Des entreprises manufacturières mauriciennes se mobilisent pour fabriquer des masques de protection, en pleine épidémie du Covid-19. Associated Textiles, RT Knits et Tropic Knits Ltd en ont ainsi produit 65 000 en tissus. Réutilisables pour la plupart, ils ne sont pas destinés au grand public mais aux acteurs en première ligne face à l’épidémie de nouveau coronavirus.

La police en a reçu 26 250 en cadeau

Ce geste, salué par beaucoup, a aussi soulevé des interrogations quant à l’efficacité de cette alternative aux masques chirurgicaux. Ces masques de substitution ne sont, certes, pas certifiés, ils ne dispensent pas des gestes barrière mais «ils constituent une première protection pour ceux qui sont les plus exposés en ces temps extraordinaires», indique Lilowtee Rajmun-Joosery, directrice de la Mauritius Export Association.

L’inspiration est venue de ce que font entreprises et particuliers en Tunisie, en Malaisie ou encore en République tchèque pour trouver des alternatives. «Dans chacun de ces pays, le masque a aidé à freiner le taux de contamination», fait remarquer la directrice de la Mexa.

Contraintes

Au moment où les industriels du textile et de l’habillement mauriciens se sont regroupés pour ce projet, des normes internationales n’étaient pas disponibles pour les guider dans la réalisation, dans l’urgence, d’alternatives aux dispositifs médicaux certifiés. Maurice ayant fermé ses frontières, «il a aussi fallu composer avec les matières disponibles», explique de son côté Kendall Tang, directeur de RT Knits. En faisant toutefois attention aux tissus utilisés et en s’inspirant de ce qui se fait ailleurs.

Le masque de protection local comprend ainsi une couche interne en viscose, fibre «naturellement antibactérienne», qui agit comme filtre et retient les gouttelettes émises lors de toux, détaille Kendall Tang. Les couches externes sont fabriquées à partir d’un tissu aux mailles compactes au possible. «Il y a eu un traitement chimique pour rendre cette couche externe hydrophobe, étanche à l’eau», explique le directeur de RT Knits. Du coup, ce masque en tissu supporte jusqu’à dix lavages. Il est ensuite stérilisé par la chaleur.

Les derniers modèles fabriqués en dernier comprennent un pince-nez, pour faciliter l’ajustement. La police n’a pas reçu ces lots, car le fil métallique n’était alors pas encore disponible, précise Kendall Tang.

Production locale

Le stock produit n’est pas en vente au détail. Les prix affichés dans le communiqué qui circule depuis hier sont destinés aux entreprises (supermarchés, firmes agricoles…), aux banques, aux ministères et autres organismes qui assurent des services essentiels en cette période de couvre-feu et de confinement, explique Lilowtee Rajmun-Joosery. Peut-être dans une semaine ou deux, laisse entendre Kendall Tang, si la demande existe toujours, la production pourrait être étendue pour le grand public.

Quid du gel hydroalcoolique ? «La production locale se poursuit, il n’y a pas de pénurie», confirme la directrice de la Mexa. Des «hand sanitisers» ont d’ailleurs été distribués durant toute la journée du 31 mars en vue de la réouverture des supermarchés et petites boutiques, le 2 avril, dit-elle. La police en a aussi reçu près de 700 litres.

Ce qui manque vraiment : des gants, dont le port est conseillé mais pas obligatoire, si on sait comment en porter et les enlever pour éviter les contaminations. «Il n’y a pas de producteur à Maurice», affirme Lilowtee Rajmun-Joosery. Qui ajoute : «Il faudra rapidement passer à l’importation si on veut éviter la pénurie.»

Un nouveau filon ?

«Notre devoir patriotique est de fournir des produits essentiels», insiste la directrice de la Mexa. «Le Covid-19 a ébranlé le monde», poursuit-elle. Le choc n’a pas épargné Maurice même si cela prendra un certain temps pour en évaluer l’impact. Ce qui est toutefois clair à ce stade, pour Lilowtee Rajmun-Joosery : «Un nouveau dynamisme économique va émerger.»

Les entreprises sont appelées à se réinventer dans un environnement non seulement compétitif mais aussi, et surtout, parce que la crise Covid-19 a montré les limites de l’importation dans des situations d’urgence. «Nous demandons au gouvernement de privilégier la production locale», plaide Lilowtee Rajmun-Joosery.

La fabrication de masques est-elle un créneau à exploiter pour un secteur manufacturier déjà en difficulté ? La directrice de la Mexa ne pose pas la question ainsi. «Il faut aider, dit-elle, il faut aussi se reconvertir.» Un processus qui ne sera possible que s’il y a une demande pour ce genre de produits ou d’autres dispositifs.

Les industriels du textile et de l’habillement fourniront ainsi au moins une clinique privée en masques en tissu. Des discussions sont en cours avec le ministère de la Santé afin que les productions futures soient au plus près des normes sanitaires utilisées à l’international, indique Lilowtee Rajmun-Joosery.

Quid de la fabrication d’autres dispositifs de ce genre, comme les surblouses médicales jetables ? Cette question est à l’étude, confie la directrice de la Mexa, même si «aucune demande par rapport au corps médical n’a été reçue». Il faudra, du reste, importer les matières premières.

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