally Soodhun. Outre les ministres Bodha, Bholah et Gungah, des techniciens de la Mauritius Ports Authority étaient aussi présents.

Le troisième opérateur portuaire n’« a rien soumis de concret » jusqu’ici, fait-on comprendre du côté de l’Hôtel du gouvernement. Cela malgré l’ultimatum lancé fin décembre par Soodhun, lors de la première réunion qu’il a présidée, pour que DP World « peaufine son dossier ». Le no 3 du gouvernement a pris la relève de Xavier Duval sur ce comité suite à la démission du PMSD de la majorité.

Aucun business plan

L’Etat avait entamé des discussions avec le troisième opérateur portuaire mondial dans l’optique qu’il devienne un partenaire stratégique du développement envisagé à Port-Louis.

DP World a, certes, indiqué qu’elle comptait dans un premier temps injecter 20 millions de dollars. Mais il n’y a eu aucune précision, aucun plan détaillé, pas de business plan, fait-on ressortir du côté du comité.

Le rapport du cabinet conseil BDO a aussi pesé dans la balance. Chargé d’évaluer les propositions de DP World, le consultant auprès de la Mauritius Ports Authority (MPA) aurait conclu que les demandes de la firme dubaïote ne sont pas dans l’intérêt du pays.

DP World devait être actionnaire minoritaire avec 40% des parts. Mais souhaitait cependant avoir le contrôle des opérations portuaires, comme l’avait indiqué Xavier Duval au Parlement, en avril 2016, mais aussi de la gestion et de l’administration de la Cargo Handling Corporation Ltd (CHCL).

              Droits exclusifs

Autre point qui a fait tiquer : le fait que DP World requiert des « droits exclusifs » sur les activités portuaires. Soit avec une location-bail de 99 ans sur 325 arpents devant lui être alloués dans la zone de Jin Fei, mais qui ne pourraient alors accueillir d’autres promoteurs.

DP World est farouchement opposée à ce qu’une « tierce partie » soit impliquée dans le développement portuaire. Or, fait-on ressortir dans l’entourage du comité ministériel, 20 millions de dollars (environ Rs 720 millions) ne suffiront pas pour financer tous les développements envisagés. Et l’Etat ne pourra en aucun cas prendre en charge l’ensemble de la balance restante.

L’absence de garanties vis-à-vis des travailleurs du port, que ce soit pour le maintien des emplois ou la compensation en cas de licenciement, n’a pas non plus joué en faveur de l’opérateur.

                Les travailleurs dans tout ça ?

La Port Louis Maritime Employees Association (PLMEA) se réjouit, pour sa part, que DP World soit hors-jeu. « Ce n’est pas une victoire mais nous sommes soulagés », fait ressortir Alain Edouard.

« On ne voit pas pourquoi une compagnie étrangère viendrait faire de l’argent sur le dos des travailleurs, poursuit le négociateur de ce syndicat, alors que la Cargo Handling Corporation est ‘non-profit making’. »

Et de noter que le gouvernement a investi quelque Rs 7 milliards récemment dans le port, que deux nouveaux portiques sont attendus courant 2017. « On ne voit pas ce que DP World aurait pu apporter de plus », affirme Alain Edouard.

Face à la perspective d’un autre partenaire, local ou non, pour la CHCL, la PLMEA maintient sa position. « Nous sommes contre toute privatisation. Nou ava gete pli divan ki pou ena. »

L’accord collectif sur les conditions de travail signé pour cinq ans, les travailleurs sont conscients qu’il faudra « relever des défis ». « Mais si on nous en donne les moyens, nous travaillerons », avance le négociateur.

                Projets en suspens

Doit-on s’attendre à la venue d’un autre partenaire étranger ? « Toutes les possibilités sont envisagées », lâche-t-on dans l’entourage des membres du comité ministériel. En tout cas, nous assure-t-on, « le choix se portera sur quelqu’un qui sera en faveur du gouvernement et des travailleurs ».

Maintenant que DP World a été mis à l’écart, des projets d’investisseurs locaux restés en suspens « depuis près de deux ans » reviennent sur le tapis. Le potentiel de développement est non négligeable, relève-t-on, et s’élève à « plusieurs milliards ».

A la MPA, on précise toutefois que ces 13 dossiers ne concernent pas le port mais la zone de Jin Fei. « Ce sont des projets de port franc du Board of Investment à Riche-Terre », explique Shekur Suntah. Le directeur général de la MPA indique, par ailleurs, que le plan directeur du port sera avalisé sans doute « d’ici fin janvier ».

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