Il était le chauffeur de Raouf Gulbul durant la campagne électorale de ce dernier, en 2014. Sabiir Gungapersad, dont Ashley Hurhangee, Samad Goolamaully et Athon Murday avaient cité le nom lors de leurs auditions, a été reçu par la commission Lam Shang Leen aujourd’hui. Son audition intervenant après celle de l’avocat Kailash Trilochun.

L’homme, aujourd’hui employé à son compte, parle d’illusions déçues, de promesses non tenues, mentionne un Raouf Gulbul «arrogant»… Il a, certes, travaillé pour l’homme durant sa campagne électorale à Port-Louis Maritime/Est. Mais pas parce que Jean Michel Lee Shim l’y aurait poussé.

L’audition commence par les voyages de Gungapersad en 2014. Etait-il en Angleterre durant la campagne pour les législatives ? Le témoin se rappelle qu’il y a passé ses vacances – il s’y rendait souvent – mais ne se rappelle pas de sa date de retour.

Lam Shang Leen lui rafraîchit la mémoire, la commission étant en présence des dates de ses déplacements. Gungapersad est rentré en octobre. Il était employé chez SMS Pariaz de 2010 à 2014, précise-t-il au président de la commission d’enquête sur les drogues.

D’abord nommé responsable, il devient manager en 2014. Durant cette période, Gungapersad a représenté SMS Pariaz en cour. Noor Hosseny en était alors l’avocat. Il ne se souvient pas d’un autre, ajoute-t-il à une autre question de la commission.

Paul Lam Shang Leen veut alors savoir comment il s’est impliqué dans la campagne électorale. Gungapersad explique qu’il avait contacté Raouf Gulbul pour être l’avocat d’un de ses amis. «Avant la campagne électorale ?» «Oui, bien sûr… Se mwa ki’nn apros Gulbul. Li’nn axepte. Lerla mo’nn roul avek li.»

PLSL : Be ki ou rol ? Gungapersad précise qu’il agissait comme chauffeur uniquement pour les déplacements de Gulbul au n3. Et que quelqu’un d’autre véhiculait l’avocat quand il rentrait chez lui, par exemple. Lam Shang Leen lui montre alors la photo d’une Toyota rouge, que Gungapersad être celle qu’il conduisait.

«Ki ou rol ?» insiste Lam Shang Leen, outre d’agir comme chauffeur. «Li ti promet mwa li pou fer mwa gagn travay MRA», répond le témoin.

Lam Shang Leen l’interroge alors sur les autres personnes impliquées dans la campagne. Athon, Samad… L’ancien chauffeur est interrompu par le président de la commission : «So bann ansien kliyan?» Il y avait tellement de gens, répond-il, «mo pa konn zot». Personne qui lui aurait fait vive impression ? Gungapersad ne sait pas, il ne connaissait pas les clients de Gulbul.

Quid de ceux qui assuraient la sécurité ? Le témoin ne sait pas non plus. «Mo ti panse Samad ek Ashley», provoquant le rire dans la salle.

Etiennette ? Non. Gro Patrick ? ll l’a déjà vu mais ne lui a pas parlé, son rôle se bornant à le conduire aux réunions.

Lam Shang Leen s’intéresse alors à sa candidature en tant qu’indépendant aux dernières législatives. «Bann-la inn met mwa kandida pou gagn akse [dans les centres de vote, NdlR].» Il n’a pas mené campagne même s’il a complété les formalités d’enregistrement.

Le président de la commission axe alors ses questions sur les dépenses concernant la voiture de campagne. Gungapersad cite le nom d’un policier. Celui-ci, dit-il, lui remettait Rs 2 000 au quotidien comme frais de campagne, la moitié pour la nourriture et l’autre pour l’essence. L’épouse du policier, dira plus tard le témoin, est employée chez SMS Pariaz.

Qui s’occupait des finances ? La régionale no 3 ? demande Lam Shang Leen en rigolant. Oui, confirme Gungapersad, mais aussi Noor Hosseny.

Lam Shang Leen passe à autre chose. «Gloria Food. Bien manze kot Gloria Foods?!» ironise-t-il. «Gulbul bien kontan manz kado. Enn kas li pena, enn roupi li pena dan so pos.» Ils ont pris leurs repas à ce fast-food entre une dizaine et une quinzaine de fois, «bien manze», ce qui fait rire la salle. «Be kan gagn kado…», fait remarquer Lam Shang Leen. «C’est assez logique», opine Gungapersad.

Connaît-il Ramoly ? Non, il a seulement entendu le nom. Lam Shang Leen revient à la charge sur le financement. Et sa provenance. Qui les finance ? «Mo pa kone», se défend Gungapersad. «Be ki ou kone?» lance Lam Shang Leen. Gungapersad répète qu’un policier «vinn kit kas» car les fonctionnaires «pena drwa ede». «Mo pa kone ki zot ‘deal’, lerla zot rant dan loto, zot kasiet kouma lougarou».

«Ou pa’nn gagn okenn kas?» «Jamais», affirme-t-il.

Lam Shang Leen veut savoir s’il a reçu Rs 50 millions «pou partaze». «Non, non, sa fos.» Lam Shang Leen l’interroge alors sur ses récentes déclarations à la presse. S’il n’avait pas été convoqué, réplique Gungapersad, il aurait approché la commission pour savoir pourquoi son nom a été cité «autant». Lam Shang Leen lui indique que son nom a été cité car il a conduit un candidat à Saint-Pierre. Gungapersad dément : «Zis sa zour-la, Raouf Gulbul dir pa bizin vini.» Lam Shang Leen semble étonné : «Ou pa’nn al St Pierre?» Non, répète Gungapersad. Qui alors ? Il ne sait pas. «Mo trouv sa drol, toulezour amenn nou. Zis sa zour-la pa’nn amenn nou.»

«Ou pa’nn tann nanie apre?» veut savoir Lam Shang Leen. Gungapersad affirme que quelques jours plus tard, il a évoqué l’absence de quelques personnes impliquées dans la campagne de Gulbul. Ce dernier lui aurait répondu : «Bann-la inpe zalou, akoz sa zot inn aret vini.»

Lam Shang Leen revient à la question des finances. Gulbul, selon Gungapersad, évoquait souvent le fait qu’il a dépensées Rs 2,5 millions pour une élection qu’il n’a pas remportées. La raison, selon l’avocat : «Bann-la inn fer marday.» Gulbul, poursuit Gungapersad, est «bien arrogant», exemple : il se lave les mains après avoir serré celle de quelqu’un. «Il n’était pas actif dans la région», affirme Gungapersad. «Li ti pe asize, li ti pe manz sorbe dan zardin» – les rires fusent – «Bann-la ti dir li pou fini eli, bann-la ti dir li pou vinn Vice Premie minis.»

Gungapersad insiste : il n’était pas impliqué dans la partie financement, et ces questions n’étaient pas non plus évoquées en voiture.

On lui redemande : «Eski ou patron inn donn larzan pou distribie?» Non, répète-t-il, il n’a rien reçu hormis ce qui devait aller aux dépenses quotidiennes. «Eski ou’nn et anvoye par M. Lee Shim?» précise alors Lam Shang Leen. «Non», répond-il, bien que «si M. Lee Shim ti anvway mwa, mo ti pou dir wi».

«Vous accompagniez votre patron partout», lui fait remarquer Lam Shang Leen. Ce que confirme Gungapersad, en ajoutant qu’un ami les accompagnait, Gulbul et lui. «Raouf pa kontan dimounn asiz akote li.»

Lam Shang Leen le questionne sur son entreprise de lavage de voitures, lancée depuis six mois. Mais veut aussi savoir si le témoin fait aussi des transactions immobilières, notamment l’achat, la vente ou l’échange de terrains, de maisons ou d’appartements, en lui montrant un document. S’il nie d’abord, il finit par déclarer que cela n’a pas marché.

«Avan ou vini, eski ou’nn gagn menas?» Non, dit-il. Le président de la commission lui rappelle qu’il dépose sous serment. Sa réponse est la même, ajoutant qu’il ne parle avec personne de cela.

Pourquoi ne s’entend-il plus avec Gulbul ? veut savoir l’assesseur Ravind Domun. «Li pa’nn donn mwa travay, rétorque Gungapersad. Li ti dan MSM, defann Soodhun…» L’assesseur l’interrompt : «Kifer ou relasion inn kase?» Gungapersad ne se fait pas prier : «Li koz mwa manti, li ale. Ki serti mo roul avek li, li pa fer nanie…»

L’assesseur veut alors connaître de téléphones que possédait l’avocat. Gungapersad n’en connaît qu’un.

Sam Lauthan prend alors le relais : «Gulbul pa dir kot kas sorti ?» Non, dit Gungapersad. Qui le finance ? insiste l’assesseur. «Beaucoup de gens financent les élections, répond le témoin. Cela peut être moi, ou vous…» «Moi ?» s’interloque Lauthan, sous les rires. Gungapersad se corrige : «Beaucoup de gens assurent le financement.» Est-il au courant que d’autres candidats «gagn kas» ? Non. Gungapersad n’a pas non plus reçu de message ni de SMS de menace.

Lauthan aborde son emploi pour le compte de Lee Shim. Gungapersad insiste sur le fait que «M. Lee Shim enn bon dimounn, parfwa ena bann travay mo fer». Lui le connaît comme un «gentleman». Ses rémunérations chez SMS Pariaz ? Rs 15 000 à Rs 20 000. Et d’ajouter : «Mo konsider Lee Shim kouma mo papa. Li enn bon dimounn.» Les paiements ont cessé il y a deux mois, répond-il à Lauthan.

Lam Shang Leen intervient car il veut savoir pourquoi. «Ou dir li ou papa», fait ressortir l’ancien juge. «La li pena travay la. Me si mo bizin enn ti led, mo ‘call’ li.» A moins que quelqu’un l’ait remplacé, interjette l’ancien juge. Non.

Lam Shang Leen revient cette fois sur ses relations avec Gulbul : «Ki moman ou realize M. Gulbul pa enn bon dimounn?» Lors de l’audition de l’avocat, répond-il, quand il a déclaré ne pas connaître Tisha Shamloll. «Toulezour mo’nn trouv li mwa», souligne le témoin. Qui relève que «dousma-dousma, li’nn donn mwa lespwar me pa’nn trouv nanie». Gulbul, selon Gungapersad, devait être nommé chez Mauritius Telecom, et lui aurait alors été embauché comme conseiller. L’avocat lui aurait aussi promis un poste à la Gambling Regulatory Authority. «Kan li pa ti pe vinn chairman, li ti pe vinn plore avek mwa: ‘Kan mo pou vinn chairman?’»

Lam Shang Leen reprend le fil SMS Pariaz, où Gungapersad était directeur «de 2012 à 2014». Il était chargé notamment des demandes de permis auprès de la GRA. Qui est propriétaire de l’entreprise ? Valeur du jour, Ramdaye, répond-il. Lam Shang Leen insiste. «Zis lor papie, li lor papie», déclare Gungapersad, qui précise qu’il recevait des instructions du conseil d’administration.

Combien de compagnies possède-t-il ? poursuit Lee Shim. «Qui?» demande Gungapersad. «Ou papa», lâche un Paul Lam Shang Leen sarcastique. Il enchaîne: il veut des détails sur un bookmaker à Rodrigues et le nombre de bookmakers affiliés à SMS Pariaz. Gungapersad ne sait pas. A la question de Lam Shang Leen, il explique qu’il a quitté l’entreprise suite à des démêlés «avek enn anplwaye dan board, lezot direkter».

Lam Shang Leen veut connaître l’identité des membres du conseil. Gungapersad est évasif, mentionnant le nom de l’actuel chairman. Irrité, Lam Shang Leen lui demande tour à tour qui nomme le président du conseil d’administration et qui constitue le conseil. Le board et le propriétaire. Lam Shang Leen est de plus en plus agacé : «Ki sann-la? Ou bien kone SMS Pariaz pou M. Lee Shim. Ou pe ezite. Dir so non.»

Gungapersad le corrige : «Je n’hésite pas», Lee Shim n’est pas le propriétaire actuel.

Lauthan interroge de nouveau le témoin. Cette fois sur les liens entre Lee Shim et l’époux de député qui «deal houses». Gungapersad n’est «pas au courant». Lee Shim et Roubina Jadoo-Jaunbocus s’étaient rencontrés au mariage de Noor Hosseiny, note alors Lauthan. «Zot inn koze laba», confirme Gungapersad qui ne sait toutefois pas quelle était la teneur de leur conversation.

Lauthan aborde de nouveau la question du financement. Gungapersad reprend ses explications d’un peu plus tôt. Ajoutant cette fois que lors d’un rassemblement à Plaine-Verte, il fallait faire provision de nourriture pour… 600 personnes. «Pa gagn traka kas», l’aurait alors rassuré par téléphone le policier qui lui remettait la somme pour les dépenses quotidiennes de campagne.

«Ou’nn deza gagn kas pu donn depite?» l’interroge Lauthan. Gungapersad dément.

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